Entre ambiance électrique et "hibernatus"…
Lundi soir, le public, transi par le manque de chauffage, a assisté à la fin d’une histoire qui avait pourtant bien commencé. Tous deux issus de la liste Machon, élu maire en 2014, Dominique Deren et Bruno Drapron s’étaient désolidarisés du premier magistrat en cours de mandat pour des motifs divers et variés. Ils avaient alors constitué l’embryon d’une opposition au sein de la majorité. Bruno Drapron, tête de liste aux Municipales de 2020 contre Jean-Philippe Machon, l’a emporté et c’est tout naturellement que Dominique Deren, fidèle à son égard, a été nommée adjointe à la culture.
Cette amitié était-elle solide ? Toujours est-il que le vernis a rapidement craqué. Devant l’ampleur du dossier culture et patrimoine saintais, le maire a repris la main et Dominique Deren s’est vu confier « la démocratie participative ». Se sentant écartée, elle a exprimé sa déception dans le journal Sud-Ouest, réaction suivie d’un droit de réponse de la majorité... avant le retrait de ses délégations en novembre dernier. La suite avait lieu le 20 décembre avec la question 29 de l’ordre du jour du conseil municipal : « maintien ou non dans ses fonctions de Dominique Deren après retrait de ses délégations ».
Dominique Deren (au micro) redevient simple conseillère municipale d'opposition |
Nombreux guettaient les détails de cette rupture digne d’une tragédie romaine où le ton monte entre des êtres unis, puis désunis. Transformés en "hibernatus", les observateurs installés au fond de la salle ont accepté stoïquement la froide température ambiante, ne souhaitant pas attendre le prochain réchauffement climatique pour connaître l’issue des événements.
En fin de séance, l’atmosphère est devenue électrique. S’ils ont obtenu la version de Dominique Deren, Bruno Drapron a éludé la question de Pierre Dietz et de l’opposition en général qui cherchaient à connaître la raison de ce clash. « Ça n’intéresse pas les Saintais » a répondu laconiquement le premier magistrat. Un droit de réponse de la majorité, publié il y a quelque temps dans S.O, apporte cependant un éclairage : « Pour nous, la culture, c’est la diversité, la curiosité et l’amour de l’autre. Une culture accessible à tous, sans entre-soi, et surtout remplie de bienveillance envers tous ceux qui ne peuvent se l’offrir. Pour nous, la démocratie participative, ce n’est pas "un os à ronger" ».
Pourquoi « coucous » ? Parce que Bruno Drapron et Dominique Deren ont utilisé ce nom d’oiseau dans leurs déclarations. Citation extraite du droit de réponse de la majorité de Bruno Drapron au sujet de Dominique Deren : « Nous avons tous participé à construire le programme municipal. Nous sommes fiers de travailler ensemble pour les Saintais et il n’y a pas une journée où nous ne leur en sommes pas reconnaissants. Enfin, pour nous, toute indemnité mérite travail. Les élus ne peuvent pas être des coucous, ils ne peuvent pas rester dans un arbre juste parce qu’ils ne sont pas encore sûrs du suivant ».
Riposte de Dominique Deren lundi soir : « Juste une parenthèse concernant le coucou auquel vous m’avez comparée. Je ne me sens absolument pas concernée. Je pense qu’il y a erreur sur la personne. Le coucou est un oiseau qui pond ses œufs dans le nid des autres. Ce droit de réponse insinue que je ne travaille pas, que je n’ai pas de cœur, que je ne suis pas sur le terrain, que je ne veux pas le meilleur pour les Saintais, que je ne suis pas bienveillante : Je ne suis pas dupe ! ». Le ton est donné…
Dans une allocution qu’elle a pu lire jusqu’à son terme, Dominique Deren - dont on devinait l’émotion - a parlé en femme atteinte dans ses convictions.
