Ferdinand Rapiteau n'aurait jamais eu l'hommage qu'il mérite sans cette volonté puissante qui jaillit des cœurs, celle de l'artiste Gunter Demnig en particulier qui tire de l'oubli ceux que le nazisme a anéantis, hors des combats et des camps de concentration. La municipalité de Coux et l'historien Christophe Woehrle ont contribué à la pose d'une Stolperstein en hommage au prisonnier de guerre qu'un cruel destin a enlevé à l'affection des siens. Cette commune du canton de Montendre est la première en France où un pavé commémoratif est scellé.
L'artiste Gunter Demnig a créé les Stolpersteine en hommage ax victimes du nazisme |
Le vent qui souffle par bourrasques en ce lundi est brutal : est-ce un hasard, mais il rappelle combien les conflits sont meurtriers et inutiles. Les nuages sombres sont semblables aux souvenirs...
Le monument aux morts de Coux porte, gravés, les noms des soldats morts pour la patrie. Et puis il y a les autres, ceux dont on parle moins, qui ont laissé leur vie au hasard du chemin. Ainsi Ferdinand Rapiteau, contraint de travailler Outre Rhin durant la Seconde Guerre Mondiale, lâchement assassiné par un soldat allemand qui l'a abattu en lui tirant dans le dos. A l'époque, les autorités allemandes ont caché cette issue tragique à sa famille.
Avec le temps, les archives (ouvertes) ont révélé des pans de l'histoire, donnant accès à des documents pouvant éclairer des situations délicates. L'alsacien Christophe Woehrle, qui prépare une thèse sur le sujet, a cherché à savoir ce qui s'était réellement passé et il a trouvé. Il a apporté une réponse à la famille de Ferdinand dont la grand-mère, aujourd'hui disparue, ignorait les circonstances exactes de la mort de son mari.
Désormais, la postérité de Ferdinand Rapiteau connaît la vérité et son horizon s'éclaircit parce que les faits révélés, malgré leur dureté, permettent de comprendre et finalement de faire son deuil. Avec des milliers d'autres, cet habitant de Coux a été la victime d'un système qui avait basé son concept idéologique sur la sélection et la disparition de toute opposition.
Parmi les invités, le Consul de la République d'Allemagne |
Personnalités et public devant le monument au morts |
Joël Carré, maire de Coux, est ému. Aux côtés de Hans Joachim Nitschke, consul de la République d'Allemagne, Andreas Ullmann, responsable de la Willy-Aron-Gesellschaft, Christophe Woehrle, historien, des élus dont Bernard Lalande, sénateur maire de Montendre, Jean-Michel Rapiteau, représentant Claude Belot, président de la CDCHS, Pierre Villar, maire de Cartelègue, Luc Dauget, maire adjoint de Grand Village, du conseil municipal et de la population de Coux, il évoque la brève existence de Ferdinand Rapiteau.
En septembre 1939, appelé sous les drapeaux, il est affecté au 618ème régiment des Pionniers. En 1940, il est fait prisonnier dans les Vosges à Mortagne (ne pas confondre avec la localité en bordure d'estuaire). Il est envoyé en Allemagne à Bamberg où il rejoint un commando auprès de la société des chemins de fer du Reich. Le baraquement des prisonniers de guerre est situé près de la gare.
Le 19 juillet 1941, un drame survient. Alors qu'il se rend à son travail, un coup de fusil le couche à terre. La version qu'on fournit à ses proches est la suivante : « Il a été atteint d'un coup de feu tiré par un jeune enfant qui jouait au tir aux pigeons avec une arme de salon. La balle a pénétré par l'arrière du corps à hauteur de 1,20 m, blessant visiblement un poumon et ressortant par l'avant du corps. L'enquête administrative n'est pas encore terminée ».
Il est enterré dans le carré militaire de Bamberg et son corps n'est restitué à sa famille qu'en juillet 1949. L'épouse de Ferdinand Rapiteau ne croit pas trop à l'explication officielle (la suite démontrera qu'elle avait raison)…
« Ferdinand Rapiteau est une victime de la guerre. Il a été tué en Allemagne alors qu'il était prisonnier. Cette Stolperstein apposée devant notre monument est le signe que nous ne l'oublions pas. C'est un regard sur le passé, sur une période jonchée de souffrance et de mort » souligna le premier magistrat. Christophe Woehrle remercia la mairie de Coux qui l'a aidé dans ses recherches, Gladys Mauret en particulier, Gunter Demning et l'association Willy Aron. Par leur engagement, ils luttent contre les extrémismes et l'antisémitisme. A ce jour, 276 Stolpersteine sont présentes en Europe. Lui-même, par la thèse qu'il prépare, participe au devoir de mémoire.
Bernard Lalande insista sur l'esprit de résistance d'hommes tels que Ferdinand Rapiteau : « morts pour la France, notre devoir est de les honorer ».
Gunter Demnig protégé de la pluie par Christophe Woehrle sous le regard attentif d'Andréas Ullmann |
Un moment émouvant |
Pas un pavé que l'on jette, un pavé qui résiste au temps
On dit que les artistes portent en eux des secrets enfouis. Les plus lourds parfois. En ravivant la flamme d'hommes et de femmes anonymes, en leur donnant en offrande éternelle une pierre du souvenir - baptisée Stoperlstein - Gunter Demnig va au delà de la création et de l'action artistique, il s'engage dans l'histoire par le témoignage et prend fermement position. Sa manière à lui de lutter contre les fanatismes.
Proche par l'esprit de Ferdinand Rapiteau, il lui a dédié un pavé contre la barbarie, contre l'intolérance. Son message ? Que les dictatures ne peuvent pas fouler la dignité sans qu'un juste retour ne vienne leur rappeler qu'à la fin des fins, les hommes de l'ombre qu'elles ont fait périr recevront la lumière.
A Bamberg, l'association Willy Aron - mort à Dachau - représentée par Andréas Ullmann, coordonne le projet "Stolpersteine contre l'oubli" initié par Gunter Demnig. Dans la région, trois autres "petits dés de ciment recouverts de laiton" ont été posés à Cartelègue, la Brède et Grand-Village Plage.
Désormais, Ferdinand Rapiteau a rejoint ses camarades morts pour la France au monument aux morts de Coux. Qu'il repose en paix.
Dépôt de gerbes |
• Maryse Cot est la petite-fille de Ferdinand Rapiteau (parente de Jean-Michel Rapiteau, maire d'Orignolles). Elle a découvert depuis peu les circonstances exactes de la mort de son grand-père que sa grand-mère pressentait sans jamais en avoir eu la preuve.
Maryse Cot et Jean-Michel Rapiteau |
Participation appréciée de la Lyre montendraise aux cérémonies |
Après Coux, les poses de Stolpersteine se sont poursuivies à Cartelègue, la Brède et Grand Village |
• L'expo consacrée à Ferdinand Rapiteau est visible à la mairie de Coux les lundi, mercredi et vendredi de 9 h à 13 h. Muriel François se fera un plaisir de vous la présenter. N'hésitez pas !
Le verre de l'amitié servi dan la salle des fêtes |
Bernard Lalande et Gunter Demnig
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