Composées au départ par des confiscations révolutionnaires, les collections du fonds ancien se sont développées au XIXe siècle avec des acquisitions communales, des dons de l’État, d'autres bibliothèques et de particuliers. Fatalité, en 1871, un incendie en détruit une bonne partie. La bibliothèque, installée successivement à l’Échevinage, puis dans les bâtiments de l’actuelle mairie, déménage en 1938 pour la maison Martineau. En effet, Maurice, fils de Gustave Martineau, un riche négociant en cognac, lègue ce quadrilatère de bâtiments, idéalement situés, à la mairie à condition « qu’elle en fasse une bibliothèque ». Erudit, il a lui-même constitué un ensemble consacré à l’identité saintongeaise. Il meurt en 1928, son épouse dix ans plus tard. Les clauses testamentaires sont alors exécutées.
Une partie de la Maison Martineau |
La municipalité de Saintes aménage donc le site avec l’ouverture de deux nouvelles ailes. Malheureusement, au fil du temps et bien que la sonnette d’alarme ait été tirée en maintes occasions, les conditions de stockage et de préservation se révèlent insuffisantes. À partir de 2005, le fonds n’est ouvert que sur rendez-vous, ce qui a l’heur d’irriter chercheurs, étudiants, ou simples curieux.
• 2010/2011 :
Après analyse de prélèvements sur les documents et sur le bâtiment réalisée par le laboratoire de la BNF, le diagnostic est accablant : « l’ensemble des moisissures identifiées ont la capacité de dégrader un large panel de matériaux et particulièrement les toiles à base de coton, les colles animales, le cuir et le parchemin ». Une protection adéquate du personnel lors de la manipulation d’ouvrages contaminés est « nécessaire ». En juillet 2011, la Ville décide la fermeture pure et simple du fonds ancien au public. Une décision certes inévitable, mais qui tombe comme un couperet…
• Octobre 2012 :
Conscient du problème, Jean Rouger, président de la Communauté de Communes du Pays Santon et maire de Saintes, organise une réunion aux côtés de Sylvie Barre, adjointe à la culture. Le fonds comprend quelque 130.000 documents sur 3500 mètres linéaires et 25 salles de réserve. 70.000 imprimés côtoient 55.000 documents iconographiques et près de 1000 manuscrits. Les nouveaux vecteurs de communication et une grande variété d'objets y trouvent également leur place. A titre d’exemples, le journal "L'indépendant des Charentes" a été microfilmé et le journaliste Charly Grenon y a versé ses archives personnelles.
Sylvie Barre, alors adjointe à la culture, aux côtés de François Lopez |
Le mauvais état de la Maison Martineau met en danger son contenu et ses trésors dont le plus ancien, une charte du XIe siècle liée à l’abbaye aux Dames. L'intérieur de cette élégante demeure bourgeoise ne correspond pas aux normes que requiert un outil moderne de transmission de la connaissance. Certains ouvrages auraient besoin d’un sérieux « renouveau » (moisissures, attaques d’insectes, vrillettes, poissons d’argent, manque de contrôle de l’hygrométrie).
Il faut donc prendre les choses en main. L’analyse menée par le laboratoire de la BNF recommande expressément le dépoussiérage et la décontamination de certains ouvrages. Le projet scientifique et culturel envisage alors de proposer des réserves adaptées à leur conservation.
• Après 2012 :
Même si le fonds est fermé, le travail sur place se poursuit avec, entre autres, la rédaction d’un projet scientifique et culturel validé par la DRAC, l’inventaire complet des collections, la réalisation d’un catalogue patrimonial, le dépoussiérage complet et le reconditionnement, le reclassement général et la réorganisation des espaces de conservation. Des documents sont numérisés avec réalisation d’un espace numérique accessible par internet (à l’intention des chercheurs). Divers travaux ont lieu (toiture aile ouest de la maison Martineau et consolidation de certains murs).
« Un important travail d’inventaire et de récolement a été effectué » souligne Karim Younes, directeur des médiathèques municipales de Saintes. Il reste à trouver un site pour abriter l’ensemble des collections. Située à proximité, la salle centrale est évoquée.
• Octobre 2019 :
La tempête Amélie ayant malmené la toiture de la médiathèque et occasionné des dégâts, une partie du fonds ancien doit être transférée dans la salle de l'Etoile (hostellerie Saint-Julien). Déjà, les services techniques avaient alerté les édiles sur l’état de la charpente.
