Maire de Fouras depuis 2008, Sylvie Marcilly a été élue présidente du Département en juillet 2021, succédant à Dominique Bussereau qui ne souhaitait pas se représenter. Une femme est à la tête de la Charente-Maritime pour la première fois : un événement puisque la parité dans l'hémicycle n'existe que depuis 2015 ! Candidate à ce poste, elle était sur la ligne de départ avec un élu de la même mouvance politique, Lionel Quillet, maire de Loix. Or, le hasard bouleverse parfois l'échiquier et le conseiller départemental de l'Ile de Ré s'est incliné sur son canton. Sylvie Marcilly s'est alors trouvée seule candidate de la majorité départementale à briguer la présidence, obtenant 34 voix sur 54 le jour de l'élection. « Je m'inscris dans la continuité de la ligne tracée par Dominique Bussereau » déclare-t-elle.
Cette femme dynamique et altruiste, proche des réalités du monde économique, a pris les rênes de la Charente-Maritime aux côtés d'une équipe motivée. La période n'est pas facile en raison de la crise sanitaire, mais la nouvelle présidente entend relever le défi : elle a de l'ambition pour cette terre qui conjugue une belle diversité, de la côte atlantique - La Rochelle, Rochefort, Royan - aux pinèdes du Sud Saintonge... en passant par Saintes et Jonzac.
Sylvie Marcilly, présidente du Conseil départemental, répond à nos questions :
Sylvie Marcilly succède à une longue liste de présidents dont les portraits figurent sur les murs du Conseil départemental |
Sylvie Marcilly : Cette élection, je l’ai vécue comme un grand moment personnel de ma vie. Quand on se lance dans la vie publique, on ignore jusqu’où on ira. Les résultats sont aléatoires. Si l’engagement personnel au service des autres est authentique, il est difficile de mesurer, en toute humilité et modestie, quels seront les résultats des actions menées. En juillet 2021, outre la joie d’avoir été élue présidente du Conseil départemental, j’ai pris conscience de la grande responsabilité qui m’incombait. Je suis sereine parce que je travaille avec des personnes de confiance, des élus d’expérience qui ont la volonté de bien faire et de s’engager au service des Charentais-Maritimes. Un enthousiasme, un élan se sont aussitôt manifestés autour de moi. Je peux aussi compter sur le soutien de mon prédécesseur, Dominique Bussereau. S’ouvre pour moi un champ exploratoire au titre d’une nouvelle politique. Comme vous l’avez rappelé, je suis la première femme à occuper la présidence du Département et j’ai très envie de marquer mon mandat par une touche féminine.
• Votre mandat de présidente a commencé dans un contexte difficile, celui de la crise sanitaire liée au covid. Aucun de vos prédécesseurs, à part Dominique Bussereau, n’a connu une telle situation…
En effet, la crise sanitaire continue. Nous poursuivons les actions mises en place au niveau départemental. Avec Stéphane Villain, nouveau président du SDIS, aux côtés de l’Etat et des associations de protection civile, nous proposons un centre de vaccination mobile. La proximité, c’est vraiment la marque de fabrique du Département ! C’est aussi une façon d’aller à la rencontre des personnes qui sont réfractaires à la vaccination. Les pompiers sont très professionnels dans la sensibilisation des publics et la vaccination actuelle est de 200 personnes par jour environ. Le budget alloué à la lutte contre le covid est 25 millions d’euros comprenant, entre autres, la distribution de gel hydroalcoolique, de masques et un renfort en personnel dans les collèges pour la désinfection des locaux. Afin de répondre aux réalités éducatives, nous avons également apporté des aides financières aux plus fragiles, notamment les étudiants en favorisant l’acquisition d’ordinateurs pour faciliter les cours en distanciel. L’objectif est de ne jamais laisser personne au bord du chemin.
De par ses actions, la Charente-Maritime a été citée en exemple au niveau national parce qu’elle fait partie des premiers départements à avoir mis en place certains dispositifs. La crise sanitaire et les confinements ont engendré des problèmes sociaux au sein des familles, chez les jeunes également. Dans les délégations territoriales, les assistantes sociales ont été appelées à soutenir les cellules familiales fragilisées. Les agents sont au plus près du terrain et assurent leur travail dans les meilleures conditions possibles.
