lundi 20 janvier 2025

Saintes/ Abbaye aux Dames : Concert exceptionnel, Stabat Mater de Clémence de Grandval

Le Grand Chœur de l'Abbaye aux Dames de Saintes donnera les 31 janvier à La Rochelle et 1er février à Saintes un concert exceptionnel sous la direction du grand chef Michel Piquemal.

Il s'agit du Stabat Mater de Clémence de Grandval, compositrice féminine du XIXème siècle, donné ici dans une version originale piano et accordéon. Guillaume Corti sera au piano et Frédéric Langlais à l'accordéon (accordéoniste de renom, venu habiter dans le nord Charente), avec des artistes lyriques de la région : Alice Macron, Svetana Juchereau et Fabrice Maurin. Cette œuvre magnifique met à l'honneur les femmes artistes trop longtemps dans l'oubli.

• Stabat Mater, une œuvre de talent

Ce Stabat Mater, crée le 23 février 1870 à Paris, jouit rapidement d’un grand succès. Dès 1872, il fait partie des publications auxquels souscrit la direction des Beaux-Arts pour qu’elles soient distribuées dans les conservatoires, maîtrises ou bibliothèques. Le jeune Vincent d’Indy, encore étudiant, en évoque les débuts dans son journal, le 24 février 1870 : « Hier je suis allé chez Madame de Grandval, où le Tout-Paris artistique était réuni, pour entendre son nouveau Stabat, qui est une œuvre de talent, exécutée dans la perfection par les solistes, 12 choristes, Mme de Grandval au piano et Saint-Saëns à l’orgue »…

Avec cette œuvre, Clémence de Grandval s’inscrit dans la lignée de la musique française du XIXème siècle. Sa réduction d’orchestre pour piano et harmonium n’est pas sans rappeler la Petite Messe Solennelle de Rossini, mais aussi les œuvres de Charles Gounod. Elle sera présentée dans sa version piano et accordéon.

Le Stabat s’inscrit comme une œuvre qui demande des moyens techniques considérables aux instrumentistes et solistes. La partie de piano est redoutable, les différents airs, duo, trio, quatuors de solistes exigent une grande amplitude vocale. Cette exigence, qui pourrait surprendre l’auditeur devient évidence lorsque l’on sait que Camille Saint Saëns admirait profondément tant les qualités de claviéristes que de cantatrice de la compositrice. Le Stabat révèle une Clémence de Grandval à l’inspiration beaucoup plus profonde que ne l’avaient montrée ses pièces de musique de chambre est ses pièces symphoniques concertantes.

• Portrait de Clémence de Grandval (1828 - 1907)

Son apprentissage de la musique commence très tôt. Elle a comme premier professeur Friedrich von Flotow (1812 - 1883), compositeur de multiples opéras, opérettes et musiques de ballet, influencé par Auber, Rossini, Donizetti, Gounod et Offenbach. Pianiste virtuose, elle étudie pendant quelque temps auprès d’un jeune prometteur, Frédéric Chopin, puis son professeur n'est autre qu’un certain Camille Saint-Saens. Ce dernier a dit des mélodies de Grandval « qu’elles seraient certainement célèbres si leur auteur n'avait le tort, irrémédiable auprès de bien des gens, d'être femme ».

Elle est la première lauréate du Prix Rossini pour un oratorio, La Fille de Jaïre en 1880. Après des œuvres de musique sacrée, elle écrit plusieurs opéras comme La Comtesse Eva, La Pénitente, Piccolino et Mazeppa. Elle est un membre influent et généreux de la Société Nationale de Musique. Ses œuvres sont très souvent jouées. Elle publie la plupart de ses compositions sous des pseudonymes différents, comme Caroline Blangy, Clémence Valgrand (par simple inversion de Grand et de Val), Maria Felicita (en hispanisant deux de ses prénoms) et sous Maria de Reiset Tesier (un malin palindrome).

En 1872, elle se produit à la salle Pleyel, à Paris avec une œuvre intitulée Messe Benedictus. Elle écrit également un oratorio, Sainte-Agnès, (1876), ainsi qu'un poème lyrique pour solistes, chœur et orchestre intitulé La Forêt. Elle compose aussi de nombreuses mélodies. Il ne faut pas oublier qu’elle était aussi cantatrice et qu’à ce titre, elle peut se produire sous couvert de membre de la Société nationale de Musique.

En 1890, elle reçoit le prix Chartier de composition musicale pour ses œuvres de musique de chambre. Son ultime opéra Mazeppa est créé en 1892 au Grand-Théâtre de Bordeaux. Deux ans plus tard à Paris, elle s’accompagne elle-même au piano quand l’opéra est joué salle Pleyel. De sa production musicale intense, il reste peu d’œuvres symphoniques et lyriques, dont beaucoup sont considérées comme perdues.

Eugène de Solière a écrit à son sujet : « La clarté, la concision, la sincérité, voilà les trois qualités qui font durer une œuvre. Mme de Grandval a su les unir, elle n’a pas obtenu le succès mérité et la mélancolie qui se dégage de ses dernières compositions décèle bien les regrets du musicien dont les rêves réalisés ne voient cependant pas la lumière à laquelle ils sont destinés ».

Clémence de Grandval s'est mariée en 1851

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