lundi 14 février 2022

« La station thermale de Jonzac a vu le jour grâce à une rencontre, celle de Claude Belot et d'Adrien Barthélémy » souligne Serge Espin, directeur des Thermes

Ouverts en août 1986, les Thermes de Jonzac possèdent trois orientations, rhumatologie, phlébologie et voies respiratoires. « Claude Belot, alors maire de Jonzac, et Adrien Barthélémy, PDG de la Chaîne Thermale du Soleil, ont inventé le futur de la ville » estime Serge Espin qui était là aux premiers balbutiements de la station. Il en a retrouvé la direction en 2012 succédant à Georges Favre. Retraité fin mars, il passe le relais à Séverine Gauthier, une quadragénaire dynamique précédemment en poste à Lamalou les Bains. Si la période covid a freiné la fréquentation et les projets de par les confinements, la nouvelle directrice entend lui redonner son rythme de croissance qui flirtait avec les 17000 curistes en 2019

L'accueil des thermes de Jonzac (© Chaîne Thermale)

Serge Espin et Séverine Gauthier, nouvelle directrice des Thermes de Jonzac

Retour sur l'histoire de cette station qui a permis à Jonzac de tirer son épingle du jeu :

Depuis la fin des années 80, les curistes ont donné à Jonzac, sous-préfecture de 3500 habitants, le coup de pouce dont elle avait besoin pour relancer l'économie locale et faire face à l'exode rural. La création de la station thermale est une histoire peu banale : ouvrir des thermes dans des carrières qui abritèrent un important dépôt de munitions allemand et dont le nom est à jamais lié aux deux héros de la résistance, Pierre Ruibet et Claude Gatineau… avouez que la transition est peu commune !

Tout commence par une prospection pétrolière… 

Dans les années 70, une recherche en pétrole est lancée dans le sous-sol de la commune de Clam, près de Jonzac. Selon le slogan, il est conseillé d'avoir des idées, des fois que les pays du Golfe feraient des misères aux Occidentaux ! Evidemment, en ces terres calcaires, le pétrole est aussi rare que les chameaux, mais les prospections ouvrent des horizons : le forage fait apparaître de l'eau chaude en abondance. 

Au début des années 80, Claude Belot, maire de Jonzac et son équipe (dont Christiane Proux, Jean Laroche, Gilbert Cessac, Christian Balout, James Pitaud) évoquent, devant les caméras d'Antenne 2, la possibilité de chauffer la ville avec la géothermie qui se substituerait au fuel. 

En pleine éclosion des énergies nouvelles, Claude Belot, jeune élu dynamique, géographe à l'université de Poitiers, se met au travail et s'informe sur ce qui peut être fait. Un forage, au lieudit Heurtebise, est lancé. Il vise à localiser la fameuse nappe souterraine. 

L'apparition de cette eau - cette "flotte" comme on l'appelait - est attendue avec impatience. Les grands moyens sont déployés. Reste à savoir à quelle profondeur on la trouvera et surtout à quel degré de chaleur elle sortira des entrailles de la Terre !

 
A son arrivée, dans la nuit de Noël 1979 (événement largement immortalisé par les photographes malgré le froid !), elle est moins chaude qu'on ne l'espérait, d'où la nécessité d'apporter des thermies supplémentaires pour l'alimentation du réseau (combustion des ordures ménagères, puis bois). Mais elle est bien présente en quantité et les canalisations sont installées en 1981. Les premiers clients raccordés à la "géothermie" sont M. et Mme Tardy, rue Winston Churchill. Jonzac, qui a fait face au choc pétrolier, utilise toujours le chauffage urbain, preuve que le système est pérenne.

De là à imaginer d'autres fonctions à cette eau, il n'y a qu'un pas. Naît alors le projet de station thermale, d'autant que des textes anciens mentionnent des sources à Jonzac (et à Montendre). Dans ces conditions !

Claude Belot : « Quand l'eau est sortie du puits, je l'ai bue. Elle était sulfureuse, manifestement très minéralisée, avec un goût particulier »

Revenons à 1979. « Lorsque le premier échantillon a été remonté du puits, j'en ai bu, ce qui est complètement imbécile parce que j'ignorais à l'époque sa composition chimique. Elle était sulfureuse, manifestement très minéralisée, avec un goût particulier. Disons qu'elle était laxative ! De manière intuitive, j'ai compris que cette eau n'était pas ordinaire, que nous tenions là quelque chose qui pouvait avoir une autre application que l'apport de calories » explique Claude Belot. 

