mardi 8 octobre 2019

Marie Dominique Montel, directrice de l'Académie de Saintonge : « Selon une enquête nationale, quand ils entendent le mot culture, 77% des Français pensent d'abord à la science, 73% aux voyages, 62% au théâtre ex-aequo avec... la cuisine »

La cérémonie des prix de l'Académie de Saintonge s'est déroulée dimanche dernier à Royan en présence de personnalités dont Didier Quentin, député, Marie Pierre Quentin, représentant le Conseil départemental, Patrick Marengo, maire de Royan et Nicolas Morassutti, représentant la Communauté de Communes de Haute Saintonge. Cette rencontre annuelle a été l'occasion pour la directrice, Marie Dominique Montel, de saluer la 60ème édition de remise des prix de l'Académie de Saintonge puisque c'est en 1959 qu'ont été honorés ses premiers lauréats au nombre de deux à l'époque. Depuis, la liste s'est largement étoffée !



Discours de Marie-Dominique Montel :

« Je remercie la ville de Royan et son maire Patrick Marengo qui nous accueillent et nous soutiennent depuis de longues années de leur amitié et de leur générosité. Notre reconnaissance va également au département de Charente-Maritime qui nous accorde son aide depuis toujours. Cette année, nous accueillons officiellement une nouvelle académicienne, Christine Sebert Badois, dame de la Roche Courbon, élue au 16e siège et dont notre collègue Philippe Ravon prononcera le discours de réception.

Pour son usage et pour le vôtre, j'ai eu envie de revenir sur le passé mythique de notre Académie.
A la fin du XVIIIe siècle,  Bernardin de Saint-Pierre, auteur du roman Paul et Virginie et grand voyageur, proposa une théorie à l'académie des Sciences sur le phénomène des marées. Elles étaient dues, expliquait-il, à l'action du soleil sur les banquises du pôle. De jour, les glaces réchauffées fondaient, la quantité d'eau liquide augmentait, la marée montait. De nuit, la glace se reformait, le niveau de la mer redescendait. La preuve, disait B. de Saint-Pierre, les grandes marées ont lieu à la fin de l'été quand il y a eu beaucoup d'ensoleillement. Vous pensez bien que dans une région d'ostréiculture, de marine à voile et de pêche à pied comme la nôtre, le sujet a fait mouche. On a saisi tout l'intérêt d'une académie. Et l'idée a fait son chemin. Seulement elle l'a fait à la façon des Charentais qui sont renommés pour prendre leur temps : l'Académie de Saintonge n'a vu le jour qu'en 1957. A ce moment-là, la théorie de Bernardin de Saint-Pierre avait déjà été abandonnée. Ce n'est pas grave ; les 25 académiciens élus ne se consacrent pas seulement aux marées, mais à tous les domaines de la culture.

Notre Académie a deux particularités : La  première est géographique. L'académie de Saintonge - comme son nom l'indique - n'est pas l'émanation d'une ville, mais d'une région. L'ancienne province de Saintonge recouvre le département de Charente-Maritime et même au delà, jusqu'à Jarnac, Cognac ou Barbezieux en Charente, tandis qu'au nord elle englobe l'Aunis de création récente puisqu'il date seulement... de 1374. En conséquence, mes collègues viennent d'un large territoire dont ils connaissent bien les richesses et les difficultés. En conséquence également, nos assemblées sont itinérantes, chaque trimestre nous voit dans une localité différente, à la decouverte de son patrimoine, de ses ressources culturelles et des personnes qui en assument la responsabilité.

La deuxième spécificité de l'Académie de Saintonge, ce sont ses prix. Soucieuse de vulgariser les travaux et les réalisations remarquables, elle s'est positionnée depuis 60 ans comme le jury régional de référence. Chaque année, elle décerne environ 15 prix de littérature, de science, d'histoire, des arts, du patrimoine et de la culture régionale.

Si nous sommes passés de deux lauréats à une quinzaine, c'est grâce à un formidable mécénat local qui nous permet de financer nos prix. Ces mécènes sont des collectivités locales, des personnes morales ou privées. Il y a la ville de Royan, de Rochefort, de Saintes, de Marennes, la Haute-Saintonge, la communauté d'agglomération Royan Atlantique, l'Aquarium de La Rochelle, le Mémorial de la Nouvelle France. L'an prochain, nous aurons un prix de l'île de Ré. Et puis nous avons, grâce aux mécènes privés, un prix René Coutant de l'innovation, un prix Louis Joanne pour les associations, un prix Jacques et Marie-Jeanne Badois pour le patrimoine, les prix Dangibeaud et Jehan de la Tour de Geay pour l'histoire, un prix Labruyère pour la littérature.

