mercredi 1 juin 2016

Bernard Lalande : « les sénateurs
subissent moins la pression médiatique
que les députés »

Les générations se suivent et ne se ressemblent pas. A une époque, les sénateurs ne communiquaient guère sur leurs actions, sauf événement majeur. Ils étaient à Paris en début de semaine et pour tout savoir (enfin presque), il convenait de regarder la chaîne Public Sénat ! De nos jours, chaque parlementaire utilise les vecteurs numériques pour détailler ses interventions, tout en renouant avec les traditionnelles réunions qui permettent d'échanger avec les élus de la base… qui sont aussi grands électeurs. 

C'est dans ce cadre que Bernard Lalande, sénateur de Charente-Maritime, avait organisé une rencontre débat vendredi dernier à la mairie d'Archiac. Aux côtés des maires, on notait la présence de Claude Belot qui peut être considéré comme le "pater noster" des deux sénateurs saintongeais (Bernard Lalande, PS, et Daniel Laurent L.R) ainsi que Chantal Guimberteau et Jean-Claude Beaulieu, conseillers départementaux.

Rencontre en toute simplicité à Archiac animée par Bernard Lalande, 
sénateur maire de Montendre

« Nous ne sommes pas sous la coupe du président Hollande »

Entrons dans le palais du Luxembourg que certains édiles connaissent déjà, ayant été invités dans la capitale « par le sénateur ». La première partie est consacrée à un powerpoint mis en place par Fabienne Dugas Raveneau, bras droit, pardon bras gauche de Bernard Lalande.

« Le Sénat, vous en connaissez mieux les couloirs que moi » lance Bernard Lalande à Claude Belot. Lequel admet qu'en 25 ans, il n'a pas tout vu. En effet, le palais du Luxembourg est d'abord un lieu historique qui reçoit 250.000 visiteurs par an. Marie de Médicis, la veuve d'Henri IV, y a laissé son empreinte. A cette époque, on était encore loin de la Révolution et de Gérard Larcher, actuel président de cette assemblée. Assemblée qui ne peut être dissoute contrairement à la turbulente Assemblée Nationale. On compte 91 sénatrices et 257 sénateurs, autrement dit la parité n'y existe pas !
« Le Sénat subit moins la pression médiatique que l'Assemblée Nationale qui vit en permanence avec les caméras de BFMTV ou France 2. Nous travaillons trois jours pleins et ne passons pas notre temps à regarder les mouches ! Si les rangs sont parfois vides, c'est que nous siégeons en commission. A l'intérieur de l'hémicycle, les différentes formations se respectent et bizarrement, le ton ne monte que quand la télé est là ! Nous sommes tous des élus de territoire, des gens de terrain. La majorité d'entre nous défend les zones rurales, c'est notre combat ». Les questions au Gouvernement, en présence des ministres, serait un exercice intéressant. Et d'ajouter : « Nous ne sommes pas sous la coupe du président Hollande, contrairement au Palais Bourbon. Là-bas, dès que change la couleur du berger, change également la couleur des moutons ! ». Sourires dans l'assistance.
Selon Bernard Lalande, le président Gérard Larcher tient bien son assemblée : « il pourrait être un élu de notre région, c'est un démocrate… mais je ne suis pas là pour faire sa pub ! ». 

Le magnifique Palais du Luxembourg, siège du Sénat
Un jour, le domaine de la santé 
pourrait-il "appartenir" à Google ?

Bernard Lalande fait partie - entre autres - de la commission des finances, là où est examiné le budget. Avec cette particularité que les recettes sont votées avant les dépenses. C'est un peu subtil ! Il a été rapporteur de la commission chargée du contrôle des comptes et de l’évaluation interne sur les comptes du Sénat de l’exercice 2015, composée d'une dizaine de membres sous la présidence d'Eric Doligé. « Il s’agit d’une mission de contrôle, complémentaire à celle exercée par la Cour des Comptes. La Commission spéciale a donné quitus aux questeurs de leur gestion, au trésorier de la régularité de sa gestion et elle a approuvé les comptes annuels du Sénat » explique-t-il.

En matière fiscale, les sujets ne manquent pas dont celui du e-commerce qui pose des problèmes. Pour Claude Belot, il est anormal que l'Etat soit en difficulté quand ces sociétés sont défiscalisées : « le Sénat doit continuer à travailler sur le sujet ». En septembre 2015, la commission des Finances du Sénat a présenté ses solutions pour taxer les revenus issus de l’économie collaborative et mettre fin à la fraude à la TVA massive pratiquée par les plateformes et les sites de e-commerce. Selon les spécialistes, l'arsenal était original, mais difficile à appliquer.

