Une grande peinture murale de Nadu Marsaudon orne le Palais des congrès de Royan qui vient d'être restauré. Cette construction emblématique de la ville, œuvre de l'architecte Claude Ferret, a été labellisée "Patrimoine du XXe siècle" en 2004. Elle est inscrite au titre des Monuments historiques depuis 2013.
Initialement, Nadu Marsaudon a élaboré une maquette qu'il conserve dans son atelier |
Je vais vous dire un secret : un artiste ne cesse jamais de créer ! En perpétuel mouvement, son inspiration se réinvente au gré des vagues qui se brisent sur les rochers de Foncillon. Avec ce plaisir avoué d’ajouter une nouvelle facette au décor. Nadu Marsaudon est intimement lié à la côte atlantique et la ville de Royan qui l'a vu naître. Il possède de nombreuses cordes à son arc. Graphiste, peintre, dessinateur, sculpteur, il a laissé son empreinte. Avec le temps, il n’a rien changé au film. Il continue à observer, scruter l'environnement de son regard profond, étonnamment bleu. Comme s’il avait, toujours et encore, quelque chose à trouver dans les méandres d’une humanité aux allées secrètes. A prouver aussi. Si ses voies d’expression sont multiples, sa signature en filigrane reste la même, c’est pourquoi l’œil averti reconnaît son trait particulier. Célèbres sont ses "yakoutes", décrites par une plume experte : « À partir des années 1960, Nadu Marsaudon forge un type féminin qui devient sa signature, une marque de fabrique inimitable : les Yakoutes. Ces femmes aux traits saisissants émergent de l’imaginaire de l’artiste. Leur nom est un clin d’œil à la Yakoutie, région reculée de Sibérie où les habitants arborent des caractéristiques mongoliennes. Les Yakoutes de Nadu Marsaudon sont parées d’un visage ovale, d’yeux en amande et d’une crinière luxuriante ». La description est plaisante !
Une aventure picturale
Naissance d'une peinture murale axée sur la rencontre des mondes |
En 1977, le palais des congrès s’offrant une extension, Nadu Marsaudon avait conçu une première fresque lettriste près de l’escalier. Or, quand il a été question de rénover l’édifice dans les années 2000, cet élément était menacé. Comment le conserver ? Plusieurs possibilités ont été émises, peu satisfaisantes. Nadu Marsaudon a été le premier à penser qu'il valait mieux s’en défaire à la manière des mandalas tibétains qui, une fois détruits par les moines, symbolisent l’impermanence du monde : « Ne demeure pas dans le passé, ne rêve pas du futur, concentre ton esprit sur le moment présent ». De ce travail, il ne reste que quelques morceaux remis à son concepteur par la municipalité.
Le maire de Royan, Patrick Marengo, l'a alors chargé de réaliser une nouvelle œuvre sur une surface conséquente. Quoi de plus passionnant pour un artiste que l’éclosion d’une harmonie picturale ? De la même veine que la précédente, tout en étant différente. Surréaliste bien sûr. « L’improbable me comble » dit-il. C’est pourquoi Nadu Marsaudon entrevoit l’impossible en repoussant les limites d’une inspiration qui ne saurait cantonner ses créatures au statisme de l'illusion. Elles bougent, elles s'animent et surtout elles s'inscrivent dans la mouvance de leur berceau originel. Quels que soient les âges. « Je dessine instinctivement » souligne-t-il. Autrement dit, il garde toujours à proximité de lui une feuille et un crayon…
Ingénieuse perspective autour d'une vraie porte d'entrée |
D'un côté du miroir, une mythologie rythmée par les flots et la musique |
De l'autre, le bombardement de Royan |
L'artiste explique le "chemin" qui guide sa peinture murale
Tout a commencé par la découpe d’une maquette de 1,40 m de largeur et de 95 cm de hauteur (pour une surface finale de 8,50 m de hauteur et de 13 m de largeur) : « j'ai regardé cette surface blanche et l'inspiration est venue tout de suite. J'ai commencé à tracer, à matérialiser, par un effet d'optique, la grande porte qui s'ouvre réellement. Ensuite, je me suis dit : bien, la porte est là, mais il y a tout le reste ». Compte-tenu de l'implantation, Nadu Marsaudon a choisi des personnages fantastiques liés à l'eau, des sirènes coquettes aux longs cheveux qui égrènent les notes de la vie, mais pas seulement. Des soleils brillent de part et d'autre. Il a ajouté des instruments de musique, accordéon, flûte, « sans doute pour me faire pardonner de ne pas en écouter » déclare-il en riant, désignant son poste de radio relégué en objet de décoration ! Surgissent des moments forts de l'histoire de Royan, le bombardement, visages apeurés, population subissant son tragique destin. Plus près de nous, la reconstruction de l'après-guerre et l'actualité s’incarnent en une grande machine dont la mâchoire vient déchiqueter et broyer le "cube" lors des récents aménagements. Note rouge. Celle du changement, de ce sang qui fertilise le renouveau.
La peinture murale fourmille de détails et le recensement du nombre de ses "occupants" est un défi ! De la licorne au bateau tendresse, du faune à l'étoile, tous sont les gardiens de la scène. D'un côté, l'invisible ; de l'autre, l'envers du décor, le nôtre. La réalité, puis l'ailleurs. « Cette peinture murale n'a pas de nom. A chacun de la baptiser selon son propre ressenti » explique Nadu Marsaudon dont la démarche est de sensibiliser le public en privilégiant la libre interprétation. La fantaisie aussi. Pourquoi pas Nausicaa, princesse phéacienne, héroïne de l'Odyssée, qui reçut Ulysse en son palais ?
Un brin hermétique, l'œuvre regorge de symboles. Ils se dévoilent avec les clés de notre propre compréhension… et surtout celles de son concepteur ! Sur le mur, l'aspect final est obtenu par l’assemblage des différentes parties. Ce travail minutieux a été confié à des spécialistes. L’entreprise Gatignol en a été le maître d’œuvre : « je connais toute la famille, du grand-père au petit-fils » !
Détails de la peinture murale |
Que de symboles ! |
L'œuvre s'inscrit dans le courant du surréalisme |
Cette peinture murale est une nouvelle pierre ajoutée à l’édifice de Nadu Marsaudon. Il a marqué de son sceau le Palais des congrès qui s’ouvre sur la mer. Ce nonagénaire, incroyablement actif, a semé tant de petits cailloux dans les hauts lieux royannais que vous les avez forcément remarqués. « Réputé pour son travail d’architecture, décorateur et scénographe, il a profondément marqué la région et les esprits par ses créations, sa sensibilité et sa simplicité. Les décors du Palais des Congrès, de la piscine de Foncillon ou encore de la boîte de nuit Le Rancho, qui lui ont été confiés, représentent un signe fort. Il a travaillé pour le zoo de la Palmyre pendant des dizaines d’années. Les travaux qu’il nous laisse font apparaître des influences multiples, égyptiennes, africaines » précisent les spécialistes.
Il faut dire que Nadu (qui tire son surnom d’un chef indien) a pas mal bourlingué de par le monde à la rencontre des peuples et de leurs mystères. Une longue série de codes à pénétrer ? Il adore ! L’instant le plus émouvant est celui où il entre dans la mémoire et le partage. Nous en sommes les témoins. Que demander de plus ?
Affiche réalisée par Nadu Marsaudon pour le Rancho |
Peinture de Nadu Marsaudon en hommage à un chef amérindien |
• La statue de Sainte-Thérèse de Notre-Dame de Royan, érigée près du tombeau de l’architecte Guillaume Gillet, incarne l’alliance entre matière et transcendance. Elle a été réalisée Nadu Marsaudon qui a ainsi concrétisé le souhait formulé par sa mère.
• Nadu Marsaudon dessine depuis son plus jeune âge. Son institutrice a été la première à remarquer son talent. Élève des Arts Déco et des Beaux-Arts en sculpture de Paris, c’est un artiste inspiré tant par le surréalisme et l'écriture automatique que par les cultures et les peuples du monde (le Ladakh, l’Asie, les Sioux, les Hopis, peuples amérindiens entre autres). Il garde un beau souvenir des gitans des Saintes-Maries de la Mer, rencontrés après un sacré périple à partir de Royan ! Dans son atelier, des photos souvenirs, qui rappellent ces bons moments, côtoient des objets divers et variés qu’il aime chiner dans les brocantes.
• Nadu Marsaudon a fait partie de « Expo 5 », un collectif d'artistes de Charente-Maritime qui décidèrent d'exposer ensemble à partir de 1963.
L'univers de Nadu Marsaudon : superbement ouvert sur toutes les cultures |
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