lundi 19 mai 2014

Un manuscrit inédit de Philippe Pétain refait surface


Un manuscrit inédit du maréchal, dont Charles de Gaulle fut un temps le « nègre », revient sur le devant de la scène quatre-vingt ans après sa rédaction. Dans ce texte, le « héros de Verdun » évoque l’histoire des différentes batailles de la Grande Guerre. 


C’est l’histoire d’un manuscrit disparu et oublié qui refait surface, comme dans un film policier, révélant à l’opinion les analyses du maréchal Pétain sur la première guerre mondiale. Écrit dans l’Entre-deux-guerres, alors que Pétain jouit d’une grande popularité auprès des anciens combattants, ce livre n’évoque que l’histoire des différentes batailles de ce conflit meurtrier. A l’époque où il rédige ce texte, le « héros de Verdun » est considéré comme celui qui a préservé le mieux les vies humaines dans les tranchées, à l’inverse des autres gloires de l’État major français. Le « général républicain », comme on le surnomme alors, est désireux de livrer sa propre version d’un conflit où il a le sentiment que d’autres lui sont passés devant au moment de tirer les bénéfices de la victoire. Foch est couvert d’honneurs, tandis que Pétain attend son heure.
Ce livre, intitulé La guerre mondiale 1914-1918 (Privat éditeur), long de 351 pages, avec 47 chapitres et 77 croquis, n’est pourtant pas destiné à régler des comptes. Pétain l’aurait pu : durant le conflit, sa préoccupation du sort des soldats lui a valu, de la part de Foch ou de Mangin, le soupçon d’être un « défaitiste ». Pétain s’est pourtant toujours limité à souligner que « le feu tue », afin d’éviter les immenses offensives très coûteuses en vies humaines.

De Gaulle, « nègre » de Pétain 

Comment est-il possible que ce manuscrit ait été ignoré jusqu’à nos jours ? Sa découverte, très rocambolesque, reste encore entourée aujourd’hui d’un certain mystère. Les historiens savaient que Pétain avait tenté de laisser, comme la plupart des autres maréchaux de la Première Guerre, des mémoires sur le grand conflit. Il avait même demandé à un certain colonel de Gaulle, qu’il estimait alors, de lui prêter main forte et d’être son « nègre » comme on dit aujourd’hui. De Gaulle aimait écrire. Pétain n’avait aucun style. Il était un esprit précis et intelligent mais sans cette fantaisie qui donne à l’écriture une force permettant de la distinguer du simple compte-rendu militaire. Pétain était surnommé « Précis-le-sec ». C’est tout dire. Aussi, quand la brouille entre de Gaulle et Pétain avait abouti à la rupture entre les deux hommes en 1927, beaucoup pensaient que le projet était tombé à l’eau et que Pétain n’avait rien laissé par écrit. La publication de ce livre prouve le contraire.

Une redécouverte rocambolesque 

Il a fallu plus de soixante-dix ans avant que la communauté historique ne le découvre. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, par un mystère qui reste encore entier, le manuscrit passe dans les mains d’un maçon italien, dont on ne connaît que le prénom, Giuseppe, qui avait effectué quelques travaux de réfection dans une propriété du maréchal à Villeneuve-Loubet, sur la Côte d’Azur. Ce Calabrais qui avait fui la pauvreté et le fascisme n’avait aucune familiarité avec la politique. Il n’était pas pétainiste. Mais, peut-être pour rémunérer ses services (troc, don, vol ?), il se retrouve après guerre en possession de cet étrange manuscrit, rangé dans une valise avec une gravure du maréchal Pétain au dos. Mort en 1989, le maçon a une fille, Nicolina, qui a entendu parler de l’histoire de ce manuscrit bizarre. Mais elle n’y prend pas garde et pendant près d’une décennie, ce travail continue à rester paisiblement dans une valise, oublié de tous, jusqu’à ce qu’un érudit, Jean-Jacques Dumur, après un véritable parcours du combattant, ne parvienne à faire authentifier ce texte par les autorités. On est en 2010. Le manuscrit a dormi plus de quatre-vingt ans dans un coffre. Dans le style qui est le sien, le futur chef de l’État français a laissé le récit de la première guerre mondiale, sans s’intéresser le moins du monde à la vie des soldats, à leurs souffrances, à leurs espoirs. A peine évoque-t-il les mutineries pour ne suggérer que la nécessité de faire taire la « propagande pacifiste ». Mais Pétain se montre très précis en matière d’histoire militaire. Il ne se contente pas du front de l’ouest mais évoque tous les autres fronts, en Italie, dans les Balkans, en Asie et même en Afrique. C’est, de ce point de vue, un document exceptionnel qui est agrémenté de croquis très précis, comme les officiers d’État-Major savaient alors le faire. 

Source : Jacques de Saint Victor dans le Figaro.fr

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