samedi 28 décembre 2019

Tempête Martin du 27 décembre 1999 en Haute-Saintonge : des vents à 190 km/h...

Article publié juste après la tempête… 
C’était dans l’horreur d’une profonde nuit...

Au port des Monards, ce bateau s'est retrouvé à l'intérieur des terres (© Bertin/Perrier)
Hécatombe, cataclysme, voire apocalypse, les mots ne manquent pas pour décrire ce que la Charente-Maritime et la région de Haute-Saintonge ont vécu dans la nuit de lundi à mardi passés. « C’est bien plus que la tempête annoncée par Météo France » soulignent les personnes âgées qui ne se souviennent pas avoir vécu pareil bouleversement. Elles évoquent la tornade de 1934 et les vents violents d’Hortense, il y a une douzaine d’années, mais ces caprices du temps n’étaient rien comparés au dernier épisode en date.

Aujourd’hui, on peut réellement parler de désastre et c’est pourquoi le plan Orsec a été déclenché. Qui pouvait imaginer que les bourrasques approcheraient les 200 km/h à certaines heures de la nuit ? C’est pourquoi au petit matin, on ne comptait plus les arbres couchés sur les routes, les toitures envolées ou endommagées, les cheminées descellées. Les tuiles jonchaient le sol tandis que les belles pinèdes du Sud Saintonge semblaient déchiquetées par la main du destin.
D’une rare violence, les rafales ont “anéanti” conifères, chênes et autres fiertés environnementales. Selon les estimations, la forêt située en dessous de Montendre a été détruite à 80%. Les cantons de  Montlieu, Montguyon et Saint-Aigulin ont été particulièrement touchés. Les alentours du bassin ludique de la cité des Pins, dont le cadre verdoyant était un atout, ne sont plus qu’un vaste champ de bataille.

Cuves malmenées du côté d'Archiac (© archives NB)
Centre Leclerc de Jonzac (© archives NB)
Ferme équestre de Jonzac (archives NB)
Jonzac : Un arbre tombé sur le monument en hommage à Pierre Ruibet 
et Claude Gatineau (© archives NB)
Arbre tombé à Saintes
Cours National à Saintes (archives NB)


• Raz-de-marée dans l'Estuaire
Le niveau de la Gironde 
s'est subitement élevé de deux mètres

A ce triste constat, il faut ajouter le marais bordant l’estuaire de la Gironde. « C’est affreux » constataient mercredi après-midi Christian Leyrit, préfet, Claude Belot, président du Conseil Général et Guy Mascrès, sous-préfet de Jonzac, après avoir survolé cette zone en hélicoptère. Le marais n’est que désolation. D’après les témoignages recueillis, un raz-de-marée a recouvert toute la zone, surprenant les gens dans leurs habitations et les animaux dans leurs enclos.
Le niveau de la Gironde s’est subitement élevé de deux mètres, provoquant une vague qui a déferlé sur la bande côtière. Conséquence, les fermes isolées sont encerclées par les eaux avec les retombées qui en découlent (manque d’eau potable, approvisionnement).

La centrale nucléaire de Braud Saint-Louis a également été touchée, les digues n’étant pas assez élevées. Dans les petits ports, habituellement si pittoresques, certains bateaux ont été poussés à un kilomètre à l’intérieur des terres. Un adolescent de treize ans, Thomas Texier demeurant à Ambarès, parti chasser à la tonne avec un ami Jacques Giraud, a perdu la vie. Plusieurs autres personnes ont également été victimes de cette nuit tragique, dont un habitant de Réaux et un pompier de Gémozac, André Roland dont les obsèques ont été célébrées jeudi après-midi.

Sur le littoral, la ville de Royan a été sévèrement touchée ainsi que le front de mer de Saint-Georges de Didonne. A Chaniers près de Saintes, les serres Maguy ont été détruites. Le préjudice est estimé à 6 MF. Un élevage de lapins a également souffert, les structures s’étant effondrées sur les animaux.
Les dégâts sont énormes... et personne n’a été épargné.
A Jonzac, des arbres ont anéanti le monument élevé à la mémoire de Pierre Ruibet et de Claude Gatineau au Jardin Public. La liste est longue...

Dans le marais (archives NB)
En plus des vents violents, un raz de marée a envahi les communes bordant l'estuaire de la Gironde (© Archives N. Bertin)
80% de la forêt du Sud Saintonge détruite

Il faut bien se rendre à l’évidence : le pays n’est pas préparé à faire face aux catastrophes naturelles. Chaque commune a donc fait avec les moyens du bord et remercions tous ceux qui, aux côtés des professionnels (pompiers, gendarmes, bénévoles) ont apporté leur aide spontanée. Des renforts envoyés par l’armée (USC de Brignolles) sont arrivés, mais leur nombre reste modeste. « Il y a tant d’arbres sur les routes que nous ne pouvons pas être partout » reconnaît l’un des responsables de la caserne de Montendre. Sur 254 appels, seuls 35 avaient été traités jeudi matin et pourtant, personne n’a chômé. « Nous opérons par priorités. D’abord les secours aux personnes en difficulté, certaines logent actuellement à la maison de retraite, puis les maisons endommagées, les arbres obstruant la voie publique. Il y a tellement de travail que je ne sais pas si nous en verrons le bout ».

La situation est identique à Jonzac où une cellule de crise a été installée dès lundi soir. Élus, représentants de l’Etat, DDE, Pompiers, Gendarmerie, services EDF ont fait régulièrement le point. Durant cette nuit de cauchemar, 700 “naufragés de la route” ont trouvé refuge dans la capitale de la Haute-Saintonge ainsi que dans plusieurs établissements (dont le restaurant le Vieux Logis à Clam). Les gens erraient, terrorisés dans la majorité des cas.

