dimanche 23 mai 2010

Parlez-moi d'Ao,
le dernier Néandertalien...
Qui sommes-nous,
d'où venons-nous ?


• Paléosite de Saint-Césaire (près de Saintes)

Ao, le Paléosite a pris un nouveau départ. En effet, les différentes activités offertes au public se trouvent renforcées par cet apport qui donne au site un aspect "grandeur nature" de l'univers des hommes préhistoriques.
Cette mise en scène tombe à point avant l'ouverture de la saison estivale...



Christian Marti présente les décors du film Ao. Pour le film, Jacques Malaterre s'est adjoint les services de Marylène Patou-Mathis, directrice de recherche au CNRS, qui travaille depuis plus de 25 ans sur l'homme de Néandertal.

Avez-vous déjà vu un cimetière de mammouths ? La réponse est négative... sauf si vous étiez l'autre vendredi à Saint Césaire ! Non pas qu'une équipe de chercheurs ait mis au jour les ossements de ce grand pachyderme aujourd'hui disparu... Les décors utilisés pour le tournage du film Ao, dont ces animaux au pelage laineux, ont tout simplement été remis au Paléosite, centre spécialisé dans l'homme de Néandertal. Cette installation étonnante résulte d'un "accord" entre le Conseil général de Charente-Maritime, qui a apporté son soutien financier au projet, et la société UGC.

Pour en parler, le réalisateur Jacques Malaterre avait demandé à Christian Marti, décorateur au cinéma, de présenter au public les dessous du tournage. On se pressait donc devant les huttes aux énormes défenses en ivoire (de la résine, bien sûr) et les différents endroits stratégiques, dont le village de Cro Magnon, pour connaître les subtilités de ce film qui sera dévoilé au grand public fin septembre.
Ces défenses de mammouth montrent la taille importante de ce pachyderme.


Nous avons du Néandertal dans notre ADN !

Avec Ao, Christian Marti a vécu une belle aventure que partageront, du moins par l'histoire et l'imaginaire qui en découle, enfants et parents cherchant à connaître le passé de leurs lointains ancêtres. Car il est désormais possible d'écrire que nous avons du « Néandertal dans notre ADN ».
Le scientifique américain, Richard E. Green, qui travaille actuellement au Max Planck Institute for Evolutionary Anthropology (à Leipzig en Allemagne, comme Jean-Jacques Hublin, que nous saluons par la même occasion) a démontré que 1 à 4 % du génome humain actuel pourrait provenir des Néandertaliens. Curiosité, ce phénomène n'apparaît pas chez les peuples d'Afrique. D'où cette constatation : « les croisements ont dû se faire juste après que les premiers hommes sont sortis d'Afrique pour conquérir l'Eurasie, il y a approximativement 100.000 ans ».

La nouvelle est "révolutionnaire". En effet, durant des lustres, les hybrides, issus des Néandertaliens et des Homo sapiens, étaient relégués au stade d'invention par la communauté bien pensante. Les chercheurs étaient largement partagés sur le sujet. L'affaire est d'autant plus importante que le scénario écrit par Jacques Malaterre met en scène un Néandertalien (le dernier !) et une Sapiens qui ont un enfant. Bien sûr, nous n'allons pas vous raconter les péripéties du couple, mais elles ont un aspect historique crédible qu'elles n'avaient pas à leurs débuts. L'équipe y voit un signe du destin ou un petit clin d'œil de Pierrette à travers les siècles !
Virginie Teilhol, responsable scientifique et culturelle du Paléosite, estime que ce film constituera un bel apport médiatique. Que les décors (qui sont généralement détruits après leur utilisation) se trouvent à Saint Césaire est une chance. Le parc avait besoin d'une dimension nouvelle pour être pleinement attractif : avec ses huttes vieilles de 30000 ans, on remonte le temps, quand la région était une toundra !

Peau d'élan récupérée au Canada. L'histoire est inspirée du roman de Marc Klapczynski : Ao l'homme ancien. A travers la rencontre entre un Néandertalien Ao et d'une sapiens Aki, le réalisateur a cherché à montrer l'extinction d'une espèce.
Le rôle d'Ao est tenu par Simon Paul Sutton, un comédien britannique, et celui d'Aki par Aruna Shields, une actrice indienne. « Les acteurs ont été sélectionnés en fonction de leur capacité à exprimer leur sentiments avec leur corps. En effet, ils parlent un langage particulier et les images ne sont pas sous-titrées » souligne J. Malaterre.