Nos courroies de transmission avec le monde de la culture sont de trois ordres, le réseau des lauréats, 150 en 10 ans, qui sont les forces vives de la création et de la recherche dans notre région, les élus locaux maires et adjoints chargés de la culture ou responsables des institutions et associations culturelles avec qui nous sommes en contact, enfin les académiciens eux-mêmes à leur poste d'observateurs et de dénicheurs de talents.

Notre objectif est de mettre en valeur, de faire découvrir et se rencontrer des spécialistes de la même région qui ne vivent pas toujours sur la même planète et qui sont parfois les premiers surpris, tel le climatologue Hervé Le Treut, l'un de nos grands prix, qui nous a écrit l'une de ces lettres qu'on a envie d'encadrer : « J'ai été extrêmement impressionné par la qualité des autres personnes, associations et travaux qui ont été primés. L'ouverture thématique de l'Académie est absolument remarquable, le mélange entre enracinement régional et visibilité nationale aussi ». 
Notre site internet permet à ceux qui le souhaitent de retrouver notre actualité, nos palmarès et de nous contacter. Nous avons aussi une page face book sur laquelle je vous invite à nous retrouver.

« Selon une enquête nationale, quand ils entendent le mot culture, 77% des Français pensent d'abord à la science, 73% aux voyages, 62% au théâtre ex-aequo avec... la cuisine »

Notre souci constant est d'appliquer nos exigences de qualité et d'excellence à des travaux qui suscitent la curiosité ou l'intérêt aujourd'hui. Mais comment les cerner ? Faute de moyens pour nous offrir une étude rien que pour nous, nous avons profité d'une enquête nationale du Ministère de la Culture sur les attentes et les opinions du public matière de culture. Les résultats sont assez étonnants, d'ailleurs ils sont restés confidentiels. Sans doute parce qu'ils révèlent que les Français plébiscitent des domaines de la culture qui ne sont pas du domaine du Ministère de la Culture. On peut en sourire ou s'en alarmer, à vous de juger !
Pour commencer, quand ils entendent le mot culture, 77% des Français pensent d'abord à la science. En deuxième position (73 %), ils classent les voyages et en troisième (62 %) le théâtre ex aequo - c'est cela qui a du perturber le Ministère ! - avec la cuisine.
Ces réponses imprévues (sciences, voyages et cuisine) devancent les activités auxquelles vous ou moi aurions pensé : la lecture, la musique et le cinéma (+ de 50 %).
Les experts, devant ces chiffres, ont conclu intelligemment que nous cherchons à travers la culture des expériences qui nous touchent personnellement, mais aussi que nous pourrons partager. Dans une conversation, pour trouver un sujet qui crée des liens, la recette de la mouclade de ma grand-mère fait jeu égal avec la visite d'un monument ou un bouquin sensationnel.

En considérant les activités de l'Académie de Saintonge à la lumière de ces résultats, pour la science, ça colle : nous primons des scientifiques et les interventions des lauréats dans ce domaine connaissent toujours un grand succès. Les voyages, quant à eux,  recouvrent en partie ce que nous appelons le patrimoine, les musées et probablement l'histoire. La cuisine reste évidemment plus difficile à digérer, c'est le cas de le dire, par nos critères académiques. A moins de prendre les talents culinaires en considération pour l'élection d'un prochain académicien... Je ne sais pas si c'est vraiment pertinent mais j'avoue que c'est  tentant !

Plus sérieusement, les Français se retrouvent autour d'une notion de la culture qui associe l'expérience personnelle et l'échange, la rencontre. Et ça, je pense que c'est très pertinent pour nos réflexions.
J'ai gardé pour la fin la vision générale de la culture qui ressort de cette enquête : près d'un Français sur deux l'associe à des valeurs très positives. La liste là aussi est intéressante : la tolérance, le bien-être, la curiosité, l’enrichissement.
Tout cela n'est pas forcement facile à transcrire dans nos palmarès, mais peut nous permettre d'en orienter l'esprit, du moins je l'espère, avec deux fils conducteurs : la culture est perçue comme  une ouverture d'esprit et une ouverture aux autres. Et ce sont ces convictions, je crois, qui nous rassemblent tous en ce dimanche 6 octobre ».

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