L’une des premières tâches des pompiers a été de dégager les accès de la ville de Jonzac, l’hôpital n’étant plus accessible en raison d’arbres tombés. En rentrant de la Rochelle, Claude Belot a vu les premiers peupliers du pont d’Usseau, à Marignac, tomber sur la route « les uns après les autres. C’était impressionnant. Entre Pons et Jonzac, je roulais à 35 km/h alors qu’entre la Rochelle et Rochefort, on circulait plus facilement. Dans l’après-midi, les prévisions annonçaient des vents soufflant à 120 km/h, 140 km/h. C’était en dessous de la réalité. La Haute Saintonge est l’une des zones les plus éprouvées du département ».
Mardi matin, après ce véritable ouragan (n’ayons pas peur du terme), la région s’est réveillée sans électricité, sans eau et sans téléphone. De nombreux habitants se demandaient ce qui leur arrivait, constatant l’état de la toiture (quand celle-ci ne s’était pas envolée), les murettes effondrées, les jardins meurtris, le pire en quelque sorte. « On nous parlait d’apocalypse pour l’an 2000, nous y sommes » soupiraient les plus fatalistes.

Les commerçants, quant à eux, ont dû fermer leurs boutiques. Ceux disposant d’un groupe électrogène ont repris leurs activités dès mercredi. Le boulanger par exemple. Quand le pain est là, le moral revient. Dès que les magasins ont rouvert leurs portes, ce fut la ruée sur le pétrole (pour les lampes et appareils de chauffage), les piles, les bougies, les bouteilles de gaz et l’essence. D’autres préférèrent acquérir une tronçonneuse (il y a des branches à couper). Bref, quand le progrès fout le camp, une cheminée apporte de la chaleur et un butagaz permet de cuisiner !
Restait le problème de l’eau rendant la douche quotidienne impossible. Heureux étaient les possesseurs de puits, n’étant pas obligés d’acheter de l’eau minérale. La morale de l’histoire est que toute panne d’électricité provoque une véritable panique : la « fée » est présente partout, y compris dans le fonctionnement des châteaux d’eau et des chaudières...

A Pons (archives NB)

Certains villages ne retrouveront l'électricité qu'en l'an 2000

Actuellement, la grande question est de savoir quand reviendra l’électricité, source de tous les conforts. Une partie de Montendre, dont les câbles sont enterrés, a revu la lumière dès mercredi. En soirée, les illuminations de Noël étaient présentes. A Jonzac, les équipes ont mis les bouchées doubles pour que les foyers puissent être dépannés, mais ce fut l’échec dans la nuit, contrairement à Montguyon et Pons. Finalement, après le montage d’une ligne, elle est revenue jeudi vers 16 heures au grand soulagement de la population.
Ces bonnes nouvelles ne concernent que les cœurs de villes. Les villages, quant à eux, sont toujours dans l’obscurité. « Les services EDF sont intervenus dès lundi matin pour dresser un état de lieux » souligne M. Pontégnie, responsable de l’agence de Haute-Saintonge.
La veille, dimanche, une première “petite” tempête avait provoqué une dizaine d’incidents qui avaient été réglés en fin de journée. Le lendemain, l’ampleur était différente ! « Nous ne sommes pas sortis durant la nuit en raison du danger et parce que nous ne pouvions rien tenter face aux éléments ». Que faire, en effet, quand le vent souffle à 190 km/h ?

Face aux troncs qui étaient légion sur les chaussées, la visite du réseau s’est faite à pied dans un premier temps. Un relevé a été effectué sur Jonzac et ses environs. Suivirent les secteurs de Montendre et de Pons. Par la suite, les hélicoptères permirent "d’apprécier" l’étendue du désastre dans le sud du département. Un pylône de 90.000 volts s’est efffondré, sans compter des lignes moins importantes, mais néanmoins essentielles : « 60% du réseau est par terre » constate M. Pontégnie. Aux côtés des personnels EDF et de la DDE, des entreprises spécialisées (AEL Montguyon, Lacombe, Sobeca) ont répondu présent, sans oublier des militaires d’Angers, de Montpellier, du Morbihan et des professionnels venant des pays de la Communauté européenne, Espagne, Belgique, Angleterre et Allemagne.
Il faudra six mois avant que les choses ne redeviennent comme avant : certaines communes ne renoueront avec le progrès qu’après l’an 2000. Ne nous leurrons pas, les villages les plus éloignés pourront même attendre jusqu’au 15 janvier...

A Saint-Genis (archives NB)
Les serres ont souffert...
De même que les toitures...
Forêt dévastée (archives NB)

Quels sont les enseignements à tirer de cette tempête ?

Que l’homme est démuni face à la nature, une vérité qu’il a parfois tendance à oublier. Sans tomber dans les folies d'une fin de siècle qui voient en ces éléments déchaînés un châtiment céleste, il serait bon que les pouvoirs publics soient mieux organisés en cas de force majeure, avec une exactitude des informations données au public. En effet, la marée noire annoncée pour l’Ile de Ré a finalement touché la Bretagne et ce qui devait être une simple tempête s’est transformé en ouragan. Enfin, les "bidasses" mobilisés à Paris - au cas où il se produirait des incidents le 31 décembre – auraient été plus utiles dans les départements sinistrés. Où se trouve la logique ? Les maires ne peuvent, à eux seuls, résoudre l’ensemble des problèmes...

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