L'idée d'une station thermale fait son chemin. Pour être franc, Claude Belot raconte qu'enfant, il n'appréciait pas trop les établissements thermaux : « quand mon frère Michel et moi-même accompagnions notre mère en cure à Argelès, on s'y ennuyait royalement ! ». Toutefois, il ne s'arrête pas à ces considérations.

Il se rend à Vichy étudier le fonctionnement de la station. « Dès mars 1980, nous avons travaillé avec le conseil municipal, en particulier les dr Stéphan et Sclafer. L'un disait que l'eau thermale faisait plus de cocus que de guéris, l'autre que ses qualités étaient réelles ». Une réflexion s'engage. 

En 1982, débute un protocole de recherche. Originaire des Pyrénées, Louis Chalié est interne à l'hôpital de Jonzac. L'étudiant en médecine choisit de consacrer sa thèse aux vertus curatives des eaux locales. Les résultats obtenus sur les premiers malades soignés dans le module thermal font l'objet de toutes les attentions. La soutenance a lieu en février 1984 (à ce jour, il existe une dizaine de thèses en médecine et pharmacie sur le sujet).


Après l'attente, le réconfort ! (archives N. Bertin)
D'abord regardé avec un brin de suspicion, le projet est rapidement cautionné par la population. Enfin, pas par tout le monde. On se souvient des apostrophes que s'envoyaient en séance publique Claude Belot et Yves Jouteux, alors chef de file de l'opposition. Ne disait-il pas que « Claude Belot avait inventé l'eau chaude » ! Le torchon brûlait et l'eau était bien utile pour éteindre les foyers de friction ! 

L'intéressé ne baisse pas les bras. L'avenir démontre qu'il a eu raison : la filière est porteuse pour le développement de la région. Le 7 mai 1985, après un voyage collectif des Jonzacais à Paris (les grands événements se vivaient quasiment en famille !), l'Académie Nationale de Médecine reconnaît l'efficacité thérapeutique de la source "Soenna". Le ministère des Affaires Sociales autorise son exploitation pour le traitement « des affections en rhumatologie ». A Jonzac, c'est le branle-bas de combat car il faut aménager la future station. D'importants travaux sont réalisés aux carrières d'Heurtebise.
L'exploitant retenu est la Chaîne Thermale du Soleil. Le courant passe bien avec Adrien Barthélémy, ancien instituteur de l'Aveyron reconverti dans ce secteur d'activités. « La grande question était de savoir comment faire marcher une nouvelle station. Il y en avait tant qui battaient de l'aile en France ! La démarche de la CTS m'a semblé intéressante. J'ai appelé Barthélémy qui m'a répondu : Jonzac est sur ma route. Je viens vous voir. Jonzac a été la première station créée depuis la dernière Guerre selon la méthode de la démonstration thérapeutique » remarque Claude Belot. Originalité, elle se trouve dans un site troglodytique.

Au centre de cette photo d'archives, Claude Belot et Adrien Barthélemy
Adrien Barthélémy est un homme plein de bon sens. N'a-t-il pas été guéri d'un eczéma grâce aux bonnes eaux de Molitg-les-Bains ? Il croit en cette unité saintongeaise portée sur les fonts baptismaux en août 1986 : « elle occupait la 104ème place sur 104. Ce pari d'ouvrir des thermes à Jonzac a été un moment de folie à deux » avoue Claude Belot avec un sourire complice.
Au fil des ans, de nombreux projets de construction ont été présentés et tous n'ont pas abouti. On se souvient d'un hôtel thermal dont l'entrée représentait le châtelet du château de Jonzac !

Actuellement, Jonzac est la seule station française à posséder trois orientations, la rhumatologie, les voies respiratoires (1992) et la phlébologie (2006). D'importants aménagements intérieurs et extérieurs y ont été faits, dont un accueil plus vaste (soit 35 millions d'euros d'investissements). Plusieurs directeurs se sont succédé, de la pionnière Mme Couybes à Georges Favre, Serge Espin et la nouvelle venue Sévérine Gauthier. 