Virginie se souvient du jour où deux énormes camions sont arrivés : « les objets volumineux ont été stockés durant des mois. Ensuite, ils ont été triés. Le personnel s'est largement impliqué en fonction de ses affinités. Dès que chacun avait un moment, il allait faire du Ao » ! L'agencement de ces « trésors » a pris un caractère passionnel, le Paléosite se rapprochant peu à peu de l'environnement qu'aurait pu connaître Pierrette dont les ossements ont été localisés à proximité, au lieudit la Roche à Pierrot. Les professionnels ont également mis la main à la pâte, tel Claude Vincent. Prenez le village des Sapiens par exemple : tous les matériaux utilisés sont bruts pour préserver l'authenticité. L'aspect agressif du clan se révèle dans des couleurs tranchées - noir, rouge - et des crânes plantés sur des pics.

Le village des Homo sapiens



Ukraine, Bulgarie et Vercors

C'est la première fois que Christian Marti participe à un film sur les origines de l'homme. Et pourtant, son palmarès est vaste ! Le scénario de Jacques Malaterre lui a plu « parce qu'il est rempli de tolérance, avec l'acceptation des différences ». Le tournage de Ao s'est effectué en deux parties, été et hiver. L'Ukraine avait été choisie pour ses grottes et ses immensités sauvages. Malheureusement, le sort s'en est mêlé : « c'est la seule année où la neige n'est pas tombée » remarque le décorateur. Conséquence, les comédiens sont allés dans le Vercors, en France, où le réchauffement climatique n'a pas encore sévi !

Après une interruption liée au film consacré à Serge Gainsbourg (« j'ai découvert un homme bouleversant »), Christian Marti a suivi les évolutions estivales de ses chers Néandertaliens en Bulgarie. Les espaces vierges de ce pays sont uniques.

« Si l'on part de l'écriture du projet jusqu'à sa concrétisation, cinq ans auront été nécessaires pour réaliser Ao ». Le tournage s'est étalé sur 2008 et 2009 ; sa sortie est programmée pour septembre prochain. Toutefois, d'heureux veinards, visiblement emballés, l'ont vu en avant-première à Paris. Une nouvelle projection pourrait bien avoir lieu à Saintes. Bien que se situant dans les petites productions (la France n'a pas les moyens dont disposent les Américains), Ao possède de nombreux atouts. Même s'il ne regorge pas d'effets spéciaux, cette version devrait séduire le public. Tous les films consacrés aux origines de l'humanité - et nous l'avons constaté avec l'Odyssée de l'espèce, Homo sapiens et le Sacre de l'homme, validés par Yves Coppens - attirent l'attention.

Vendredi, Christian Marti s'apprêtait à partir pour les Antilles où il va tourner un film sur l'esclavage dans des plantations de cannes en Martinique. Il a d'autres beaux projets en vue. Des histoires de vie, des portraits sortant des sentiers battus.


Christian Marti estime qu'Ao possède tous les ingrédients pour sensibiliser les spectateurs.
Bien qu'étant un habitué des plateaux, il se souvient des séances qui transformaient les comédiens en Néandertaliens : « ils arrivaient vers 3 heures du matin. Le maquillage prenait cinq heures. Certains dormaient ». Son regard s'attarde sur le campement préhistoire abandonné, installé près de la terrasse du Paléosite.
« J'aime la simplicité qui tranche du monde superficiel dans lequel nous évoluons. Ce qui me passionne, c'est la beauté du vide » dit-il. Aurait-il aimé vivre sous la grande tente que gardent fièrement des défenses de mammouths (s'inspirant d'une construction, à vocation chamanique, retrouvée par des paléontologues) ? En tout cas, Saint Césaire appartient à ses "coups de cœur".

Cette rencontre s'est terminée par un repas commun, en attendant de découvrir Ao, ce qui ne saurait tarder ! Après Otzi, cet homme mort il y a 5 300 ans et retrouvé dans un glacier (il a récemment fait l'objet d'une conférence), le Paléosite de Saint-Césaire s'affirme comme site régional de la connaissance de nos origines. Ne vous privez pas de sa visite. Vous serez bluffé, entre autres, par le cimetière des mammouths, plus vrai que nature. Et si vous êtes adroit, vous apprendrez à faire du feu, comme au temps d'avant.

L'info en plus : les XXe championnats d'Europe de tir à l'arc au propulseur préhistorique. Avis aux amateurs.

• Conférence le 25 juin avec un chercheur québécois qui a fouillé la Roche à Pierrot dans l'ensemble de ses niveaux géologiques. Une expérience à découvrir et à partager.

Le Paléosite de Saint Césaire avait attiré un nombreux public vendredi dernier

Découverte du cimetière de mammouths...

A la recherche de nos origines devant un immense foyer

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