vendredi 14 novembre 2008

Commanderie des Templiers : Jacques, le bâtisseur


Le nom de Jacques Tourneur est intimement lié à la Commanderie des Epeaux de Meursac où vécurent les Templiers en des temps reculés. À son arrivée, la vaste bâtisse était recouverte par la végétation. En trente ans, il a reconstitué un ensemble intéressant où les témoignages du passé - oubliettes, meurtrières - côtoient ceux du présent. La particularité de Jacques Tourneur est de travailler seul : un véritable défi !

L’œil bleu, le teint buriné par le grand air, Jacques Tourneur aime bien qu’on l’appelle “Commandeur”. Non pas qu’il ait rêvé de porter la Légion d’honneur, mais parce qu’à la Commanderie des Epeaux de Meursac, il se sent bien ! Au départ, rien ne le prédestinait à devenir propriétaire de cette demeure en ruine qui se languissait au cœur d’un village écarté. Oubliée, il y avait belle lurette que les événements dont elle avait été le témoin, dormaient au creux de son oubliette. Si Jacques Tourneur ne s’était pas perdu au détour d’un chemin, il ne l’aurait sans doute jamais remarquée. En la voyant, il “craqua” pour elle et se mit en tête de l’acheter alors qu’elle n’était même pas à vendre ! D’ailleurs, la propriété était morcelée et la partie qui, jadis, avait accueilli l’église de la Commanderie, avait été transformée en hangar avec étable et “parcs à gorets”. « Je cherchais une petite maison avec un grand terrain et finalement , je me suis retrouvé avec une grande maison et un petit terrain » plaisante-t-il.
Après 22 ans, le voisin lui a cédé la parcelle manquante. Dès lors, la Commanderie affiche complet : « Ce jour-là, j’étais vraiment heureux ! » avoue-t-il.
Ne restait plus qu’à mettre l’ensemble en état et sur ce chapitre, il y avait du travail. Les premiers temps furent épiques car il n’y avait ni électricité, ni eau courante et encore moins de téléphone : « La première année, comme la toiture n’était pas refaite, nous campions dans ce qui allait devenir la salle à manger ».


Du courage, il en faut pour retaper une bâtisse aussi grande laissée à l’abandon. Quand il était encore en activité (à France 2), Jacques Tourneur quittait Paris pour les Epeaux dès qu’il en avait l’occasion. Une fois le bâtiment hors d’eau, il accomplit sa première œuvre, une immense cheminée : « Je me suis lancé car je n’avais jamais réalisé une telle construction auparavant. Les Beaux Arts mènent à tout et j’avais des connaissances en sculpture. Finalement, assembler des pierres n’est pas compliqué ! ». Avant de passer à la phase concrète, il consulta de nombreuses revues et étudia certains monuments afin d’apprécier la façon dont opéraient les bâtisseurs d’antan.
Au fil des ans, la Commanderie livra ses secrets, une cuisine du XIIIe siècle avec pétrins et four à pain, une véritable oubliette, une cave. Des ouvrages, dont celui d’Anne-Marie Legras, une amie de Jean Glénisson, lui permirent de découvrir le passé de ce lieu puisqu’un inventaire précis avait été réalisé au XVIIIe sècle, quand il appartenait à l’ordre des Hospitaliers.

Un travail de titan

Depuis qu’il est retraité, Jacques Tourneur passe sept mois environ à la Commanderie. Le béton n’a plus de secret pour lui et il a découvert l’art de la maçonnerie, de la charpente et du plancher. Il travaille seul et prend souvent des risques : « C’est très physique et il faut s’y tenir. L’été, je me réveille à 6 h et l’hiver, à 8 heures. Inutile de vous dire que le soir, je n’ai pas besoin de berceuse ». Un jour, il a eu une grosse frayeur quand une pierre a basculé : « J’ai réussi à la rétablir avec une corde, mais je n’en menais pas large ».


Inconscient, Jacques Tourneur ? Il sourit : « Restaurer cette Commanderie est mon passe-temps. Il s’agit d’une période de l’histoire qui m’intéresse. J’ai compilé une énorme documentation. Tout homme doit avoir un but dans la vie ». Et d’ajouter avec humour : « Qu’est-ce que je ferais sinon ? Aller le long des routes pour rajeunir ou frimer au volant d’une belle voiture sur la Côte d’Azur ? ». Paroles sages qui lui permettent d’avancer sans trop se poser de questions : « Au départ, les gens des environs ne croyaient pas en moi. Ils me disaient, ironiques : dites donc, vous n’êtes pas arrivé au bout ! Aujourd’hui, ils s’aperçoivent que je suis en train de relever le défi ». Ce dont il est fier car il est son propre “patron” ! Il se surprend lui-même car il apprend dans des domaines qui lui étaient jusque-là inconnus : « J’utilise des techniques anciennes et je fais des économies car un tel chantier, confié à une entreprise, serait très onéreux. Chaque fois que je pars en balade, j’ai mon mètre dans la poche. J’observe la façon dont sont placées les pierres des portails romans, par exemple, et la manière dont elles ont été assemblées. L’histoire des gestes n’est qu’un éternel recommencement ».
Pour l’instant, il tient son “calendrier”. Les bâtiments de l’aile droite ont trouvé une nouvelle jeunesse, les cheminées monumentales seront bientôt restaurées et les meurtrières mises en valeur. Reste à recréer la galerie d’antan. Non loin, des tombes médiévales ont été mises à jour sous le regard attentif de la DRAC. De la chapelle, victime d’un incendie à la Révolution, il ne reste qu’un mur et une colonne.
Entreprenant, Jacques Tourneur dresse des projets d’avenir: « Mon rêve serait de reconstruire la tour. Si je gagne au loto, je me fais livrer des tonnes de pierres équerrées ». Si ce n’est pas de l’amour pour le patrimoine, ça y ressemble terriblement ! Dans un mois, il partira pour Montmartre où il s’adonnera à sa deuxième passion, la peinture...

