Alors que la date de réouverture du musée Picasso à Paris est au centre d’une polémique depuis quelques jours, la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, a tranché : elle décidé de fixer "à la mi-septembre" la réouverture du musée, a indiqué dimanche le ministère dans un communiqué.
Le retard pris pour la réouverture de ce musée, fermé depuis cinq ans pour travaux, fait polémique depuis plusieurs jours, sa présidente, Anne Baldassari, ayant elle-même proposé une ouverture fin juillet. « Compte tenu des aléas qui restaient attachés à cette date, la ministre de la Culture et de la Communication a pris la décision de fixer l’ouverture du musée au public à la mi-septembre » a indiqué le ministère. Le ministère de la Culture avait déjà révélé mi-avril que l’ouverture du musée, initialement envisagée en juin, pourrait être repoussée à mi-septembre.
Claude Picasso fait pression pour une ouverture en juin La crise a éclaté vendredi, quand Claude Picasso, qui représente la famille au conseil d’administration du musée, a exigé que la ministre de la Culture s’engage « à tout faire » pour ouvrir le musée en juin.
Dans un entretien au Figaro, Claude Picasso, fils du peintre, s’était dit « scandalisé et très inquiet » sur l’avenir du musée, abrité dans l’Hôtel Salé, dans le quartier du Marais, allant jusqu’à dire « la France se fout de mon père ». Samedi, l’architecte ayant réalisé son réaménagement, Jean-François Bodin, avait estimé que le musée pouvait encore rouvrir comme prévu fin juin, contestant que le bâtiment ait été livré avec un mois de retard.
Les arguments du Ministère pour une réouverture en septembre
Le ministère rappelle de son côté que la date d’ouverture ne peut être déterminée « qu’en respectant les règles applicables à tout chantier de construction et les principes que suit l’Etat pour la gestion des constructions dont il a la responsabilité. Contrairement à certaines allégations publiques, les travaux réalisés dans le corps principal du musée, l’Hôtel Salé, n’ont été achevés que le 30 avril » affirme-t-il. « De plus, les travaux de l’aile technique, bâtiment essentiel du musée, seront achevés au plus tôt fin mai » poursuit le ministère, estimant que « la réception des travaux liés à cette aile technique est donc absolument impossible avant le mois de juin ». Le ministère souligne que la richesse des collections et la beauté du musée « ne pâtiront nullement d’une ouverture en septembre 2014, à l’issue d’un chantier qui aura duré plus de 5 ans ». La ministre appelle « chacun à dépasser les intérêts personnels et à partager cet enthousiasme et cette sérénité qui permettront l’achèvement du projet ».
Communiqué d l'association "Vivre le Marais"
L’affaire du musée Picasso n’avait pas besoin de cette nouvelle péripétie pour dégager un parfum subtil de scandale. Deux journaux, chacun à sa manière, en analysent les ingrédients. Libération de son côté, dans un article du 22 avril, suggère que la direction du musée a effectué des travaux avant l’obtention du permis de construire, comme un vulgaire citoyen frondeur. Et rappelle, ce qui est vrai, qu’il s’agit d’une infraction pénale passible des tribunaux correctionnels. En effet, un permis de construire est affiché 5 rue de Thorigny (IIIe). Il est daté du 8 avril 2014, une date récente qui conduit à se demander comment les travaux qui sont réputés terminés à ce jour, auraient pu s’exécuter dans un intervalle aussi court. C’est donc qu’ils ont commencé avant. CQFD...
Le Figaro a pris le relais en offrant une tribune d’une page et demie à Claude Picasso, l’héritier du maître. Au nom de la famille, qui semble avoir des intérêts autres que sentimentaux dans l’établissement public qui gère le musée, il exige que l’ouverture ait lieu avant la fin du mois de juin. Il suffit de regarder le chantier pour se rendre compte de la gageure.
Et naturellement on ne perçoit pas tout. Qu’en est-il des extensions souterraines, de l’auditorium, des locaux sociaux, de la salle pédagogique ? On apprend également que les gardiens ne sont pas encore recrutés.
Bref, nous nous trouvons en face d’un chantier dont les plus optimistes disent qu’il ne peut pas accueillir du public avant la fin du mois de septembre. Cette perspective rend Claude Picasso nerveux. Il compte sur la conservatrice Anne Baldassari pour tenir les engagements de l’Etat, mais il sent bien que le soutien de la Ministre Aurélie Filippetti n’est pas assuré. A juste titre, nous semble-t-il.
Beaucoup, en effet, condamnent le gigantisme du projet censé déverser dans le quartier trois fois plus de visiteurs qu’auparavant, des dépassements de coûts qui font penser aux Halles et la laideur des constructions additionnelles qu’il faudra cacher sous de la végétation pour qu’elles ne jurent pas trop. Il y a un troisième volet, latent mais réel, à cette problématique : les riverains. Ils n’ont jamais été consultés et se plaignent des quatre années de travaux qu’ils ont subis, de l’indigence esthétique des bâtiments d’extension, qui viennent lécher la façade XVIIème du bel hôtel de Fontenay, et puis, comble de la provocation à leurs yeux, la découverte il y a quelques jours de cette forêt de poutrelles en acier galvanisé.
Elle ferme désormais la vue sur la façade arrière de l’hôtel depuis le jardin public Léonor Fini. Interrogée, la direction générale répond ceci : « Cette structure en acier galvanisé constitue la pergola définitive du jardin redessiné par le paysagiste Erik Dhont. Cette pergola ornementale rappelle le caractère de l’Hôtel Salé. Elle sera habillée de plantes grimpantes odorantes et florifères telles que rosiers grimpants, clématites et glycines. Dans l’axe central, en fin de perspective une demi-sphère en escaliers sera le pendant du grand escalier classé. En limite du jardin public situé à l’arrière de la grille, les rosiers en grappes de type moschata, ainsi que des rosiers remontants assureront la liaison entre le jardin de l’hôtel et le jardin public. Les arbres proposés sont caractérisés par leur feuillage translucide et leurs couleurs chatoyantes ».
Au lieu de chercher à reproduire les jardins suspendus de Babylone, nous sommes d’avis que le musée aurait pu faire l’économie de cet écran - fût-il florifère - et se contenter de la grille actuelle qui permet au public de bénéficier d’une vue généreuse sur l’hôtel. S’agit-il une fois encore du syndrome de la canopée des Halles, monstrueuse structure qui ne semble avoir été conçue que pour satisfaire l’égo d’architectes qui ambitionnent de laisser leur signature à une oeuvre qui fait polémique et espèrent renouveler l’exploit de Gustave Eiffel dont la tour a été vilipendée avant de connaître le succès universel que l’on sait.
Association des Journalistes du Patrimoine
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