mardi 18 juillet 2017

Les 30 ans d’émotions de Violon sur le Sable : La plage de Royan est devenue la plus grande scène de concert !

Il y a trente ans que la première édition du Violon sur le Sable a vu le jour à Royan. Trente ans de bonheur dédiés à la musique et à l’expression artistique. Trente ans aussi que Philippe Tranchet et son équipe organisent ce festival emblématique dont la réussite dépend bien sûr des artistes invités, mais surtout du temps… puisque les concerts se déroulent en plein air. Rendez-vous du 21 au 30 juillet.

La multitude ! (© Violon sur le  Sable)
Tous les ans en juillet, Violon sur le Sable attire une foule immense sur la plage de Royan. Quelque 50.000 personnes, voilà qui laisse rêveur ! Pourquoi choisir un décor nature soumis aux aléas du temps ? A l’origine de cette manifestation, Philippe Tranchet admet que si Royan avait possédé une grande salle de spectacle, il n’aurait peut-être pas imaginé des concerts sur la Conche avec les vagues pour toile de fond ! C’est sans doute la tension que génère la réussite de cet événement qui l’a motivé à se surpasser, à provoquer l’inattendu et à rechercher un éventail d’artistes, des plus renommés à ceux qui attendent leur bonne étoile. Le festival s’adresse à des professionnels qui acceptent de se produire en un lieu inhabituel. Cette originalité, Philippe Tranchet la perçoit comme une carte maîtresse.

Quand la plage devient scène de spectacle (© Violon sr le Sable)
A quelques jours du premier concert, le 21 juillet, où les pianistes Jean-François Zygel et Alain Manoukian vont se renvoyer la balle au Garden, Philippe Tranchet est sur des charbons ardents. Au moment de solliciter une interview, il est plutôt souple sur les horaires : « vous pouvez venir jusqu’à trois heures du matin, on ne se couche pas avant ! ». Et pour cause, il faut tout préparer dans le moindre détail. Au 114 de la rue Emile Zola, siège de la société du même nom, la "ruche" bourdonne ! Violon sur le Sable, dont le concept s’est étoffé jusqu’à proposer des concerts dans et en dehors de la ville, ne souffre pas la médiocrité. Cette année, les invités vont, une nouvelle fois, séduire le public. A la nuit tombée, assis sur le sable - certains depuis des heures pour occuper une position stratégique ! - ils écouteront avec ravissement (entre autres) Didier Lockwood, François René Duchâble, Nemanja Radulovic, des voix d’or comme Patricia Petibon ou Philippe Jaroussky et s‘émerveilleront devant les danseurs.

C'est magique ! (© Violon sur le Sable)
Finalement, nous nous retrouvons à 19 heures. Face aux courts de tennis de l’Orangerie, le 114 est une maison et une entreprise à la fois. On s’y sent comme chez soi tout en percevant la fébrilité ambiante et "sportive" du moment. Philippe Tranchet se pose un instant.

« L’occasion était belle de confronter un Stradivarius à ses pires ennemis, l’eau, le sel et le sable »

Si l’on devait raconter Violon sur le Sable, quels en seraient les moments les plus importants, ceux qui ont été déterminants ? La question le fait sourire. Il présente le livre édité à l’occasion des trente ans. « Vous avez tout dans cet ouvrage » dit-il. Ce livre de belle qualité, on le feuillette comme un album de famille sans craindre d’en violer les secrets. Agrémenté de photos « souvenirs » et de textes intimes révélant l’émotion des organisateurs et des artistes, il met en scène trois décennies d’aventures musicales entre ciel et estuaire, avec cette formidable opportunité d’assister aux spectacles en toute liberté.

Sans contrainte (l’accès à la Conche est gratuit, seules sont payantes les tribunes), Violon sur le Sable est d’abord une invitation au partage, un éveil à la sensibilité. Comme ce petit garçon qui accompagnait sa mère au tout début et qui, devenu adulte, emmène ses enfants à son tour. Ainsi, la chaîne formée est riche et solide de ses maillons  : « il était là devant moi, assis sur le sable entre ses parents, la bouche ouverte, craignant que la belle soprano ne chute en montant dans les aigus. L’histoire de ce gamin est un peu la nôtre, la vôtre, été après été » écrit Philippe Tranchet.

Patrice Mondon et Philippe Tranchet, à l'origine de Violon sur le Sable
Alors animateur à Radio Fréquence, il évoque le premier concert : « Pour faire vivre cette radio, il me fallait imaginer ce qui n’existait pas encore, ce que l’on n’apprenait pas à l’école. Fasciné à coups de transistor par la musique, comment ne pas être admiratif devant un violoniste de l’Opéra de Paris ? Qui plus est quand il oublie Mozart pour les Beatles ! J’ai demandé à Patrice Mondon d’aller à la nuit tombée jouer une Aria de Bach sur la plage de Royan, les pieds dans l’eau.. mais en queue de pie. C’était pour moi le comble du romantisme. Ce solo a été retransmis en direct. L’occasion était belle de confronter un Stradivarius à ses pires ennemis, l’eau, le sel et le sable ». Intrigués, ses proches n’y croient pas trop et se rendent à l’évidence : « quelle surprise de voir Patrice Mondon en smoking sur la plage ! »
Ainsi commence « il était une fois Violon sur le Sable » qui prend de l’envergure tout en restant fidèle à son berceau : « elle est si belle et si spacieuse, si douce et si docile : la plage de Royan, qui est devenue la plus grande scène de concert, est unique à bien des égards. Chaque spectacle y est particulier, émouvant, excitant »…
Excitant et générateur d’une bonne poussée d’adrénaline ! Les spectateurs sont à mille lieues de penser à quel point Violon sur le Sable est dépendant de choses toutes simples… comme le temps qu’il fait. Il suffirait de pluies intenses pour entraîner l’annulation des concerts dont le code premier est de se dérouler en extérieur. L’organisation serait alors réduite à néant car il n’existe pas de solution de repli pour un public aussi nombreux. Philippe Tranchet n’est pas superstitieux, mais il est prévoyant. Il est devenu spécialiste des prévisions météorologiques qu’il suit avec attention : « jusqu’à présent, nous n’avons jamais eu de vrai problème. Sauf une fois où j’ai interrompu un concert vingt minutes avant la fin car un orage menaçait. Il faut penser à tout et surtout aux milliers de personnes massées sur la plage. Si un mouvement inattendu se produit, l’évacuation doit être contrôlée ». 

