samedi 10 mai 2008

L’Abbaye de Fontdouce révèle ses secrets

Il faisait beau, très beau, même, le samedi matin 26 avril dernier quand les membres de la Société des Archives historiques de la Saintonge et de l’Aunis ont tenu leur assemblée générale. Chaque année, ils se retrouvent dans un lieu différent, si possible dans un site “historique” à l’intérieur de l’ancien diocèse de Saintes (d’avant 1648) qui est leur domaine de travail. Ils se sont naguère réunis à Surgères, à Cognac, à Sablonceaux, en mai 2007 à Marans, cette année dans le cadre incomparable de la vieille abbaye de Fontdouce.
La salle capitulaire était au moins aussi animée qu’au Moyen âge, en tout cas, dès 10 heures du matin, elle était comble. La plupart des membres du conseil d’administration entouraient le président Marc Seguin : Alain Michaud, le vice-président, Philippe Gautret, le secrétaire, Jean-Louis Monget, le trésorier, Mmes Françoise Giteau et Claude Coutant-Pajany, MM. Jean-Guy Bar-reault, Frédéric Chassebœuf, Pascal Even, Alain Floriant et Pierre Rayssiguier; les autres étaient excusés.
Le président a ouvert la séance en rappelant l’histoire et les buts de la Société. Celle-ci date de 1874 et a été reconnue d’utilité publique en 1886, elle est sans doute l’une des plus anciennes du département. Pourtant, son fondateur, Louis Audiat, intervient relativement tard car à cette date, tous les départements, ou presque, regroupent, depuis plusieurs décennies parfois, leurs érudits dans des institutions comparables. Celles-ci ont pour but de publier le maximum de documents, de les tirer de l’oubli, de les préserver ainsi d’une destruction éventuelle, de les mettre à la disposition d’un public aussi large que possible. Les membres se recrutent alors dans des groupes sociaux précis : professions libérales, clergé, armée. Presque tous sont, comme on dit alors, des “propriétaires”, c’est-à-dire des hommes - jamais des femmes - qui ont fait de solides études classiques et qui bénéficient de revenus suffisants pour ne pas éprouver le besoin de travailler. Tous tiennent absolument à acheter chaque année le volume de documents auquel ils participent volontiers. Celui-ci contient surtout les textes qui les intéressent : aveux et dénombrements, cartulaires, lettres de grands personnages. On répugne à s’éloigner du département. Louis Audiat, par exemple, n’ignore pas les ressources exceptionnelles de Bordeaux mais il n’y puise guère, pas plus que ses collègues de Charente ou d’ailleurs : chacun chez soi.
La guerre de 14-18 a été fatale à ces sociétés : des érudits ont été tués, l’inflation a ruiné les rentiers que nous avons évoqués, les études sont devenues “utilitaires”. La conception de l’Histoire s’est aussi modifiée avec l’École des Annales. Les unes après les autres, ces sociétés se sont étiolées et ont disparu. On note deux exceptions régionales : les Antiquaires de l’Ouest à Poitiers et nos Archives historiques. Cette dernière a été véritablement ressuscitée par Jean Glénisson qui était présent lui aussi, parmi ses amis.
Avec le soutien de la DRAC, de la Région, du Département de la Charente-Maritime, des villes de Saintes et de Saint-Jean-d’Angély, la Société publie chaque année, comme par le passé, un volume de documents inédits. C’est notre raison d’être. L’Histoire, on l’oublie trop, s’écrit à partir de documents correctement transcrits, correctement interprétés et replacés dans leur contexte, il ne s’agit pas de recopier ce que d’autres ont déjà écrit. La mode veut que beaucoup pensent se contenter d’internet. En admettant que cela soit possible, il s’écoulera longtemps, très longtemps, avant que toute la documentation des fonds d’archives soit à la disposition de tous. Et qui prendra la peine de déchiffrer tant de textes qui ne sont accessibles qu’aux spécialistes ?
Sur les rayons des bibliothèques publiques s’alignent les 60 volumes publiés par les Archives historiques depuis 1874, à côté de ceux des autres sociétés et de la Revue de la Saintonge et de l’Aunis qui lui est liée. Il y a bientôt un siècle et demi que les chercheurs, les étudiants, les généalogistes les consultent sans répit car ils savent y trouver des documents qu’ils n’auraient jamais pu consulter, soit parce qu’ils sont conservés dans des dépôts éloignés (à Saint-Pétersbourg, par exemple), soit parce que leur écriture n’est accessible qu’à un paléographe. La tâche est évidemment loin d’être terminée et la Société remplit, elle aussi, comme on le dit si souvent aujourd’hui, une mission de “service public”.


Le président a rappelé les activités de l’année passée. Au début de mai 2007, l’assemblée générale a eu lieu à Marans où la société a été reçue par celle des Amis du Vieux Marans et sa présidente, Paulette Grobey. La sortie d’automne a conduit les adhérents et leurs amis en Saintonge méridionale. Le matin, ils ont visité plusieurs établissements des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem (qui ont succédé aux Templiers) : Bussac-Forêt, Lugéras, Chierzac. L’après-midi, Frédéric Chasse-bœuf les a conduits au château de Chaux (Chevanceaux) aimablement ouvert par son propriétaire. Tous se sont enfin retrouvés à Baignes pour admirer les vestiges de l’abbaye de Baignes qui fut jadis si puissante avant de se quitter au pied de la tour de Montauzier. Par ailleurs - et c’est, rappelons-le, la raison d’être de la Société - le volume LX, tome I vient d’être publié (voir plus loin). Suivront les actes du colloque La Rochelle assiégée et le volume LXI.
Le trésorier, Jean-Louis Monget, a présenté un compte-rendu financier tout à fait équilibré. La principale dépense - qui est pratiquement la seule - consiste à faire imprimer l’ouvrage de l’année (Un peu moins de 6 000 euros pour 200 exemplaires).

Des élections au conseil d’administration ont suivi. 5 postes étaient à renouveler :


Mme Claude Coutant-Pajany, MM. Jean-Guy Barreault, Alain Floriant, Jean Flouret et Benoît Julien. Tous ont été réélus. Par ailleurs, le trésorier Jean-Louis Monget, qui prend de nouvelles fonctions à Saintes, souhaite se retirer du conseil d’administration. Qu’il soit remercié pour tout le travail qu’il a fait ! A été élu Philippe Lafont, de Saint-Pierre d’Oléron qui entre ainsi au conseil.
L’ordre du jour étant épuisé, les participants ont visité l’abbaye que la plupart connaissaient déjà mais qui a été, depuis peu, été l’objet de fouilles véritablement spectaculaires. Dans un premier temps, Alain Michaud a retracé l’historique de l’établissement, rappelé dans quel contexte il a été fondé et quelle a été, pendant des siècles, la vie quotidienne de ses moines avant les destructions qu’on peut situer, comme les autres, à l’automne 1568, puis au cours de la Révolution. Dans un second temps, Éric Normand, archéologue départemental, a présenté le résultat des dernières fouilles. Celles-ci ont permis de belles découvertes, en particulier, entre le mur de clôture et la maison d’habitation actuelle, les parties inférieures d’une immense salle, dite “salle des moines”, dont on distingue encore fort bien les départs des voûtes. Le tout sera préservé et aménagé.


Après un repas commun à l’Auberge des Bujoliers, les membres de la société ont eu le privilège de visiter le château de Burie que ses propriétaires ont aimablement ouvert à cette occasion. Ce petit château, trop peu connu et, hélas, très amoindri, a probablement été construit au cours de la décennie 1540-1550. C’était sans aucun doute une belle œuvre Renaissance, érigée par un homme de goût qui avait longuement séjourné en Italie. Marc Seguin a rappelé qui avait été Charles de Coucis, seigneur de Burie (et de Gémozac), compagnon de François 1er, homme de guerre réputé, lieutenant général en Guyenne (c’est-à-dire pratiquement représentant du roi à Bordeaux, la capitale régionale). Frédéric Chasse-bœuf a insisté sur les particularités de l’édifice qui est loin d’avoir livré tous ses secrets et qui nécessite encore une étude attentive. Les participants ont enfin admiré l’église romane de Migron, ancienne propriété du chapitre de la cathédrale de Saintes, et ils se sont séparés.


Publications

La Société rappelle que son but est de servir la culture locale et qu’elle possède un certain nombre d’ouvrages disponibles, consacrés à la publication de documents relatifs à nos deux provinces. Ils ne sont qu’exceptionnellement proposés en librairie mais peuvent être commandés à : Société des Archives historiques de la Saintonge et de l’Aunis - 8, rue Mauny 17100 Saintes moyennant des frais d’expédition de 4, 60 euros par ouvrage.

• Volume LIII (1999) :
Aunis, Saintonge et Angoumois sous la domination anglaise, 1360-1372. Comptes et pièces tirées des archives anglaises, 253 pages, par le Professeur Robert Favreau - 25 euros.
Travail indispensable pour ceux qui s’intéressent à l’histoire d’une région très pauvre en archives médiévales.

• Volume LIV (2000) :
Les aliénations du temporel ecclésiastique au diocèse de Saintes pendant les guerres de Religion (1563-1596), 429 pages, par Marc Seguin - 30 euros.
On l’ignore souvent, mais ce ne sont pas les Révolutionnaires qui ont imaginé de vendre les biens d’Église pour rembourser les dettes de l’État. On a eu cette idée au XVIe siècle. Toutes les paroisses ont été concernées. Votre village, peut-être ?

• Volumes LV (2001) :
Enquête relative à la première occupation de Saintes par les protestants en 1570 et Une illustration de la détresse financière du diocèse de Saintes à la fin de la décennie 1570-1580, par Marc Seguin. Les procès-verbaux des visites pastorales des paroisses d’Aunis - 1705-1715 (première partie) par Pascal Even. Papiers de raison d’Élie Merlat, ministre de la Parole de Dieu en l’Église Réformée de Saintes, par Didier Poton. Agrippa d’Aubigné et la bataille du Pertuis-Breton, par Gilles Banderier, 307 pages - 30 euros.

• Volumes LVI (2002) et LVII (2003-2004) :
L’Armée d’Aunis devant La Rochelle (14 mai - 10 novembre 1622). Recueil de la correspondance de Louis de Bourbon, comte de Soissons, par Jean Glénisson, avec le concours de Jacques Daniel et de Philippe Gautret. 429 et 549 pages - 30 euros par volume.
Ce long document retrouvé à Grenoble est appelé à devenir un classique pour les spécialistes de l’histoire militaire. On comprend comment se réunit et se disperse une armée au début du XVIIe siècle, comment elle s’équipe et se nourrit aux dépens des populations locales, dans le cas présent, nos ancêtres aunisiens et saintongeais.

• Volume LVIII (2005) :
Les décimes du diocèse de Saintes pendant les guerres de Religion et Les comptes du receveur de la châtellenie de Clion (1576-1578) par Marc Seguin. Les procès-verbaux des visites pastorales des paroisses d’Aunis sous l’épiscopat d’Étienne de Champflour (1703-1723) - (deuxième partie), par Pascal Even, 355 pages - 25 euros.
Sait-on que le clergé payait un véritable “impôt sur le revenu” dès le XVIe siècle ? Le rôle de 1582 permet de comparer la valeur de tous les bénéfices du diocèse. Il est tout à fait exceptionnel de retrouver un document aussi “vivant” que les comptes du receveur de Clion au temps des guerres de Religion. Quant aux visites pastorales, elles sont devenues une source essentielle pour l’histoire des mentalités.

• Volume LIX (2006) :
L’Aunis sous Louis XIV. Les visites pastorales des paroisses et communautés d’Aunis sous l’épiscopat d’Henri de Laval de Bois Dauphin (1661-1693), par l’abbé Yves Blomme, 388 pages - 25 euros. Le diocèse de La Rochelle a été créé en 1648. Il a eu la chance de conserver ces textes qui n’existent malheureusement plus à Saintes. On verra que, parfois, les hommes d’Église et les fidèles n’étaient pas encore aussi vertueux qu’on aurait pu le souhaiter.

• Volume LX (2007) :
La Rochelle au fil des ans avec Nicolas Baudouin (XIIIe et XIVe siècles), tome I, par le Professeur Robert Favreau. 304 pages - 25 euros.
Nicolas Baudouin est un de ces érudits du début des Temps modernes qui avaient encore à leur disposition les archives anciennes de La Rochelle et qui souhaitaient retracer l’histoire de leur ville. Cet ouvrage sera bientôt suivi d’un tome II (XVe siècle), par Mathias Tranchant.

Photo 1 : Depuis les travaux qui ont dégagé le scriptorium, l’entrée de la maison principale se trouve dans le vide !

Photo 2 : De nombreux passionnés participaient à cette rencontre, organisée par le président Marc Seguin et son dynamique bureau.

Photo 3 : Une façade du château de Burie.

Photo 4 : Le portail de l’église de Migron.

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