vendredi 21 novembre 2008

Alexis Blanc : Jeu de chaises musicales en Saintonge,
un choix cornélien


Les élections intermédiaires génèrent régulièrement des choix cornéliens qui en disent souvent long sur l’état de notre démocratie. En effet, depuis la loi de 2000 sur le cumul des mandats, les notables locaux ne peuvent plus cumuler - et même accumuler - à l’envie les responsabilités, titres, fonctions honorifiques, mandats électifs et ce qui s’en suit : indemnités et privilèges.
À l’occasion de l’élection de Daniel Laurent au Sénat lors des élections intermédiaires du 21 septembre dernier, nous avions déjà eu un premier aperçu de la manière dont la question est traitée en haut lieu. Vice-président du Conseil Général, le Maire de Pons était en effet dans l’obligation d’abandonner un mandat suite à son entrée dans la haute assemblée.
Après « des nuits sans sommeil », Daniel Laurent a finalement décidé en octobre de céder son siège de premier magistrat de Pons, qu’il occupait depuis 21 ans après avoir été réélu sans surprise en mars dernier : la seule liste en compétition avait en effet obtenu ... 100% des voix. Le nouvel édile, Henri Méjean, n’est certainement pas déméritant, mais, à 82 ans, il est difficile d’affirmer qu’il incarne le renouveau à l’heure où les États-Unis viennent d’élire un nouveau Président de 47 ans. Ces derniers jours, une autre personnalité a eu à faire face au même choix cornélien. Claude Belot, Maire de Jonzac et Conseiller Général du canton depuis ... 38 ans était également touché par la loi sur le cumul des mandats depuis sa réélection au Sénat où il siège depuis 19 ans. Cette fois, le multi-élu de Saintonge a décidé d’abandonner son siège de Conseiller Général. Le prétendant le plus sérieux à sa succession est Jean-Claude Beaulieu, député de la 4ème circonscription qui, s’il était élu, donnerait corps à la théorie des «chaises musicales», si bien incarnée par Bourvil et de Funès dans le célébrissime film de Gérard Oury, La Grande Vadrouille.
La Grande Vadrouille, version saintongeaise. En effet, Jean-Claude Beaulieu a remplacé l’année dernière Dominique Bussereau en tant que député de la circonscription lorsque ce dernier a été nommé Secrétaire d’État aux Transports dans l’actuel gouvernement.
Non content d’occuper une fonction ministérielle déjà très lourde, Dominique Bussereau a cependant souhaité être élu Maire de la commune de Saint-Georges-de-Didonne en mars dernier, mandat dont il a démissionné 15 jours après lorsqu’il a constaté, à sa grande surprise, que la majorité du Conseil Général restait à droite.
C’est ainsi que, par un arrangement dont l’histoire charentaise maritime a le secret, Dominique Bussereau a réussi à conquérir la Présidence du Conseil Général en lieu et place de Claude Belot qui dirigeait le département depuis 1994.
Dans ce jeu de chaises musicales à trois, le suppléant Beaulieu remplace le député Bussereau devenu Secrétaire d’État, qui remplace le Président Belot qui, devenu sénateur, cède sa place au candidat Beaulieu qui doit le remplacer : la boucle est ainsi bouclée.
Quand l’histoire se répète et se ressemble !
L’histoire prend encore plus de saveur lorsque l’on se remémore que, déjà en 2002, Jean-Claude Beaulieu avait à son tour dû faire face au même choix cornélien qui frappe tous ceux qui cumulent les mandats. Suppléant de Dominique Bussereau à l’Assemblée Nationale, il l’avait remplacé lorsque ce dernier avait été nommé Secrétaire d’État aux Transports, cette fois dans le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin. Mais, déjà vice président du Conseil Régional de Poitou-Charentes, il avait dû choisir et abandonner un mandat local. C’est ainsi qu’il démissionna en 2002 de sa charge de conseiller municipal de Jonzac qu’il occupait depuis 1977.
En 2008, c’est pour mieux y revenir, mais cette fois, au niveau du canton. Dans un récent article de presse, Jean-Claude Beaulieu déclare ainsi qu’il s’agit là « d’un nouveau challenge », poursuivant : « C’est le seul mandat qui me manque. (...) Ce qui m’intéresse, c’est d’œuvrer pour faire des choses (...) Les palais de la République sont très beaux, on y est toujours très bien reçu, mais on y est coupé de la réalité ».
On peut certes argumenter en expliquant que le type de situation décrite ci-dessus résulte d’abord du choix des électeurs. Mais c’est ne pas prendre en compte le poids des réseaux, l’habilité douteuse de certains hommes politiques et, il faut bien le reconnaître aussi, le peu de mémoire, parfois, du corps électoral.
Notre démocratie réclame de nouvelles pratiques politiques. Nous avons besoin de représentants plus jeunes, qui ne soient pas des professionnels de la politique politicienne, mais des citoyens compétents, engagés dans la défense de leur territoire et de leurs concitoyens, et charpentés par des valeurs solides. Il ne tient qu’aux électeurs d’imposer cette nouvelle donne.

Par Alexis Blanc, Président du Mouvement Démocrate de Charente Maritime.

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