Infos en plus :

• L’histoire de la Commanderie

Grâce au travail réalisé par Anne-Marie Legras, attaché à l’Institut de Recherche et d’Histoire des Textes, on apprend que le plus ancien document concernant la commanderie des Epeaux remonte à 1227. « Il est certain que les Templiers avaient fondé cet établissement longtemps auparavant, dans la seconde moitié du XIIe siècle » précise-t-elle. Elle fut l’une des commanderies les plus importantes et les plus riches de Haute-Saintonge.


Au XIIIe siècle, elle produisait du vin et des denrées dont elle faisait commerce. Par un acte du 13 octobre 1242, le roi d’Angleterre Henri II, alors en guerre contre le roi de France, autorise ses occupants « À transporter et à vendre, jusqu’à la fête de l’Assomption suivant, leurs vins et autres productions sous réserve d’en avertir ses sergents qui font siège à la Rochelle, afin qu’ils assurent la sécurité des charrois ». Les Templiers - dont l’ordre avait été fondé en 1119 par Hugues de Payns - ne vivaient pas que de spiritualité et d’eau fraîche. En terre sainte, ils étaient chargés de protéger les Croisés se rendant à Jérusalem, mais ils étaient aussi des banquiers et des hommes d’affaires avisés. Cette puissance est à l’origine de leur disgrâce sous le règne de Philippe le Bel.
Lors du fameux procès, au début du XIVe siècle, le commandeur des Epeaux de Meursac, Hugues de Narzac, est interrogé ainsi que d’autres frères. Lorsque l’ordre disparaît, ses biens sont donnés à l’ordre des Hospitaliers de Jérusalem.
Au moment de la guerre franco-anglaise, la commanderie de Epeaux souffre et ses revenus diminuent : « La forteresse détruite par les Anglais et refaite par le Commandeur coûte cher à défendre ». À la fin du XVe siècle, elle devient le chef-lieu d’une baillie qui regroupe plusieurs petites commanderies. Un document de cette époque donne des indications sur l’agencement des locaux: « Une chapelle bien entretenue par un frère, Louis des Granges, où étaient célébrées trois messes par semaine, une salle basse, une cuisine, une boulangerie, une prison où il y a basse fosse, un cellier, une cave, des prisons, une étable, un pressoir joignant la chapelle. À l’étage, une vaste salle, des chambres et des greniers, une tour à l’extérieur et une galerie haute ». Ces deux éléments ont aujourd’hui disparu.


Cette galerie haute, Jacques Tourneur aimerait bien la reconstruire. Quant à la chapelle dédiée à Saint-Jean Baptiste, elle a été la proie des flammes durant la période révolutionnaire et il y a fort peu de chances qu’on retrouve un jour « Un calice d’argent doré, une petite croix de bois couverte d’argent, un bras de Saint-Blaze, des cloches dont l’une sert pour l’horloge ainsi des tableaux et deux statues représentant la Vierge et Saint Michel ». Des bâtiments religieux, il ne subsiste qu’une travée de murs et des colonnes qui ne supportent plus que l’espace. Toutes les pierres ont été réutilisées dans les constructions environnantes. Jacques Tourneur a trouvé un fragment de peinture murale dans une demeure voisine.
Un document, conservé à la bibliothèque de Saintes, mentionne le nom du commandeur en 1758 : il s’agit d’Anne Charles Tudert, chevalier de Saint-Jean-de-Jérusalem. Outre le bâti, la propriété comprenait « Jardins, métairies, moulins à eaux, vignes, bois, taillis, hautes futaies, terres labourables et non labourables ».

« Il n’est pas un thème historique qui excite davantage la curiosité du public contemporain que les Templiers » souligne Jean Glénisson. Les écrits sur cet ordre sont nombreux. La fin tragique du dernier maître, Jacques de Molay, qui périt dans les flammes en maudissant la postérité du roi qui l’avait conduit au bûcher, suffit à elle seule, à entretenir le mythe. D’autant que cette malédiction se concrétisa, d’où les fameux “rois maudits“ qui succédèrent à Philippe le Bel...

Photo 1 : Jacques Tourneur restaure la Commanderie des Epeaux depuis plus de trente ans. Les métiers du bâtiment n’ont plus de secret pour lui : voilà qui le change de la télévision ! L’hiver, il rentre à Paris où il peint. Il y a quelques années, il a présenté ses toiles au Cloître des Carmes de Jonzac.

Photo 2 : Une partie extérieure de la Commanderie.

Photo 3 : La fin des travaux n'est pas pour tout de suite

Photo 4 : Une cheminée presque reconstituée.

Photo 5 : L’évier des Templiers.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

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