Bernard Lalande a fait le point sur les actions conduites au Sénat 
depuis son élection en 2014
Jean Claude Beaulieu, Bernard Lalande et Fabienne Dugas Raveneau
Pour apprécier la situation à sa juste valeur, une délégation de sénateurs s'est rendue à Seattle, San Francisco et Washington à la rencontre de ces grandes "chapelles" que sont Amazon, Google ou Apple. Nos représentants ont vite réalisé que l'horloge y fonctionnait plus vite que dans la vieille Europe. « Nous sommes allés aux USA pour mieux comprendre leur mécanique fiscale. Dans un avenir pas si lointain, nous vivrons connectés. Nous n'appartiendrons plus à nous-mêmes mais à des sociétés qui nous géreront, y compris dans le domaine de la santé. Un chercheur travaille avec un robot cellule dont le rôle est de détruire les mauvaises cellules précisément. Les bilans de santé, les diagnostics seront obtenus par numérique. Nous allons entrer dans un monde extraordinaire auquel s'ajoute la révolution qu'apportent les imprimantes 3D ». Fin juin 2015, en effet, Google a révélé que ses équipes étaient en train de plancher sur un bracelet connecté. Ce dispositif aurait pour vocation d'aider les chercheurs lors d'essais cliniques. Un projet particulièrement intéressant est issu de son laboratoire secret Google X. Le principe est d’injecter des nanoparticules dans le sang afin de diagnostiquer d’infimes changements biochimiques témoins d’une maladie à un stade très précoce, de la crise cardiaque au cancer. Sans compter les nombreuses autres recherches de ce "géant" qui veut augmenter l'espérance de vie humaine de 20 ans d'ici 2035 et lutter contre le vieillissement…

Et nous dans tout ça ? Néandertal contre le nouveau Sapiens ? Face à nos systèmes de fonctionnement, la tentation sera grande pour les chercheurs de partir outre Atlantique contribuer à ces nouvelles découvertes. Que pèserons-nous alors face à ces laboratoires aux moyens colossaux quand la recherche française a du mal à se faire entendre ? Quoi qu'il en soit, les pays réagiront avec cette question récurrente « où sera la recette fiscale et que deviendra un régime comme celui de la Sécurité Sociale par exemple ? ». Vaste interrogation…

Autre sujet, l'emploi. Bernard Lalande est favorable à l'impôt zéro pour les entreprises qui réinvestissent et font tourner l'économie (donc l'emploi). « Il faut protéger notre pays. Si nous n'y prenons pas garde, notre patrimoine changera de main. Il faut plus d'investissements et moins de versement de dividendes. Et puis, la formation des individus, tout au long de leur vie professionnelle, est importante ». 

Un meilleur maillage numérique en zone rurale

L'assistance est attentive et si les avancées médicales américaines la laisse perplexe, elle garde les pieds sur terre, ici en Haute Saintonge ! Prenons justement le maillage numérique en zone rurale, certains endroits sont mal lotis, comme le souligne à juste raison un participant. Ça rame ! Bernard Lalande a pris les devants à Montendre Chardes Vallet : il a consacré 50% de sa réserve parlementaire à l'installation du très haut débit, la seconde partie étant réservée à d'autres communes. Pour qu'un cabinet médical puisse fonctionner de même qu'une entreprise, un outil informatique performant est nécessaire. Sinon à quoi bon vanter les mérites de la province si elle ne possède pas d'atouts dans son jeu ?

Pour survivre, les zones rurales doivent disposer d'outils performants, les élus en ont pleinement conscience
Il y a déjà 12 ans que le haut débit a été installé en Charente-Maritime, soit 800 km de fibres optiques. Pour poursuivre avec le THD sous la conduite du Département, la dépense est estimée à 140 millions d'euros. Une participation est demandée à la Communauté de Communes à laquelle s'ajoutent les subventions de l'Europe, l'Etat et peut-être de la nouvelle Région.
Claude Belot estime que si la CDCHS participe financièrement (ce qui constitue un gros effort pour elle), elle doit devenir actionnaire et co-propriétaire du réseau. Un accord est à trouver avec Dominique Bussereau, président du Conseil départemental. La collectivité pourrait également recourir à l'emprunt, les taux étant bas.
De là à regretter les baisses de dotations de l'Etat, il n'y a qu'un pas. Taxer les contribuables pour dégager des marges de manœuvre est certes une solution, mais elle est à double tranchant. Si les contribuables consomment moins, la croissance s'en ressent… et le chômage s'accroît.

Bref, la crainte de Bernard Lalande et de Claude Belot est l'affaiblissement des secteurs ruraux face aux centres urbains. Sentiment que partagent les élus de terrain dans une France bousculée de l'intérieur et agressée de l'extérieur. En conséquence, fragilisée...

Claude Belot, maire de Jonzac et président de la CDCHS, a été sénateur de 1989 à 2014
• Il y a trois grands mondes...