• Aujourd’hui, il n’est pas rare de voir des communes afficher des pancartes où il écrit « recherchons médecins ». La situation est préoccupante. Le Département a réagi depuis quelques années en instaurant des bourses destinées aux futurs médecins souhaitant s’installer dans les secteurs déficitaires. Où en est cette opération ?
Nous continuons à aider les futurs médecins dans leurs études par l’attribution d’une bourse. Il y a un mois et demi, nous avons reçu à La Rochelle des internes de la faculté de médecine de Poitiers. Le but est de les inciter à s’installer dans le département. Le dispositif initié par Corinne Imbert, conseillère départementale en charge de la santé, a fait son chemin et plusieurs jeunes médecins se sont déjà installés sur le territoire. L’objectif poursuivi est de passer de zones déficitaires à zones intermédiaires. 30.000 euros sont consacrés aux jeunes qui s’installent et signent un contrat avec le Département pour six ans.
• Dans les vœux que vous avez adressés aux Charentais-Maritimes, vous évoquez les grands chantiers « pour faire de notre formidable territoire un atout pour la France face aux défis contemporains ». Quels sont les principaux projets ?
L’un des grands projets, qui associe la Charente-Maritime et la Charente, gravite autour du fleuve Charente. C’est une logique d’actions à mener en faveur de l’eau. Ce grand chantier comprend gestion quantitative et qualitative de l’eau. En effet, à l’horizon 2050, les prévisionnistes annoncent que nous pourrions manquer de 100 millions de m3 d’eau en raison du changement climatique. Cela veut dire que chaque goutte d’eau compte, quelle que soit son origine. L’idée est donc de retenir en amont l’eau pour qu’elle puisse profiter à tous. Pour pallier cette situation, les interventions seront multiples. Ce peut être des zones de rétention d’eau, des investissements nouveaux, des plantations d’arbres, le maintien des zones humides, changer ses habitudes de consommation à l’intérieur des foyers. Des dispositifs importants seront mis en place. Il faudra maîtriser la qualité des eaux de rejet, choisir des plantes qui absorberont l’hydrocarbure des routes. Le sujet est très vaste et concerne chacun d’entre nous. A titre d’exemple, j’ai rencontré récemment le responsable du groupe Vinci. La loi sur l’eau entraîne une mise en conformité de leur dispositif avec l’installation de bacs de décantation le long des autoroutes. L’eau des routes est également concernée. Chaque point d’eau - de la source à la rivière - fera l’objet d’une attention particulière parce que c’est un bien précieux qui ne doit pas être gaspillé. N’oublions pas que la qualité de l’eau est importante pour les cultures, l’ostréiculture, les coquillages, etc. L’environnement, la gestion et la qualité de l’eau feront partie des sujets prioritaires de mon mandat. La Cara de Royan, dont le Département est partenaire, a lancé une expérimentation sur la réutilisation des eaux en fin d’épuration. Aujourd’hui, cette eau n’est plus potable, mais elle pourrait le devenir à l’avenir. De nouvelles perspectives s’ouvrent à nous. Il s’agit d’une prise de conscience collective.
• Qu’en est-il de l’irrigation, souvent décriée par les Ecologistes ?
L’Etat autorise les prélèvements pour les agriculteurs selon un calendrier. Ce plan de gestion est validé par la préfecture avec des volumes fixés selon le niveau des nappes phréatiques. Au Département, Françoise de Roffignac est très investie dans ce domaine.
• Une grande partie du budget départemental est consacrée à l’aide sociale. Quelles actions menez-vous ?
Le budget de l’aide sociale, première des priorités départementales, est de 401 millions d’euros. Nous accompagnons les familles depuis la planification familiale avant la naissance jusqu’à l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) pour les personnes âgées. Nous comptons deux foyers de l’enfance à Saintes et Puilboreau auxquels s’ajoutent les assistants familiaux qui accueillent des enfants à domicile. 3510 enfants se trouvent aujourd’hui sous la protection du Département. Nous sommes vigilants et dès que nous parviennent des informations préoccupantes au sujet d’un enfant, une enquête sociale est déclenchée. Leur nombre est malheureusement en progression. Retirer la garde d’enfants à des parents est un acte grave, c’est pourquoi, avec les centres communaux d’action sociale et la justice, nous travaillons en amont pour prévenir de telles situations qui entraînent forcément des séquelles.
