Jeudi dernier, la dernière conférence de l'Université d'été était animée par François Dubasque, maître de conférences en histoire contemporaine à l’université de Poitiers. Membre du CRIHAM et de la fédération de recherche Territoires, ses travaux portent sur les élus français des XIXe-XXe siècles et sur les pratiques politiques, à travers notamment le rapport pouvoir et territoires. Quelle meilleure source d'inspiration que François Mitterrand ? Il vient de lui consacrer un ouvrage : "Le promeneur enraciné - François Mitterrand, un cheminement politique et sensible à travers les territoires", en collaboration avec Anne-Laure Ollivier (Presses universitaires de Rennes).
Entre ces deux affiches, que de chemin et de kilomètres parcourus ! |
Certains l'ont connu, d'autres non, mais nombreux se souviennent de François Mitterrand, élu président de la République en 1981. Evoquer les deux septennats de François Mitterrand et plus généralement sa carrière, c'est mettre en scène une personnalité aux multiples visages. Un fil conducteur à ce fin stratège : une intelligence aiguisée, une bonne connaissance des milieux politiques et des comportements, une solide assise historique et littéraire, la recherche d'un sens à l'humain tout en privilégiant la liberté, son attrait pour les grandes civilisations, l'Égypte, le monastère Sainte-Catherine ou encore Venise. Un homme à la fois du temps d'avant... et d'après !
François Dubasque montre un journal de la Charente Libre |
Jeudi dernier, devant un nombreux public, François Dubasque a parlé de la relation qu'entretenait François Mitterrand avec le territoire. Elle revêt différentes dimensions : « politique, bien sûr, puisqu’il y trouve son enracinement et la construction d’un pouvoir, mais aussi sociale, culturelle, voire esthétique en raison de son attachement bien connu aux sites et pays. Examiner son parcours au prisme de l’ancrage territorial, c’est tenir compte aussi bien des préoccupations et de la sensibilité du personnage, que de ses fonctions à tous les niveaux de la vie politique. Sa géographie personnelle se dévoile ainsi dans toute sa complexité : l’homme n’est pas réductible à un seul territoire, c’est l’une de ses originalités ».
A travers des faits et des anecdotes, la conférence, passionnante, a dévoilé les lieux où François Mitterrand, en "voyageur" de l'histoire, a aimé se trouver en fonction des intérêts qu'il leur portait. Citons Jarnac Charente, sa ville natale, et le hameau de Toutvent à Nabadaud, village de ses grands-parents : « Il y avait des chênes, des saules, une rivière et la vallée qui se relevait pour se fondre dans le bleu horizon, couleur de circonstance des années d’après-guerre, à hauteur assez honorable pour qu’on pût se flatter d’avoir devant soi des collines » ; la Charente-Maritime où il se rend plusieurs fois durant sa présidence de la République (inauguration de l'Abbaye aux Dames à Saintes, crues de la Charente, sommet franco-allemand à La Rochelle, etc) et dont il apprécie les produits du terroir (dont la jonchée) ; Le Morvan, la Nièvre, Château-Chinon où il fait sa première déclaration après son élection à la présidence de la République ; La fameuse roche de Solutré, Latche dans les Landes, Paris bien sûr, sans oublier des endroits liés à des situations plus intimes : « l’homme n’est pas réductible à un seul territoire, mais si les lieux évoquant la mémoire mitterrandienne sont nombreux, les Charentes n’en occupent pas moins, parmi ceux-ci, une place majeure » souligne François Dubasque. Partout, il laisse son empreinte. Il bouge, avale les kilomètres, à pied, en voiture...
La dernière demeure de François Mitterrand se trouve à Jarnac. Il a ainsi démontré sa fidélité à sa terre natale. Il s’en est fallu de peu, dit-on, qu'il soit enterré au sommet du mont Beuvray, haut lieu de l'histoire gauloise liée à Vercingétorix. Admirateur des grandes civilisations, l'homme d'Etat a marqué son temps par une architecture remarquable. A peine élu, il a lancé le chantier de rénovation et d’agrandissement du musée du Louvre en y incluant un projet ambitieux, controversé à l'époque. La fameuse pyramide du Louvre ! L'architecte américain d'origine chinoise Ieoh Ming Pei a réalisé « ce que d'aucuns peuvent considérer parmi les œuvres les plus symboliques de par le monde ». Elle a été inaugurée en 1989.
Durant des décennies, François Mitterrand accomplit l'ascension de la Roche de Solutré en Bourgogne. Faire partie de ses "invités" est alors un privilège ! |
Au terme de la conférence, Philippe Gautret, président de l'Université d'été, a clôturé la session 2023 qui a connu une bonne moyenne de fréquentation (75). Après avoir remercié ceux et celles qui travaillent à la bonne réussite de ces rencontres (le bureau de l'UE, la mairie, les membres des Archives Départementales et de l'office de tourisme, Angélique, Agnès, Pascale, Vincent ainsi que Nicole Macintos pour ses compte-rendus et la presse), il a donné rendez-vous au public en 2024. Même heure, même lieu. On compte sur vous !
Philippe Gautret, président de l'UE, François Dubasque, Madeleine Perrin |
Quelques moments forts :
• La décentralisation :
« Je pense depuis longtemps que, si l'unité de la France a fait sa force, sa diversité fait aussi sa richesse et qu'à vouloir trop unifier notre pays, le centralisme d'État l'a surtout appauvri. Les socialistes sont décentralisateurs parce qu'ils pensent que la décentralisation est un moyen essentiel de rendre le pouvoir aux citoyens, de leur permettre là où ils vivent, là où ils travaillent, de décider ce qui est bon pour eux et pour la collectivité. Une et diverse, voici la France ».
Le parti socialiste et la France plurielle. préface de François Mitterrand. Club socialiste du livre. 1981.
• Témoignage de Philippe Marchand à propos du pont de l'île de Ré (29 mars 2017)
« En tant qu'ancien président du Conseil général, je suis reconnaissant à François Mitterrand de son silence sur ce dossier. Cela faisait 20 ans que le Département cherchait à obtenir l'autorisation des Premiers Ministres successifs, se heurtant à l'opposition de nombreuses personnalités parisiennes de tous bords qui y avaient leurs habitudes. En 1982, je mets au vote la liaison Ré-continent et j'obtiens un soutien unanime des 45 conseillers généraux composant l'assemblée départementale. J'ai donc défendu le projet auprès de Michel Delebarre, alors directeur de cabinet de Pierre Mauroy. Je sais que le président de la République lui-même n'y était pas très favorable. Mais respectueux du choix des élus locaux, il a laissé le processus suivre son cours et le Premier Ministre a finalement signé l'autorisation de construction ».
Claude Belot, alors président du Conseil Général, se souvient bien du dossier et de la volonté départementale de réaliser ce pont. Aujourd'hui, l'Ile de Ré est l'un des lieux les plus prisés de l'hexagone.
• François Mitterrand : « Je suis resté 35 ans parlementaire de la Nièvre, 32 ans conseiller général en plein Morvan, 17 ans président du Conseil général. Mon mandat de maire de Château-Chinon n’a été interrompu que par mon élection à la Présidence de la République ». Entre ce territoire rural et le natif de Charente, s’était tissée une relation solide.
• Dans son bureau, François Mitterrand avait la photographie de l'église de Nabinaud, petite commune située dans le sud de la Charente, non loin d'Aubeterre-sur-Dronne. C'est là, dans la maison de ses grands-parents, qu'il passait ses vacances.
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