Vendredi dernier, la ministre de la culture, Rima Abdul Malak, a été accueillie à l'église Notre-Dame de Royan par Didier Quentin, président de l'ADER. D'importants travaux ont été réalisés dans l'édifice qui seront suivis par d'autres interventions : « Y figurera probablement le vitrail situé à l'arrière de l'autel, dégradé. A l'époque, il avait été financé par une souscription lancée par le journal Sud-Ouest. S'y ajoutent l'aménagement de l'esplanade qui se trouve devant l'église ainsi que l'éclairage. Notre association a un rôle de conseil. La mairie décide et finance en liaison avec l'architecte des Monuments Historiques, Philippe Villeneuve » explique-t-il. A noter que la porte d'entrée et l'orgue ont fait l'objet d'une restauration (en relation avec l'ADOR, les Amis de l'orgue de Royan).
L'église, vaisseau spirituel conçu par l'architecte Guillaume Gillet |
Accueil de la Ministre de la Culture par Didier Quentin, président de l'ADER |
L'église "debout" symbolise la renaissance de la ville
L'édifice a été bâti après la Seconde Guerre mondiale dans une ville anéantie en janvier et avril 1945 par les bombardements alliés.
Quand Royan s'est réveillée, réalisant qu'on avait expérimenté sur elle un poison de façon massive, le napalm, elle faisait pitié. Fini les années folles, Jacques Henri Lartigue et ses charmantes photographies, les casinos aux lignes remarquables, la gaité de vivre, les plages et la désinvolture. Il n'y avait que désolation, cendres, les creux et les bosses des impacts sur une nature défigurée. S'y ajoutaient les nombreuses victimes innocentes et les blessés. Le traumatisme était violent. Quelques maisons avaient échappé au massacre, mais les Royonnais avaient perdu leur point de repère. Leur église du XIXe siècle, située place Charles de Gaulle, était entièrement détruite.
Après cette tragique période, vient l'heure du renouveau. Que faire ? reconstruire à l'identique ou inventer de nouvelles perspectives ? Le "maire des ruines", Charles Regazzoni, lance un premier plan en 1951. Le cabinet Baraton-Bauhain-Hébrard est retenu avec un projet influencé par l’architecture brésilienne. Les choses n'avancent pas vite, période oblige. Son successeur, Max Brusset, veut s'inscrire dans la modernité. Il remercie l'équipe précédente et confie à Guillaume Gillet, auteur de la renaissance de Sisteron, le soin de présenter un autre avant-projet : il a quinze jours pour exécuter la demande ! La mairie a une priorité : l'église sera verticale, symbolisant une ville debout qui se relève de ses plaies et le clocher doit lancer un signal fort, un amer visible depuis l’océan comme depuis l’entrée de la ville.
L'intéressé relève le défi avec l'aide d'ingénieurs dont Bernard Laffaille. Ce dernier est spécialiste des bâtiments industriels et des éléments en béton précontraints en V. L'ensemble des compétences conjuguées donne au lieu de culte son apparence élancée, audacieuse et futuriste. Une sorte de temple qu'on croirait issu d'une autre galaxie !
Séduit, Guillaume Gillet présente les plans à la municipalité et les appels d'offres sont lancés. La première pierre est posée en juillet 1955. Originalité, l'église est réalisée en béton armé : « construite sur un emplacement minutieusement choisi, elle devait être visible de toutes parts ». Le 10 juillet 1958, elle est bénite par Monseigneur Marella, nonce apostolique (elle sera consacrée en 1978).
Spatiale ! (© Nicole Bertin) |
Les paroissiens sont impressionnés : la nef en ellipse, qui mesure 45 mètres de long sur 22 mètres de large, peut contenir 2000 personnes. Elle est flanquée d'un déambulatoire et d'une tribune, éclairée de vitraux en losange, située à trois mètres du sol. La toiture, en « selle de cheval » a une mince épaisseur, ce qui représente une prouesse pour l'époque. À l'intérieur de l'édifice, les voûtes atteignent 36 mètres aux extrémités et 28 mètres au centre. Un tirant permet aux différents éléments de ne pas s'écarter. Il n'est ni actif, ni passif, il s'agit d'une sécurité.
