Question écrite adressée par Corinne Imbert, sénatrice-Maire de Beauvais-sur-Matha, à Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'Education nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, concernant le port de signes religieux distinctifs à l'Université.
• Corinne Imbert attire l'attention de Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur le port de signes religieux distinctifs à l'université. La loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 interdit tout port de signe ostentatoire au sein des établissements de primaire, des collèges et des lycées, mais aucune restriction n'est liée à l'université. Les étudiants peuvent en effet arborer librement un symbole religieux. En corrélation avec le principe de laïcité, élément fondamental de notre République, elle lui demande si le Gouvernement entend procéder prochainement à l'ouverture d'un débat sur le sujet.
• Réponse de Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche
L'article L. 141-6 du code de l'éducation prévoit que « le service public de l'enseignement supérieur est laïque et indépendant de toute emprise politique, économique, religieuse ou idéologique : il tend à l'objectivité du savoir ; il respecte la diversité des opinions. Il doit garantir à l'enseignement et à la recherche leurs possibilités de libre développement scientifique, créateur et critique ».
Les enseignants et personnels de l'enseignement supérieur sont soumis aux règles de stricte neutralité applicables à tout agent public qui leur imposent de ne pas manifester leurs convictions religieuses dans l'exercice de leurs fonctions. En revanche, les étudiants peuvent porter des signes manifestant leurs convictions religieuses, dans le cadre de la liberté d'information et d'expression qui leur est reconnue par l'article L. 811-1 du code de l'éducation. Cette liberté s'exerce cependant sous réserve de ne porter atteinte ni aux activités d'enseignement et de recherche ni à l'ordre public. Les tenues vestimentaires doivent ainsi être conformes aux règles de sécurité et d'hygiène et être adaptées aux activités suivies, notamment aux activités de travaux pratiques en laboratoire ou aux activités sportives. Le prosélytisme et les troubles à l'ordre public sont interdits. Sur le terrain, la manifestation par les étudiants de leurs convictions religieuses dans les établissements d'enseignement supérieur, indépendamment de quelques cas médiatisés, ne pose pas de véritables difficultés.
Le cadre légal rappelé ci-dessus donne aux établissements des outils pour régler les situations litigieuses qui pourraient se présenter. La conférence des présidents d'universités (CPU) a d'ailleurs élaboré en 2004 un guide "laïcité et enseignement supérieur" afin d'accompagner les établissements. C'est notamment pour ces raisons qu'en 2003, la commission de réflexion sur l'application du principe de laïcité dans la République, dite commission "Stasi", n'avait pas souhaité étendre à l'enseignement supérieur l'interdiction du port des signes religieux préconisé dans les écoles, collèges et lycées, en estimant notamment que la « situation de l'université, bien que faisant partie intégrante du service public de l'éducation, est tout à fait différente de celle de l'école. Y étudient des personnes majeures. L'université doit être ouverte sur le monde. Il n'est donc pas question d'empêcher que les étudiants puissent y exprimer leurs convictions religieuses, politiques ou philosophiques ». Il convient d'ajouter que l'université a autant besoin de la liberté d'expression, y compris le cas échéant des opinions religieuses, que de dialogue, d'ouverture, d'échange : les postures d'exclusion ou de rejet de l'autre sont contraires à la tradition universitaire. L'émancipation par le savoir et la connaissance est à ce prix. L'interdiction des signes religieux à l'université n'est aujourd'hui réclamée par aucune conférence d'établissements de l'enseignement supérieur. Pour sa part, l'observatoire de la laïcité a prévu d'inscrire la question de la laïcité dans l'enseignement supérieur à son programme de travail du second semestre 2015. L'avis qu'il rendra pourra utilement éclairer le débat.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire