vendredi 13 novembre 2020

Christian de Moncade/Témoignage/Covid-19 : « La situation en Afrique de l’Ouest, Sénégal, Mauritanie, est moins préoccupante qu’en France pour l’instant »

Depuis son apparition en Chine, fin 2019, l’épidémie de coronavirus progresse dans le monde, principalement en Europe. Comment les Français qui doivent se rendre à l’étranger pour y travailler vivent-ils cette période particulière ? Nous avons posé la question à Christian de Moncade, membre d’un cabinet de consultants spécialisés dans les assurances auprès des expatriés. 

A Dakar, capitale du Sénégal

Depuis des années, Christian de Moncade se partage entre la Haute-Saintonge, région d’attaches familiales, et l’Afrique où ses activités professionnelles le conduisent régulièrement. Sénégal, Gambie, Mauritanie, Togo, Benin. Une partie de l’Ouest de cet immense continent. Des pays bien différents du nôtre qu’il a appris à connaître au fil du temps. Histoire, coutumes, usages, traditions. Il en parle avec le plaisir de partager ses connaissances et d’ouvrir de nouveaux horizons, ceux qui conduisent à une meilleure compréhension du monde. « Celui qui diffère de moi, loin de me léser, m'enrichit » écrivait Antoine de Saint-Exupéry. 

Aujourd’hui, ce monde est bouleversé par l’épidémie de Covid-19. Quand on travaille à l’étranger, comment vit-on une telle situation ? « J’ai appris le premier confinement en France, le 17 mars, par TV5 alors que je me trouvais à Dakar. Tout le monde avait peur, une hécatombe était annoncée. Il en résulte une évidente préoccupation » se souvient-il. 

A son tour, le Sénégal ne tarde pas à adopter les même dispositions, fermant frontières et hôtels. « Dans ces conditions, il m’était difficile d’y rester. Des milliers de personnes se sont alors adressées à l’Ambassade et au Consulat qui ont été débordés par cet afflux. Les clubs de vacances étant fermés, de nombreux touristes ignoraient vers qui se tourner. Heureusement, la France met à disposition l'outil Ariane. Il s’agit d’un site internet sur lequel tout Français voyageant à l'étranger peut s'inscrire en précisant ses itinéraires dans les pays visités, ce qui permet au Consulat d'envoyer des informations aux voyageurs et de connaître leur déplacements afin d'intervenir en cas de problème. C’est par ce biais que mon collaborateur grec a été informé, en tant qu’européen, par le Consulat de France de chaque programmation de vols pour quitter le Sénégal. Finalement, j’ai pu rentrer à mon domicile fin mars. Comme il n’y avait pas de vol entre Paris et Bordeaux, je suis passé par Amsterdam ! ». Morale de l’histoire : les voyageurs doivent prendre leur mal en patience…

L'Afrique de l'Ouest

Sénégal, Mauritanie

Christian de Moncade passe son confinement en Saintonge, au milieu des siens, avec une pensée pour ses amis d’Afrique confrontés aux mêmes difficultés. Il repart en septembre dernier, conscient de la nécessité de présenter des tests négatifs au Covid-19. Sinon, il sera refoulé et mis en quarantaine. Il se remémore son passage à Chypre : « toutes les consignes liées au Covid-19 étaient en vigueur avec masques, gel hydroalcoolique et hygiène stricte. Contrairement aux habitudes, il y avait très peu de touristes. Les gens faisaient comme si rien n’avait changé mais au fond, ils savaient bien que tout était devenu différent. Un document prouvant que nous avions été testés était demandé. J’ai vu des hôtels de 70 chambres n’accueillir que 3 clients »… 

Le tourisme au Sénégal a été très impacté par l'épidémie de Covid-19

Pour entrer au Sénégal, un test de moins de sept jours est obligatoire assorti d’autorisations. A son arrivée, l’aéroport, habituellement en effervescence, est quasiment vide. « Les responsables avaient bien fait les choses. D’un côté, il y avait ceux qui avaient été testés ; de l’autre, ceux qui ne l’étaient pas. Nous sommes sortis très vite et avons pu rejoindre notre point de correspondance ». Le port du masque est obligatoire « partout et tout le temps, y compris en voiture. Ils sont vendus directement dans la rue. La plupart des habitants le portent ». De nombreux hôtels et restaurants sont fermés à quelques rares exceptions. 

Le Sénégal a un impératif : que la situation sanitaire reste sous contrôle. La première victime, Pape Diouf, l'ex-entraîneur de football, est décédé dans un hôpital de Dakar le 31 mars dernier. Quels remèdes utilise-t-on sur place ? La chloroquine et l’artemisia, employée dans la lutte contre le paludisme. « Le premier cas de Covid-19 au Sénégal concernait une personne qui rentrait d’Italie et avait contaminé sa famille. Face aux risques, le pays a décidé de limiter le tourisme. Ainsi, dans la station balnéaire de Saly, il était interdit d’accéder à la plage ! ». 

En ce qui concerne les cultes, la cathédrale de Dakar est ouverte, mais aucune messe n’y est célébrée. On peut seulement y prier. Les offices sont retransmis sur internet. Les mosquées, quant à elles, sont fermées. 

A ce jour, sur 15582 malades hospitalisés, 14565 sont guéris et 322 sont décédés sur une population de 16 millions d’habitants (dont 4 dans la capitale). Les activités étant limitées, l’économie du pays s’en ressent, loyers de plus en plus chers, montée de la délinquance. 

Comment imaginer l'Afrique sans les dunes ? (© Ioannis Polychroniadis)

Pour entrer en Mauritanie, les certificats de tests sont également obligatoires. Sur une population de 4 millions d’habitants, on a compté 7677 malades : 7387 sont guéris et le nombre de morts enregistré est faible. La population a été confinée par quartiers. Un couvre-feu a été imposé, les regroupements familiaux interdits et les mosquées fermées (seul un petit nombre de fidèles était autorisé à y venir et des règles strictes y étaient imposées). Dans la capitale, Nouakchott, pays dont la population est presque intégralement de confession musulmane, les chrétiens sont très peu nombreux et ils pouvaient assister à la messe à condition de s’inscrire. Les offices sont également retransmis sur internet. « La situation sanitaire s’est améliorée peu à peu et le port du masque est devenu facultatif ». 

Les côtes de Mauritanie vues d'avion (© Ioannis Polychroniadis) 

Christian de Moncade et S.A Cheikh Memoud Ould Sidiya 
Chinguetti, ville de Mauritanie classée au Patrimoine mondial de l'Unesco depuis 1996

Retour en France à l’automne pour Christian de Moncade puisque les frontières de la Gambie où il devait faire étape sont fermées (cette mesure n’a été levée qu’à la mi-octobre). Revoir la Charente-Maritime n’est pas un long fleuve tranquille avec, sur le chemin, de nombreux tests et contrôles dans les aéroports. Le Covid-19 est un compagnon qui se fait difficilement oublier !

« Pour les Musulmans, caricaturer le prophète est une offense »

Comment ces pays musulmans d’Afrique ont-ils réagi aux actes de barbarie commis sur le sol français ? « D’après les conversations que j’ai eues, s’ils condamnent unanimement les actes des islamistes radicaux et déplorent les morts qui ont endeuillé la France, leur position sur les caricatures de Mahomet est claire. Pour eux, caricaturer le prophète est une offense comme caricaturer Jésus l’est pour les catholiques. Certains trouvent que les Français ont changé en quelques décennies et pensent que la religion musulmane ne fait que prendre l’espace autrefois occupé par les chrétiens ». Il semblerait que l'hexagone ne les fasse plus rêver : « en 20 ans, l'image de la France, qu'ils ont beaucoup admirée, s’est détériorée à leurs yeux ». Et d'ajouter : « Personnellement, j’entretiens de bons rapports avec les habitants des Etats où je travaille. Il est important de respecter leurs traditions et leurs cultures. Des relations harmonieuses peuvent alors être tissées dans un échange mutuel basé sur des valeurs communes. Ce que je vais vous dire va peut-être vous faire sourire mais en Mauritanie, par exemple, que j'assiste à la messe parce que je suis croyant les rassure ». 

Christian de Moncade est reparti pour l'Afrique début novembre via les Canaries à destination du Sénégal, la Gambie et la Mauritanie, « pays où la situation sanitaire est moins préoccupante qu’en France pour l’instant ». Souhaitons qu'elle le demeure...

Mauritanie : à dromadaire ou en voiture ?

• L'info en plus

• Tests dans le nez et dans la gorge : Les tests sont généralement réalisés dans les narines. Il arrive parfois que cet examen ait lieu dans la gorge. C’est alors moins douloureux pour les intéressés !

• Sénégal : 

Pour entrer au Sénégal : Un test RT-PCR Covid-19 négatif datant de moins de sept jours à compter de la date de rendu des résultats délivrés par un laboratoire situé dans l’Etat où le passager a commencé le voyage et figurant sur la liste des laboratoires agréés par cet Etat ou par un organisme sanitaire international reconnu par les Autorités sanitaires compétentes du pays d’origine ou de départ, est requis pour tout passager embarquant pour un aéroport du Sénégal.

• Mauritanie 

Ce pays possède une côte d'environ 800 km ouverte sur l'océan Atlantique. Au nord, elle est limitrophe du Sahara occidental et de l'Algérie, à l'ouest et au sud du Mali et du Sénégal. Nouakchott, la capitale, est au bord de l'océan et compte un million d'habitants. 

C’est un pays pluriethnique majoritairement peuplé d'une communauté arabe et berbère dans laquelle se distinguent deux groupes : les Maures arabo-berbères dits « Maures blancs » ou Beidanes (qui représenteraient 40 %), et les Haratins dits « Maures noirs », anciens esclaves arabophones, d'origine Bafour (qui seraient 30 % de la population), et d'un ensemble noir-africain composé de plusieurs ethnies, telles que les Peuls, Soninkés, Wolofs et Bambaras, qui représenteraient 30 % de la population (source Wikipedia).

Mariée mauritanienne. Admirez la beauté des mains...
L'amitié entre les peuples. Sur cette photo d'archives, on reconnaît Cheikh Saad Bouh Kamara, professeur émérite de sociologie décédé en décembre 2019, sa famille et Ioannis Polychroniadis, collaborateur de Christian de Moncade. Consultant international en développement, Cheikh Saad Bouh Kamara a été vice-président de la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) et président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) de Mauritanie. Emprisonné à trois reprises, il est l'auteur de plusieurs ouvrages dont "Afrique Espérance" (2011), un essai dans lequel il présente les réussites africaines dans de nombreux secteurs du développement durable.





Dans la rue à Nouakchott, capitale de la Mauritanie
Scènes de la vie quotidienne 

Frontières : Les ressortissants non-mauritaniens sont actuellement autorisés à entrer dans le pays par voie aérienne sous réserve de justifier d’un test PCR négatif réalisé dans les 72 h avant l’arrivée en Mauritanie.

Gambie : Les frontières aériennes ont rouvert le 31 octobre dernier.

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