Extraits : « Je tenais particulièrement à être présente ce soir. Je suis entrée en politique par hasard il y a 8 ans pour contribuer au bien-être de mes concitoyens. Je n’en sortirai pas par hasard. J’attends toujours de comprendre pourquoi j’ai été mise à l’écart et je pense que je n’aurai jamais la réponse ». Elle dresse la liste de ces derniers mois : « j’ai été écarté de réunions importantes dont l’une à l’Abbaye aux Dames, du schéma directeur concernant entre autres le projet du pôle muséal, du lancement des journées archéologiques, on a oublié de m’informer que Véronique Cambon s’occupait des domaines relevant de ma responsabilité, puis il y a eu les annulations systématiques d’animations culturelles. Ces faits m’ont profondément marquée : A quoi étaient-ils dûs ? A un manque total d’organisation ? A un manque de confiance dans mes compétences ? D’une volonté délibérée de m’écarter ? Après m’avoir utilisée, on m’a rejetée ».
Elle espère le soutien de ses colistiers, lesquels sont appelés à se prononcer sur son sort : « si vous maintenez votre position ce soir, vous comprendrez ce que la lâcheté et la peur veulent dire en politique. La peur est mauvaise conseillère. Quant à la lâcheté, ceux qui ont rejoint Pétain n’ont pas gagné la guerre ». Cette réflexion suscite des remous, à commencer par le maire visiblement choqué. Et de conclure en soulignant « l’ambiance au sein de la majorité dirigée par le couple Abelin/Drapron, le non respect de l’opposition, l’omniprésence de Véronique Abelin dans la vie municipale. La politique, c’est compliqué. J’ai failli renoncer, mais par respect pour les Saintais et pour continuer à soutenir les agents qui font un travail remarquable, je serai conseillère municipale d’opposition ».
Bruno Drapron : « Un chef, c’est fait pour cheffer »
Dans les rangs de la majorité, c’est la stupéfaction. Philippe Callaud, adjoint aux finances, monte au créneau : « vous faites partie d’une équipe municipale, vous êtes dans l’exécutif et vous avez voté contre la délibération concernant le site Saint-Louis. En vous mettant en marge, je considère que vous vous êtes placée vous-même dans la situation actuelle. Quant à vos propos sur Pétain, ils sont inqualifiables ». Thierry Baron abonde dans son sens : « un groupe ne peut pas fonctionner si l'un de ses membres joue contre son camp ». Marie-Line Cheminade est sur la même longueur d’ondes : « nous sommes comme une chorale et nous chantons ensemble. L’effort est collectif. Quand on ne se sent pas bien, il faut aller chanter dans une autre chorale ! ». Bruno Drapron digère difficilement le nom de Pétain et tente d’éteindre l’incendie, discipline où ses fonctions de pompier lui confèrent une certaine expérience. Au sujet de sa manière de diriger une équipe, il rappelle « qu’un chef, c’est fait pour cheffer », reprenant la citation de Jacques Chirac.
Méditative, l’opposition voudrait en savoir davantage, « autrement que par voie de presse ». Rémy Catrou est inquiet de l’image que renvoie ce conseil auprès des habitants, retransmis en direct sur le site de la mairie et Facebook : « nous avons le devoir d’exemplarité vis-à-vis de l’extérieur. Lors d’un échange, quand on se parle, on respecte la dignité des personnes ». Pour Renée Benchimol Lauribe, l’opposition ne peut pas se prononcer sur un problème qui concerne la majorité. Ainsi que Pierre Maudoux et Didier Martin, elle regrette la manière dont « les débats sont dirigés de façon autoritaire par Bruno Drapron ». Elle demande le vote à bulletins secrets, mais la majorité n’ayant pas été atteinte, « le non maintien de Dominique Deren dans ses fonctions après retrait de ses délégations » est adopté à main levée. Celle-ci redevient conseillère municipale.
Jean-Pierre Roudier - en l’absence de Jean-Philippe Machon - hoche la tête, se remémorant sans doute le jour où son ancienne collègue Dominique Deren, alors adjointe aux sports, avait rendu son tablier fin 2019…
L'opposition s'abstient en ce qui concerne le sort réservé à Dominique Deren |
Un peu plus tard, sa remplaçante à la culture, Véronique Cambon, est élue par 20 voix sur 34 contre la candidate présentée par l’opposition, Sabrina Chaborel, et 3 blancs. A suivre…
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