mardi 27 janvier 2015

L’actualité régionale vue par Demoiselle FM
Nous sommes Charlie par Arnaud Develde


Janvier commençait un peu mollement, comme il convient au sortir de deux semaines de boustifailles, de paquets à défaire et à la veille des soldes.
L’auteur de ces lignes s’apprêtait à vous livrer quelque papier sur la ZAD d’Echillais, près de Rochefort, cette Zone à Défendre, installée par quelques jeunes libertaires opposés à la construction d’un incinérateur, soutenus par des centaines de citoyens.
Puis il y eut « ça ». Un déferlement de violence dans le XIème arrondissement de Paris, ce 7 janvier, en fin de matinée, au siège de « Charlie Hebdo ». 12 morts, selon le terrible inventaire du procureur général de Paris au soir du drame, et 11 blessés aussi, à des degrés divers. Cabu, Charb, Wolinski, Tignous, des noms qui ont bercé la jeunesse de nombre d’entre nous. D’après les premiers éléments, ceux qui ont tiré voulaient venger Allah. Et ils l’ont fait avec une froide précision de professionnels. 

Peu à peu, dans cette funeste journée, un sentiment en a saisi plus d’un. Celui d’assister, en France, en 2015, à une sorte de « 11 novembre intime » pour paraphraser le billet de Daniel Schneidermann sur le site « arrêt sur images ». Le sentiment de vivre un cauchemar et que finalement on allait se réveiller. Mais non, on restait englué dans cette horreur, commise au cœur de notre pays.
 Si l’innommable a une vertu au pays de Voltaire, c’est de souder aussitôt le peuple. À la colère, s’est rapidement substituée une fierté dans le cœur des journalistes, ces types si détestés qu’ils figuraient parmi les plus impopulaires métiers de l’hexagone.
Car voilà que se dressaient des milliers de citoyens, à Saintes, à La Rochelle, à Rochefort, à Royan, à Paris, Nantes, Bordeaux… stylos en main, les brandissant à côté de nos cartes de presse.
 Car, vous savez quoi, messieurs les terroristes qui confisquez une religion d’amour pour vos sanguinaires valeurs ? Il se peut que vous ayez déjà perdu. Nous ne sommes pas un peuple à cesser de rire sur injonction. Parce que le rire est cette ultime politesse de l’humanité. Surtout quand ce rire porte sur nous-mêmes, et « Charlie Hebdo » excellait en la matière, quitte à outrager.


Vous pensiez avoir abattu le droit de penser, il se peut au contraire que vous l’ayez raffermi. Au prix de la mort de douze âmes innocentes et de la blessure de 65 millions de Français dont des millions de vrais musulmans. À l’heure où votre serviteur écrit ces lignes, la plaie est encore béante et la douleur vive. Mais l’espoir, soulevé par l’immense solidarité de tous, compense la peine. La colère aurait pu se libérer sous le clavier. C’est le mépris qui l’emporte. Nous ne saurions nous taire. Nous sommes Charlie, nous sommes tous Charlie.

 Arnaud Develde, journaliste



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