La question est débattue lors d'un conseil municipal présidé par Jean-Philippe Machon, maire. La décontamination est bien sûr évoquée, une partie des ouvrages ayant déjà fait l'objet d'un traitement. Les opérations vont continuer. « Notre objectif est de trouver un endroit où livres et presse seront conservés dans de bonnes conditions. A quoi bon les décontaminer si les bâtiments qui les abritent entraînent une nouvelle dégradation ? » souligne à juste titre l'adjointe à la culture Céline Violet. L'action Cœur de Ville permettra-t-elle de trouver un nouveau lieu d'archivage et de consultation pour accueillir ce formidable fonds fermé au public depuis 2011 ? La Salle Centrale est mentionnée (projet abandonné à son tour).
2020 :
« Depuis juillet, une partie des collections a été prise en charge par l’entreprise Aviso pour leur conditionnement, leur transport et leur traitement. Elles sont parties pour Pouzauges, puis Thouaré-Sur-Loire où elles ont bénéficié d’un traitement novateur aux rayons gamma et d’un dépoussiérage méticuleux qui leur a permis de retrouver une seconde jeunesse » explique Karim Younes. « Dans un premier temps, les collections déplacées face au risque d’effondrement de la toiture qui les abritait ont été traitées. Elles correspondent au fonds de manuscrits : 1 800 boîtes d’archives dont des manuscrits médiévaux enluminés, le manuscrit de Savigny de 1816 sur le Radeau de la Méduse, des antiphonaires des XVIIème et XVIIIème siècles ou des archives associatives et politiques ; au fonds de presse : 500 titres de journaux pour la plupart locaux, dont la collection complète de l’Indépendant de la Charente-Inférieure et de Sud-Ouest édition de Saintes depuis 1949, des bulletins de sociétés savantes, des revues scientifiques et techniques, commerciales ou culturelles. Le fonds iconographique, composé de photographies, négatifs, diapositives, a ensuite été traité. Notons plusieurs dons de photographes professionnels locaux ; 4 000 cartes postales qui représentent en grande majorité les rues, monuments, événements de Saintes et des Charentes ; 205 dossiers thématiques sur les monuments, les associations ou les évènements saintais ; 17 000 dossiers biographiques sur les Saintais et les Charentais, le fonds multimédia composé de vinyles, DVD, VHS portant sur des thématiques locales ; une partie des livres et brochures dont tous les volumes des fonds Martineau et Eschasseriaux »…
Espaces spécialement réhabilités et rénovés pour répondre aux conditions de conservation |
L'espace patrimoine ouvert aux chercheurs chaque mercredi à partir de juillet |
La partie presse |
Au printemps, les collections patrimoniales reviennent progressivement à la médiathèque. Elles intègrent des espaces spécialement réhabilités et rénovés pour répondre aux conditions de conservation exigées pour ce type de documents (2 km linéaires restaurés sur 3,5). Une partie des documents reste encore à décontaminer. Une réflexion globale est actuellement conduite par la municipalité quant à la réorganisation d’espaces susceptibles de les accueillir.
Juillet 2021 :
Le fonds ancien rouvrira ses portes le 10 juillet (10 ans jour pour jour après sa fermeture). Cette journée sera saluée par une inauguration digne de ce nom ! Il sera ouvert au public une fois par semaine (le mercredi), date officielle le 21 juillet. Une salle pouvant accueillir douze personnes a été spécialement aménagée à cette intention, baptisée « Espace patrimoine ». « C’est une immense joie pour la ville de Saintes de pouvoir à nouveau ouvrir ces collections qui n’étaient plus accessibles depuis une décennie » se réjouit Dominique Deren, adjointe chargée de la culture.
Les chercheurs, quant à eux, applaudissent cette réouverture. Ainsi, Marc Seguin, spécialiste des XVe et XVIe siècles : « Que ce fonds, qui est très riche, soit à nouveau consultable est une bonne nouvelle car on vient de très loin pour y faire des recherches. Ceux qui, jusque-là, trouvaient porte close ne pouvaient que le déplorer. Leurs travaux s'en sont ressentis. Pour la notoriété de Saintes, l’accessibilité à ce fonds est importante car il offre à la Ville un rayonnement intellectuel et culturel. Bien des grandes villes n’ont pas la chance d’en posséder un de cette qualité ». Ce sentiment est partagé par l'historien saintongeais Alain Michaud. Il regrette que « pendant dix ans, les recherches historiques, sur Saintes en particulier, aient été entravées par cette longue fermeture ».
L'architecture élégante de la médiathèque |
Le jardin attenant : lecture et quiétude ! |
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