jeudi 15 janvier 2015

Jean Chrysostome,
"Saint-Jean Bouche d'or",
un évêque hors contrôle ?

Cette journée d’études historiques et patristiques est proposée par l’association CaritasPatrum. Elle aura lieu samedi 21 mars à Saintes (Charente-Maritime). Mais qui est Jean Chrysostome, cet évêque de Constantinople au tournant des IVe et Ve siècles  ? 



Etrange ironie de l’histoire, celui qui avait été le chantre de la grandeur incommensurable du sacerdoce et de la liberté de l’Eglise, fut enlevé en décembre 397 pour être conduit à Constantinople, la capitale de l’Empire, et là, y être consacré évêque de la Seconde Rome. L’ordination du prêtre Jean d’Antioche était tout à fait contraire aux règles canoniques de l’Eglise. En fait et place d’une élection qui aurait placé Jean à la tête de l’Eglise de Constantinople de façon légitime, il ne devait sa nomination qu’aux manœuvres de l’eunuque Eutrope, le favori du jeune empereur Arcadius. Et pourtant à Constantinople, Jean ne renonça à rien. Prédicateur infatigable de la Parole de Dieu, il osait croire que tous, nobles et humbles, pouvaient vivre l’idéal de l’Evangile, rappelant aux uns et aux autres leurs devoirs et la grandeur de leur vocation. Et la parole n’étant rien sans l’exemple, il n’hésita pas à vendre les biens considérables de son Eglise pour nourrir les foules de miséreux attirés par la création de la nouvelle capitale. Ce qui lui valut l’animosité des puissants qui n’entendaient pas voir ainsi disparaitre les signes de leur ostentatoire piété. Il était sans concession pour ces nobles qui fréquentent la Cour très-chrétienne : « Qui êtes-vous, vous qui adorez le Christ dans les ors de l’autel et le méprisez dans les haillons du pauvre ? » Et cette même liberté de parole lui servira pour stigmatiser les évêques qui achètent leur charge ou les ascètes qui passent plus de temps dans les maisons des riches patriciennes que dans leur monastère. Une telle liberté de paroles et d’actions avait un prix que Jean ne tarda pas à connaitre. C’est à cette belle figure patristique prise dans les contradictions d’un Empire qui se veut chrétien, entre utopie et pressions politiques, entre discours et mutations sociales que sera consacrée notre prochaine VIIe Petite Journée de Patristique de Saintes (Charente-Maritime).

• Cette journée se déroulera au Séminaire de Saintes, 80 cours Genet, 17100 Saintes, de 9 h à 16 h. Pour avoir de plus amples renseignements et/ou connaitre les conditions pratiques d’inscription, n’hésitez pas à appeler au 06 95 41 74 30 ou envoyer un mail à : pg.delage@gmail.com

Les intervenenants 

• Emmanuel Soler (université de Rouen) : à propos de la vie de Jean Chrysostome 
La vie de Jean Chrysostome s’acheva par une mort héroïque s’apparentant à un martyre. Mort pour des principes chrétiens et ecclésiologiques que l’évêque de Constantinople estimait juste et légitime de défendre face à la famille impériale, la fin de la vie de Jean Chrysostome fut véritablement une tragédie, mais toute sa vie fut sans nul doute une aventure spirituelle, une aventure tout court. Cette aventure qui conduisit tout d’abord le jeune Jean de l’ascétisme urbain prôné, à Antioche, par Diodore de Tarse à celui pratiqué par les ascètes et ermites vivant « au désert », dans les montagnes entourant Antioche, fut jalonnée par la suite par des engagements remarquables : engagement à Antioche en tant que prêtre et prédicateur pour la défense et la consolidation de l’Eglise rassemblée par les évêques Mélèce et Flavien, engagement à Constantinople en tant qu’évêque de la Seconde Rome pour la défense des principes chrétiens et « catholiques » (dans le sens voulu par l’empereur Théodose après le concile œcuménique de Constantinople de 381), pour l’affirmation de l’indépendance de l’épiscopat constantinopolitain contre les manifestations outrancières du pouvoir impérial et de son autorité contre les moines de Constantinople et contre les Eglises rivales, notamment l’Église d’Égypte. Les ministères exercés par Jean Chrysostome furent marqués par la fidélité du prédicateur et de l’évêque à la théologie diophysite développée par l’École d’Antioche et s’inscrivirent dans les controverses dogmatiques et les rivalités ecclésiales de la seconde moitié du IVe siècle et du début du Ve siècle. 