En trente ans, la station a littéralement explosé, d'où l'essor des locations thermales, des résidences hôtelières, les retombées sur l'économie locale (plusieurs milliers d'euros) et l'animation "copieuse" que proposent l'office de tourisme et les différents acteurs de la vie culturelle. Sans oublier les infrastructures comme le complexe aquatique des Antilles, le centre des congrès ou le casino. Malheureusement, la période Covid a quelque peu freiné cette embellie.

En 2011, 950 curistes/jour recevaient des soins à Jonzac. Ils étaient 17000 en 2019. Le rituel de la cure reste le même durant 21 jours. La première halte se trouve aux vestiaires où les patients endossent leur "tenue de combat", un peignoir. Munis d’une serviette et de leur laissez-passer, sorte de carte d’embarquement, ils effectuent leur traitement au sein des équipements répartis en unités. Dans la piscine, la gymnastique aquatique donne une meilleure souplesse aux mouvements et le jet est bien agréable pour «  décontracter  » les muscles endoloris. Il y a aussi les cataplasmes, les bains de kaolin, les douches multiples et variées. En phlébologie, l’eau, plus froide, favorise la circulation veineuse via un couloir de marche et un autre bassin. Le secteur ORL, quant à lui, offre d'excellents résultats.

«  Jonzac a gardé un esprit familial qui la rend attrayante  » souligne le directeur de la station, Serge Espin. La plupart des curistes sont traités en rhumatologie. Ils viennent en majorité du Poitou Charentes, Bretagne, Nord, Pays de Loire et région parisienne.

• Un nouveau puits est nécessaire

Avril 2021 : l'eau jaillit du nouveau forage. Il viendra alimenter la station
dans les années à venir

Face à son succès, la station thermale ouvre dès le mois de février pour fermer en décembre. Le puits qui l'alimente a pris de l'âge et prochainement, le nouveau forage de la route d'Ozillac prendra le relais. Préalablement, devront être réalisées les analyses démontrant les vertus curatives de cette eau (une analyse par mois durant un an) et bien sûr, s'y ajoutera la pose des canalisations jusqu'à la station.  

Serge Espin et Georges Favre. Serge Espin a été l'un des premiers directeurs de la station thermale. Il y est revenu des années plus tard, prenant les rênes
d'une station en pleine ascension !
Que de chemin parcouru depuis cette photo !

• Formation au métier d'agent thermal au lycée de Jonzac

Alternance entre formation théorique en centre (420 heures) et formation pratique en établissement thermal (5 semaines de stage) dans au moins deux établissements où se traitent des pathologies différentes. Du 28 février au 28 juin 2022. Lieu de formation : lycée jean Hyppolite Jonzac, Greta Poitou Charentes agence de Pons. 

• A Jonzac, le site d'Heurtebise est bien plus qu’une station thermale !

Les carrières d‘Heurtebise, où se trouvent les Thermes, ont un riche passé. Surplombant la Seugne (rivière dont le tracé s’est modifié au fil du temps), la falaise calcaire était déjà habitée durant la préhistoire, comme l’indique la présence de silex et autres pierres taillées retrouvés en ce lieu. Suivirent l’extraction de pierre pour les constructions (dont la cathédrale de Cologne, dit-on) et des champignonnières.

C’est au XXe  siècle, durant le Second Conflit mondial, que le site est entré dans l'histoire. La Kreigsmarine, en effet, y possédait un vaste entrepôt de munitions. Un résistant, Pierre Ruibet, aidé par un jeune Jonzacais, Claude Gatineau, parvint à le détruire le 30  juin 1944.

Cet acte courageux plongea la ville de Jonzac dans une situation dramatique, les Allemands demandant quarante otages en représailles. Le maire de l’époque, René Gautret, et le curé se désignèrent spontanément. La menace ne fut pas mise à exécution. Seul Claude Gatineau fut jugé et fusillé, le corps de Pierre Ruibet ayant été enseveli sous les décombres durant l’explosion.

Un monument, boulevard Denfert Rochereau, a été érigé en mémoire des deux hommes. A la station thermale, une plaque rappelle leur geste héroïque.

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