Plus généralement, un plan jeunesse sera réalisé fin 2022. Outre le sport et la culture, nous souhaitons mettre les jeunes en relation avec le monde de l’entreprise. Dès la primaire, présentation du métier de boulanger par exemple, cela peut susciter des vocations. Organiser une sorte de concours Lépine des jeunes est une autre piste à explorer.
Nous aidons également les seniors en perte d’autonomie et les personnes en situation de handicap. Avec Jean-Claude Godineau et Dominique Rabelle, nous souhaitons informer les demandeurs d’emploi sur les métiers liés au social où l’on constate un manque de vocations. Une rencontre avec les associations est prévue à cet effet.
Puisque nous parlons de solidarité, Alexandre Grenot, vice-président du Conseil départemental et maire des Gonds, vient de lancer sur sa commune une initiative très intéressante avec Atanase Périfan, créateur de la Fête des Voisins. Il s’agit de l’heure civique. Le principe est simple : je donne une heure de mon temps par mois à aider la commune, une association ou un particulier. Le fichier est géré par la municipalité qui fait correspondre l’offre et la demande. Atanase Périfan a inventé ce système qui remporte un vrai succès en Charente-Maritime. De nombreuses communes ont adhéré à cette action qui peut se résumer ainsi : j’arrête de penser à ma petite personne et je vais vers les autres !
Lancement de l'heure civique aux Gonds, chez Alexandre Grenot |
• Le Département assure désormais la gestion des ports. Quelles sont vos ambitions pour ces ports, nombreux en Haute-Saintonge, le long de l’estuaire de la Gironde ?
Depuis la loi Nôtre, le Département a repris bon nombre des ports à l’exception de ceux de La Rochelle, Royan et Rochefort où nous sommes investis dans les syndicats mixtes. Ils s’inscrivent dans le domaine touristique et il s’agit, pour le Département, de valoriser l’accueil des plaisanciers. Nous sommes accompagnés dans cette action par un bureau d’études chargé de réaliser un inventaire et d'établir un plan de gestion. Si nous voulons être un département attractif, nous devons pouvoir recevoir les plaisanciers de façon optimale : l’enjeu environnemental est fort avec tri des déchets, faible consommation d’eau, etc. Je suis entourée de vice-présidents et d’élus très impliqués dans ce domaine : Jean Prou, président du Parc naturel marin, Jean-Claude Godineau, président de l’EPCB (Etablissement public territorial du Bassin Charente), Françoise de Roffignac, en charge de la politique de l’eau, de la mer et du littoral, Christophe Sueur, en charge des infrastructures et activités portuaires, Patrice Raffarin, responsable du plan digues. L’objectif poursuivi par cette équipe est l’attrait et la protection des sites, la préservation de l’eau, le développement touristique.
• La Charente-Maritime reste une destination privilégiée en matière de tourisme !
Effectivement, le département est toujours sur le podium des destinations préférées des Français ! Bien sûr, il y a Fort Boyard qui est notre tour Eiffel à nous ! Mais pas seulement… Le Département abrite de nombreuses merveilles. Avec Stéphane Villain, nous portons une attention particulière à ces lieux qui possèdent des joyaux du patrimoine dont châteaux, églises romanes, etc. J’ai consacré le début de mon mandat à rencontrer les élus des communes rurales. Ils disent souvent que le littoral est renommé avec ses plages et qu’ils sont moins bien lotis ! En tout cas, ma philosophie est de me tourner vers les milieux ruraux et de les aider. Le plan Vals de Saintonge par exemple, doté de 7 millions d’euros, comporte un volet touristique important et des aménagements. Il s’agit d’accompagner la dynamisation du tissu social et économique. A travers les contrats passés avec le Département, l’objectif est de valoriser les richesses des communes.
Le phare de Cordouan |
• Bonne nouvelle, le phare de Cordouan - très proche de Royan puisqu’on s’y rend en bateau à partir du port - vient d’être inscrit au patrimoine de l’Unesco…
Le phare de Cordouan est un site patrimonial emblématique qui a été classé au patrimoine mondial de l’Unesco. Par la même occasion, nous envisageons la valorisation de tous les autres phares du département dont ceux de l’Ile d’Oléron et de l’Ile de Ré par une mise en réseau. Le Département s’est porté candidat pour la reprise du Phare des Baleines, actuellement géré par une entreprise privée. L’histoire de ces phares est passionnante, nous souhaitons la faire découvrir aux touristes et à tous ceux qui s’intéressent à ces constructions.