• Guillaume Bady (Sources Chrétiennes) : Bouche d’Or contre « langue de bois »  
Jean Chrysostome et le franc-parler Jean Chrysostome – ou doit-on dire Éleuthérostome ? – était connu pour sa liberté de parole. C’est d’ailleurs elle qui, d’une certaine façon, lui a coûté la vie. De la franchise, il savait pourtant dénoncer les excès autant que louer le courage. Or ce sens de la mesure était chez lui tout théorique, si l’on en croit certains témoignages ou épisodes de sa vie où son franc-parler a tenu un rôle majeur. Encore aujourd’hui, ne trouverait-on pas dans sa bouche des propos qui passeraient les limites du « politiquement correct » ? 

• Nathalie Rambault  (Sources Chrétiennes) : Pâques et l’Ascension au temps de Jean Chrysostome 
De la période antiochienne de Jean Chrysostome, nous possédons un certain nombre d’homélies prêchées à l’occasion des grandes fêtes du calendrier liturgique. L’homélie Contre l’ivresse et sur la Résurrection ainsi que celle Sur l’Ascension du Christ appartiennent à cette période. La première témoigne de l’évolution de la théologie pascale initiée en Orient dans le courant du IVe siècle. Désormais, le jour de Pâques voit la célébration de la résurrection du Christ et non plus celle de la Passion, réservée aux jours précédents. La seconde homélie, l’un des plus anciens témoignages d’une fête du quarantième jour, commémore l’ascension triomphale de l’humanité sur le trône royal, événement qui scelle la réconciliation de Dieu avec les hommes. A travers ces textes, nous pouvons apprécier en outre le talent oratoire de Jean qui déploie devant son auditoire un véritable spectacle visuel destiné à faire comprendre et sentir l’importance de ces mystères sacrés. Enfin, ces homélies nous renseignent sur la manière dont la congrégation était invitée à vivre ces évènements majeurs du culte chrétien. 

• Grégoire Poccardi (Université de Lille 3) : Topographie et urbanisme d’Antioche à l’époque de Saint-Jean Chrysostome 
Une découverte historique et archéologique du cadre de vie dans lequel Jean Chrysostome a vécu la plus grande partie de son existence : la ville d’Antioche dans la seconde moitié du IVe siècle et les lieux qu’il a fréquentés ou signalés. 

• Michel Cozic (université de Poitiers) : Jean Chrysostome ou une spiritualité de l’évènement
L’évènementiel est le tissu de nos existences. Or Jean Chrysostome a sans cesse été présent, jusqu’au bout, aux « réalités » les plus rudes ou les plus scandaleuses de son temps. Par son témoignage et ses œuvres spirituelles, il a été un chercheur de sens pour l’itinérance humaine. « Homo viator » en quelque sorte avec ses contemporains et avec nous. Aussi, après avoir dégagé sa vision quelque peu paradoxale mais cohérente avec l’événementiel, nous verrons comment il le spiritualise pour chacun et en Eglise. 


• P. Pascal-Grégoire Delage (CaritasPatrum) : Des généraux, des femmes et un évêque L’historiographie traditionnelle désigne l’impératrice Eudoxie et l’évêque d’Alexandrie, Théophile, comme les acteurs principaux de la chute de Jean Chrysostome au printemps 404. Toutefois Palladius d’Hélénopolis, un témoin direct des événements, attire également, certes de façon discrète, l’attention de ses lecteurs non seulement sur les évêques que Jean avait blessés dans leur amour-propre, mais aussi sur un groupe de femmes de la très haute aristocratie. Veuves de consuls, leurs époux avaient été des membres éminents de la junte militaire qui maintenait le pouvoir impérial en Orient. Jean n’aurait-il pas été également la victime d’un rapport de force politique et militaire qui avait évolué entre Orient et Occident ? 

• Mme Annie Wellens (écrivain) : Vous avez dit : « rhétorique » ? 
Les héritiers de Saint-Jean Bouche d’Or. Le pathétique divin était resté vivant dans la patristique grecque. L’œuvre de saint Jean Chrysostome atteste cette transposition chrétienne du sublime démosthénien, dont la force et la véhémence garderont une grande influence, notamment à la fin du XVIe siècle et au XVIIe (Alain Michel, « La rhétorique, sa vocation et ses problèmes : sources antiques et médiévales »Histoire de la rhétorique dans l’Europe moderne, 1450-1950, sous la direction de Marc Fumaroli, PUF, 1999). Jean Chrysostome fait partie des sources vives en matière d’éloquence tant pour les prédicateurs de la Réforme protestante que pour ceux de la période post-tridentine dans l’Eglise romaine.


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