Le violoniste Nemanja Radulovic (© Violon sur le Sable)
« Ce festival est celui de tous »

Le Violon est atypique par son fonctionnement puisque organisation et programmation sont réalisées par la société 114 Production. La municipalité, le Département et des partenaires privés dont Hennessy et la Maison d’horlogerie Baume et Mercier apportent leur soutien. Le budget se situe entre 1,4 et 1,8 millions d’euros dont 30% sont financés sous forme de marchés publics. « C’est aux spectateurs sur la plage que l’on doit la possibilité d’avoir des places payantes. C’est donc un modèle économique original. Chaque année, il nous faut trouver des ressources nouvelles pour équilibrer les comptes en constante progression » déclare Philippe Tranchet. Il avoue passer des nuits blanches dans la crainte du grain de sable qui viendrait gripper son violon ! Cette prise de risque, il l’assume pleinement.

Le programme 2017
Le livre fait partie des atouts 2017 : détaillé, il comporte de nombreux portraits, confidences, témoignages, interviews. Tous les artistes sont unanimes : ils sont frappés par la multitude qui est assise devant eux et surtout par la beauté de son silence. Un moment d’éternité sous le champ des étoiles ! Les musiciens tombent sous le charme de cette source d’évasion et de créativité. La lisière dorée devient une île "ouverte" qui permet toutes les audaces : « Tu verras, on joue sur la plage qui est noire de monde. C’est magique » ! D’où la réflexion du violoncelliste Jean-Philippe Audin : « ce qui me touche le plus, ce sont les rencontres avec des artistes qui ont tout vu et qui se laissent surprendre par l’expérience de la scène du Violon. Cela vaut pour Brigitte Engerer sortant de scène en larmes ou Jean-Louis Aubert chantant les Plages sur un arrangement symphonique si loin de l’original. Ou encore ces ados qui voient surgir un artiste dont ils sont fans après avoir écouté de la musique classique et qui comprennent que ce festival est celui de tous ! ».
Au fil des pages, on va de découverte en découverte. Tous pour un Violon, un Violon pour tous ! Certains ne laisseraient leur place pour rien au monde : « j’aimerais que le violon ne cesse jamais » écrit un passionné ou Celia Hélis, régisseur général du festival : « j’ai découvert un peu tard Violon sur le Sable. Je n’imaginais pas alors que cet été changerait ma vie et ma vision de la vie».

Merveilleuse Brigitte Engerer (© Violon sur le Sable)
Qu’ajouter de plus sinon vous donner rendez-vous à Royan des 21 au 30 juillet, soirée où le Violon fera son cinéma avec des musiques de films. En attendant, on peut méditer sur cette analyse du philosophe Michel Onfray : « Pour ma part à Royan comme à Talmont, j’ai entendu des concerts d’une immense qualité et, ce qui est plus rare, j’ai entendu la qualité du silence des gens avant, pendant et après. Des silences qui, on le sait, sont encore de la musique. De la ferveur en province grâce à la culture, c’est toujours un moment de grâce. Royan ringardise la rue de Valois »…

 Comment résister à de tels spectacles qui allient plusieurs dimensions ?

• Ne pas décevoir le public : « avec quelques règles de base, on s’est inventé un public de qualité qui revient chaque année. Les Anglais sont d’ailleurs de plus en plus nombreux depuis la venue d’Alison Balsom qui a médiatisé Royan. La relation est basée sur la confiance » souligne Philippe Tranchet

• Outre Violon sur le Sable, la société de Production 114 organise une manifestation à Fouras "Symphonie d’été" , des concerts à Paris et dans le désert au Maroc.

Jamais de tape à l’œil ! : Les affiches de Violon sur le Sable sont toujours dans l’évocation, de même que la couverture choisie pour le livre. « En ne trichant pas, on évite d’attirer un public qui ne correspond pas à l’esprit dans lequel sont organisés les concerts ».

• Le livre est en vente à Maison de la presse de Royan, dans les Super U et sur le site internet sur festival.


• Le choix des artistes : aux "valeurs sûres", Philippe Tranchet aime dénicher de nouveaux talents, « mais il ne faut pas se tromper ! ».

• Outre les spectacles sur la Conche, 12 concerts ont lieu en ville ou dans les environs. La société organisatrice emploie une centaine de salariés l’été. Seuls bénévoles, les chauffeurs qui assurent les déplacements des artistes.

• Un contexte parfois compliqué : Philippe Tranchet assure qu’il n’a pas envie de quitter Royan et pourtant, tout n’a pas toujours été facile, au conseil municipal en particulier. Soutenu par le maire Didier Quentin et maintenant par son successeur Patrick Marengo « qui sait écouter ses interlocuteurs, qualité assez rare chez les hommes politiques, d’où sa capacité à évoluer dans ses jugements », il garde la tête froide et a fait sienne cette devise de Confucius : "Lorsque tu fais quelque chose, sache que tu auras contre toi, ceux qui voudraient faire la même chose, ceux qui voulaient le contraire, et l'immense majorité de ceux qui ne voulaient rien faire"…

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