• Autre belle perspective sur la côte, les travaux des grottes de Régulus à Meschers où un appel aux dons a été lancé ?
Le Département apportera son soutien financier à ce projet. Arriver par la côte offre une autre vision de la Charente-Maritime, d’où l’intérêt que nous portons à l’accueil et aux structures d’accompagnement des plaisanciers. Un grand plan d’attractivité départemental se met en place.
Travaux présentés par Françoise Fribourg, maire de Meschers, en présence de la Fondation du Patrimoine |
• Où en est le déploiement de la fibre dans le Département ?
Nous avons six mois de retard en raison du covid. Mi 2023, le déploiement sera terminé. Nous faisons partie des départements précurseurs dans ce domaine. 270000 logements seront équipés. Plus de 326 millions d’euros sont consacrés à la fibre et notre participation est de 11,7 millions d’euros. En Haute Saintonge, 44000 prises sont à raccorder. 14000 sont commercialisables. Sylvie Mercier, vice-présidente chargée du numérique, organise des réunions pour répondre aux préoccupations des maires. En ce qui concerne l’élagage, nous avons mis en place un dispositif financier pour les ménages les plus modestes. Concrètement, le département apporte la fibre FTTH - Fiber to the home - jusqu’à votre portail ; l’administré a la charge du raccordement qu’il peut négocier avec son opérateur. Normalement, l’installation ne coûte rien à l’usager si ce n’est l’abonnement ! L’ADSL, quant à elle, va être démontée progressivement, la fibre prenant le relais. Parallèlement, en partenariat avec la Préfecture, nous avons créé 43 postes de conseillers numériques.
• Les Espaces France Services donnent-il de bons résultats ?
Ces espaces, qui donnent accès aux services publics, sont importants pour les citoyens qui ne disposent pas de matériel informatique et ne sont pas habitués à la dématérialisation des documents. Nous en avons ouvert 28 dans le département. Le dernier en date se trouve à Surgères. Il existe une maison France services itinérante déployée à Tonnay-Charente à titre expérimental.
• Le Département continuera-t-il à soutenir les communes rurales ?
Il est hors de question de revenir sur les dispositifs votés pour les petites communes. J’ai été maire de Fouras pendant 13 ans et je sais combien l’engagement des maires est important. Je connais leur quotidien : dans les petites communes, il n’y a qu’un seul agent et c’est bien souvent le maire qui va aider le cantonnier et toute l’équipe communale s’implique quand il le faut. Le Département accompagne leurs projets d’investissement. Je suis respectueuse des personnes qui s’engagent au service des autres.
• Nous vivons une époque où les maires - et les élus en général - sont souvent critiqués. Cette « morosité » ne risque-t-elle pas de décourager ceux qui souhaitent se lancer en politique ?
C’est assez paradoxal : les maires sont parfois décriés… et au moment des élections, on ne se bouscule pas pour se présenter. Personnellement, j’avais la vocation. Travailler avec une équipe au service de la collectivité m’a toujours motivée, avec l’envie d’améliorer le quotidien de la population. Mon premier mandat a été à Fouras, dans l’opposition. J’en suis devenue maire par la suite. Quel message adresser à ceux qui veulent se lancer en politique ? Chacun doit tracer sa route, qu’il soit un homme ou une femme. C’est un engagement qui demande beaucoup d’abnégation. Apporter sa pierre à l’édifice, être respectueux, contribuer au développement de sa ville, de sa commune, à l’amélioration des conditions de vie des habitants est épanouissant. Je ne suis pas là pour flatter mon ego, mais pour agir en faveur de mes concitoyens. Qu’ajouter de plus sinon garder de l’optimisme : « Aide-toi et le Département t’aidera » !
Novembre 2021 à Boscamnant : Sylvie Marcilly félicite Pierre Borde décoré de l’insigne d’officier dans l'Ordre national du Mérite |
• D'abord conseillère municipale dans l'opposition, Sylvie Marcilly est devenue maire de Fouras en 2008. Elle a été vice-présidente du Conseil départemental à partir de 2011, a occupé des fonctions à la CDA de Rochefort et présidé la Semdas à partir de 2017. Professionnellement, elle a géré les Laboratoires AquaScent à Fouras.
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