La conception de cette église est un tiroir à secrets. Pour Germain Gillet, professeur de médecine et fils de l'architecte: « cette église est l'œuvre de la vie de mon père ». Notre-Dame a été pour lui une œuvre grandiose et c'est pourquoi il a choisi d'être inhumé entre ses murs. La relation qu'il entretenait avec Bernard Laffaille est à souligner : « ils venaient d'horizons différents et pourtant, ils se sont parfaitement accordés sur cette réalisation » remarque l'historien Frédéric Chassebœuf.
Gravement menacée en raison d'un béton de mauvaise qualité
Sans doute parce que les matériaux d'après-guerre étaient d'une qualité médiocre, l'église de Royan, par ailleurs soumise aux embruns et à l'érosion, présentait ces dernières décennies des "blessures" - dont des infiltrations - qui ne présageaient rien de bon. Rongé par le sel humide de la Gironde qui entre dans sa composition, le béton était attaqué et laissait apparaître des fissures inquiétantes pour l'ensemble et la solidité de la structure. « Ici, tout est construit comme un château de cartes » constataient les spécialistes.
Dans un premier temps, les responsables ont pensé utiliser une technique belge. Elle consistait à purger le chlorure de sodium avec une sorte de cataplasme, méthode utilisée dans le Nord. Trop onéreuse, elle a finalement été écartée. Un principe à base de résine a été retenu. Les travaux ont été effectués par les Compagnons de Saint-Jacques.
L'église de Royan offre un chantier intéressant quant au vieillissement du béton. « Contrairement à la pierre, le béton est un matériau récent et nous manquons de recul. Ces monuments sont issus de l'après-guerre et leur entretien génère un coût ». Notons au passage que tous les bétons de l'église de Royan ne sont pas d'égale valeur.
Encadrés par l'architecte en chef des monuments historiques Philippe Villeneuve, avec le soutien de la Ville et l'ADER, association de défense de Notre Dame, une grande partie des travaux est aujourd'hui achevée. Mais comme le dit très justement Didier Quentin, « ce monument demande beaucoup d'attention ».
Ce grand vitrail coloré devrait faire l'objet d'une restauration |
Sur le parvis de Notre-Dame |
Notre-Dame de Royan : Le Musée d’Art Moderne de New-York la compte parmi les quatre plus intéressantes réalisations de l’époque.
Citation de Guillaume Gillet (rapport de septembre 1986) : « Nous référant aux exemples d’Anatole de Baudot à Saint-Jean de Montmartre et d’Auguste Perret à l’église du Raincy, nous avons voulu créer une œuvre originale, ce que nous avons fait a mérité d’être cité dès la naissance de notre œuvre par le Musée d’Art Moderne de New-York parmi les quatre plus intéressantes réalisations de l’époque. Il serait souhaitable que la France sache aussi qu’elle existe et l’aide à survivre. Elle est adoptée par les habitants de la ville, et des écrivains tels André Malraux, François Mauriac et Claude Rostand ont approuvé et loué dès l’origine cette expression d’architecture contemporaine et c’est à ces divers titres qu’il semble qu’elle mérite d’être sauvegardée ».
• Notre-Dame constitue la synthèse des deux principales recherches de l’ingénieur Bernard Laffaille : le « V » et la couverture en « selle de cheval ». Cette synthèse avait déjà été réalisée pour des silos à grains en 1953. Elle va acquérir à Royan une nouvelle dimension, grâce à la rencontre de l’ingénieur Bernard Laffaille et de l’architecte Guillaume Gillet.
• En 27 mai 2015, le mobilier de l'église Notre-Dame de Royan a été classé au titre des Monuments Historiques. L'édifice egroupe plusieurs œuvres de différents artistes représentatifs de la diversité artistique des années 50-60 : Gaston Watkin, Jacques Perret, Nadu Marsaudon, Jean-Pierre Pernod.
La Vierge de Nadu Marsaudon |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire