dimanche 13 septembre 2015

Valéry Giscard d'Estaing :
« Napoléon était un homme de destin »
Au départ de l'île d'Aix,
son rêve manqué pour l'Amérique

Thème du film diffusé en avant-première à l'Ile d'Aix l'autre vendredi, Marie-Dominique Montel et Christophe Jones, réalisateurs, éclairent l'aventure américaine de Napoléon, projet méconnu de l'Empereur qui envisageait de s'installer Outre Atlantique après la défaite de Waterloo. Malheureusement, Anglais et Français l'empêchèrent de réaliser ce rêve qui lui aurait ouvert de nouvelles perspectives et une vie sans doute plus prometteuse qu'un exil à Saint-Hélène. Devenir explorateur scientifique aurait valorisé ses talents ! 
Il s'en est fallu de presque rien… Il a attendu, perdant un temps précieux, pour embarquer quand il était déjà trop tard. Ménageant le suspense, faisant ressortir les hésitations qui ont habité Napoléon, ce documentaire détaillé accueille les témoignages de nombreuses personnalités, dont celui de Valéry Giscard d'Estaing. 
 Diffusé par France 3 Corse, ce film devra être projeté sur le "continent" dans un proche avenir. 



C'est au cinéma Rex de l'Ile d'Aix, une salle comme on les aime, un brin "historique" mais ô combien attachante avec ses sièges d'un autre temps, que "Napoléon l'Américain" a été projeté devant un nombreux public. Aux côtés des réalisateurs Marie-Dominique Montel et Christopher Jones, on notait la présence d'Alain Chollon, directeur de France 3 Poitou-Charentes, Pascal Perennès de Poitou-Charentes Cinéma (structure liée au Conseil régional) et Alain Burnet, maire.
L'Ile d'Aix est intimement liée à Napoléon qui y a séjourné avec ses proches. Un musée, aménagé par le baron et la baronne Gourgaud, lui rend hommage.

Le cinéma Rex de l'Ile d'Aix


Partir en Amérique : après tout, pourquoi pas ? 

Il y a 200 ans, en juin 1815, Napoléon perdait la fameuse bataille de Waterloo. Un mois plus tard au large de l’île d’Aix, alors qu'il envisageait de refaire sa vie en Amérique, il prenait place à bord du Bellérophon. En vue, l'Amérique et fatalement, l’exil pour Sainte Hélène. « L'aventure américaine de Napoléon est peu connue. Elle est doublement passionnante et doublement charentaise » souligne Marie-Dominique Montel.
 Après Waterloo, Napoléon rentre à Paris où il abdique, passe quelques jours à la Malmaison et puis - avec une suite d'une soixantaine de personnes - il traverse le pays, prend la route de Rochefort en passant par Rambouillet, Tours et Niort. Il reste une semaine à Rochefort et part pour l’Ile d’Aix où il écrit sa reddition aux Anglais dans la chambre de la maison qu’il avait fait bâtir quelques années plus tôt. Depuis 1930, grâce au baron Gourgaud, cette demeure est devenue un musée national qui retrace les dernières journées de Napoléon sur le sol français.
L’histoire est tellement connue qu’on en oublie généralement de se poser la bonne question. Que venait-il donc faire sur les côtes charentaises ? A moins d’imaginer qu’il n’était là qu’avec l’intention d’attraper une correspondance pour Sainte-Hélène, il faut bien se demander quelles étaient ses véritables motivations…
En réalité, après Waterloo, il est désemparé. Entre ses périodes de doutes, ressurgissent certains traits de caractère du jeune Bonaparte. Le goût de l'aventure, des sciences. Après tout, il n'a que 45 ans !

De l'expédition militaire à l'exploration 

Napoléon vient à Rochefort afin de s’embarquer pour les Etats-Unis. Il a l’intention de devenir explorateur, et très précisément explorateur scientifique. « On en sait plus sur ce rêve américain qu'il a failli réaliser. Qu'il a, en tous cas, minutieusement préparé jusque dans les détails. Il va même s'abonner à tous les journaux parisiens en demandant de les lui adresser poste restante à New York. Il charge le banquier Lafitte de faire transférer son argent outre–Atlantique » explique Christopher Jones.
Il retourne à la Malmaison. Sa chère Joséphine a quitté ce monde, mais on a rouvert la maison pour lui. Il cherche, parmi les savants, celui qui pourrait l'accompagner : le vieux Monge se propose ou alors le jeune Arago. Il prévoit des campagnes d’exploration. Il fait préparer des malles d'instruments, de cartes, de vêtements adaptés et de livres qui, ironie du sort, l'accompagneront inutilement à Sainte-Hélène. Il lit jour et nuit les récits du grand explorateur Humboldt qui a parcouru l’Amérique du Sud. Il connait bien, pour l'avoir recruté comme botaniste en chef de Joséphine de Beauharnais, l’associé de Humboldt, Aimé Bonpland, natif de La Rochelle. Napoléon, qui a fait construire à la Malmaison les plus grandes serres d’Europe pour acclimater des plantes exotiques et aménager un jardin magnifique, a engagé Bonpland comme botaniste en chef. Pour l’Impératrice, il a acclimaté des plantes qui ne poussaient pas chez nous comme les fuchsias, les orchidées, les hortensias ou les eucalyptus. Au moment où Napoléon s’imagine une nouvelle vie après sa défaite de 1815, les voyages de Humboldt et Bonpland deviennent son inspiration.

Finalement, il ne verra jamais l'Amérique. Son frère Joseph, qui devait être du voyage, fait seul la traversée et s'installe durant 25 ans aux Etats-Unis. Napoléon a manqué ce rendez-vous avec l'histoire. Sa chance avait tourné, ce que fait dire à Valéry Giscard d'Estaing « qu'il était plus un homme de destin qu'un homme politique ». Avec le recul, on se demande comment se serait organisée la nouvelle existence de Napoléon qui aurait été bien accueilli par les Américains, à n'en pas douter. La question reste posée…
L'homme qui réalisa au plus près le rêve de Napoléon en devenant explorateur scientifique du Nouveau Monde est son neveu, Charles-Lucien Bonaparte, ornithologue de renom, fils de son frère Lucien. Dans les années 1820-1830, il fit des descriptions magnifiques des oiseaux d’Amérique. Si seulement son oncle avait su prendre son envol à temps…

Christopher Jones, Marie-Dominique Montel, Pascal Perennès, Alain Chollon et Alain Burnet
• Témoignages 

Alain Giorgis, Commandant des écoles de gendarmerie ; Christophe Pincemaille, directeur du musée Napoléon de l'Ile d'Aix ; John Baxter, écrivain ; Emmanuel de Waresquiel, historien ; Pascal Even, directeur des archives du ministère des affaires étrangères et européennes ; Amaury Lefebure, directeur du château de La Malmaison ; Isabelle Tamisier-Vétois, conservatrice en chef de la Malmaison ; Eric Orsenna, de l'Académie Française ; Michel Sidhom, de l'Insitut d'Orient, expédition en Egypte de Napoléon, Valéry Giscard d'Estaing, de l'Académie française, association Le garde Chauvin.

Napoléon par le peintre Charles de Steuben. Il dicte ses mémoires au général Gourgaud.  Deux ans après sa mort, huit volumes sont publiés. Si Napoléon avait rejoint l'Amérique, quel aurait été le cours de l'histoire ?...

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