Pour Bernard Lalande, il y a les gens en difficulté auxquels on doit assistance, la classe moyenne et le monde des puissants, quelque milliers de personnes influentes. Parmi elles, les hauts fonctionnaires. Ceux qui assistent à la valse des ministres, de droite comme de gauche. Et des parlementaires. Autrement dit prudence ! Ils possèdent une parfaite connaissance des dossiers, mais peuvent aussi commettre des erreurs, comme pour Areva. Leur force ? Ils savent que les élus inexpérimentés passeront… et pas eux ! « On peut se faire manipuler et certains amendements sont lourds de conséquences » admet Claude Belot qui semble avoir été "échaudé". Ces hauts fonctionnaires seraient-ils flagorneurs ? Certains groupes, en tout cas, possèdent leurs propres techniciens, histoire d'avoir plusieurs avis. Il serait difficile de faire bouger l'Administration…


• Le confortable train de vie des sénateurs

Il est souvent la cible de la presse, mais certains postes seraient plus enviables. Les jardiniers du Sénat par exemple. Leur salaire serait appréciable et surtout, ils n'ont pas besoin de se présenter aux élections. Ceci dit, ils savent cultiver leur jardin ! Quant aux hauts fonctionnaires, « ils gagneraient plus que les sénateurs et auraient des logements de fonction dans le VIIe arrondissement » !

• Au sujet des grèves 

« Si je dis que la CGT embête tout le monde, je ne vais pas me faire que des copains ! Les syndicats sont représentatifs des corporations. Mais le monde change et il faut savoir s'adapter » estime Bernard Lalande. « Ce qui m'a choqué, c'est qu'elle a exigé la parution d'un communiqué sous peine de bloquer la parution des journaux » enchaîne Claude Belot.
La CFDT serait actuellement majoritaire dans les entreprises, d'où l'agitation de la CGT. « On a une minorité agissante, sous la bénédiction de la presse, qui paralyse le pays. Le Gouvernement ne veut pas reculer. Cela pose un problème de principe : si un syndicat veut faire sa loi, nous sommes alors dans une situation insurrectionnelle » souligne le maire de Jonzac.
A noter : La région de Haute Saintonge n'a pas été touchée par le manque d'essence. C'est déjà ça.

• Europe

Bernard Lalande est favorable à une fédération des états au niveau européen.

2 commentaires:

Frédéric Mansirot a dit…

La gestion locale est une chose et la politique nationale en est une autre, la visibilité locale sur des actions d’envergure n’augure pas forcément la même dynamique au niveau national. Depuis plus de 30 ans le Sénat accompagne notre lente évolution vers une soumission croissante à un ultra libéralisme et une ouverture naïve de notre économie se soldant par un nivellement progressif et par le bas du niveau de vie des Français, la ruine de nos activités les plus exposées. Maurice Allais prix Nobel d’économie en 1988 avait déjà tiré le signal d’alarme depuis longtemps mais nos élus parlementaires obnubilés par l’élection et les multiples réélections n’ont eu que faire de ces mises en garde. Le lobbying est désormais omniprésent se traduisant souvent par des rédactions de réglementations fournies clés en main par les intérêts privés. Aujourd’hui la quasi-totalité des parlementaires de l’ex-UMP et la majorité du PS sont favorables au traité transatlantique qui signerait la fin de la démocratie et de notre modèle sociétal aux profits des grands intérêts privés et de la finance.
Dans cette dérive les partis n’ont plus de programme et de vision sociétale si ce n’est que l’accompagnement et le suivisme de cette logique purement économique venue du monde anglo-saxon et à laquelle nos parlementaires se plient à défaut de savoir la contrer, ou peut-être de la comprendre. D’aucuns en arrivent à se poser la question de la volonté, de l’indifférence, de la loyauté, de l’honnêteté envers les électeurs. Le premier parti de France est désormais celui des abstentionnistes.
Le Sénat se pose comme le sage du bicaméralisme mais cette sagesse apparait plutôt actuellement comme une entrave politicienne envers des projets de loi gouvernementaux. Le projet sur la biodiversité a été sabré par le Sénat dans ses principales dispositions au nom d’un réalisme prétendument rural, poussant ainsi la procédure vers la commission mixte et une fois de plus le dernier mot est donné à l’Assemblée Nationale. Mais pourquoi des élus, en majorité ruraux, n’émanant pas du suffrage universel direct, seraient-il légitimes à s’opposer à des projets de loi sur lesquels les Français se sont directement exprimés lors des grandes échéances électorales ? Ces élus essentiellement ruraux sont doublement minoritaires au regard du pourcentage de population représentée et du taux d’abstention. Et la position exprimée par nos élus départementaux sur la loi travail reflète la même dichotomie avec la volonté du peuple.
Le Général de Gaulle lors de son référendum de 1969 avait inclus la mutation du Sénat en une assemblée consultative et les vrais partis encore gaullistes aujourd’hui prônent la même évolution. Face à la prééminence de l’Assemblée Nationale dans le vote final, le Sénat conserverait ainsi sa capacité à présenter les observations des petites communes sans entraver les procédures du vote législatif.

Anonyme a dit…

Les sénateurs bénéficient de privilèges exorbitants dont la liste serait trop longue ici.
De plus, ils ne représentent qu'une petite minorité d'électeurs.
Enfin, l'utilité réelle de leur action est de plus en plus contestée dans l'opinion.
Le rapport qualité/prix n'y est vraiment pas !
Il faudra bien un jour supprimer le sénat inutile et coûteux!