mercredi 14 octobre 2020

Le Petit Séminaire de Montlieu La Garde : il a accueilli jusqu’à 2000 élèves au XIXe siècle

Au XIXe siècle, le Petit Séminaire de Montlieu La Garde aurait pu rivaliser avec les établissements des grandes villes, Saintes ou La Rochelle. L'histoire s’est arrêtée en 1905 avec la loi de séparation des Eglises et de l’Etat. Ses portes se sont fermées et les immenses bâtiments ont trouvé une nouvelle destination. Ils accueillent aujourd’hui une maison de retraite. Dans la région, certains se souviennent encore de son passé…

Une vue de l'imposant site du Petit Séminaire présentée par Nicolas Morassutti, maire de Montlieu, aux membres de la Société des Archives historiques
de la Saintonge et de l'Aunis samedi dernier
L'ancien Petit Séminaire est aujourd'hui un Ehpad
Succédant à une école de garçons fondée en 1834, le Petit Séminaire de Montlieu, dépendant du diocèse de La Rochelle, a ouvert ses portes en 1847. Jusqu’à 2000 élèves y ont fait leurs études et de nombreuses disciplines y étaient proposées dont le grec, le latin et l’hébreu. Un vrai creuset de transmission de la connaissance ! 
L’abbé Pierre-Théophile Richard, professeur hydrogéologue renommé y enseigna et comment ne pas citer l’abbé Augustin Rainguet qui le dirigea. Auteur de plusieurs ouvrages d'architecture, de littérature, de poésie, de pièces de théâtre, il donnait des cours d'archéologie, d'astronomie, de géologie. Son frère Pierre Damien Rainguet est connu, quant à lui, pour ses études historiques sur la région, toujours consultées par les chercheurs. 
En 1905, la loi de séparation des Eglises et de l’Etat sonna le glas de ce Petit Séminaire dont la bibliothèque (6000 volumes), les mobiliers et objets furent dispersés. 

Le Petit Séminaire apparaît dans ce vitrail de l'église où sont encore célébrées des cérémonies réservées aux pensionnaires de l'Ehpad
La construction du Petit Séminaire a entraîné la démolition de tout le quartier dont l'ancienne église Saint-Laurent du Roch, cimetière et habitations

• Le Petit Séminaire (à travers la présentation faite par Pierre Damien Rainguet dans ses études historiques sur l’arrondissement de Jonzac)

Le Petit Séminaire de Montlieu n’était à l’origine qu’un simple pensionnat de 25 élèves rassemblés, vers 1834 par l’abbé Chauvin, dans un bâtiment élevé sur un terrain dépendant du presbytère, avec l’agrément de Mgr Bernet, évêque de La Rochelle. Aux alentours, se trouvaient de petites maisons qui formaient les restes de l’ancien bourg paroissial de Saint-Laurent du Roch. 
L’établissement ayant connu des accroissements successifs, l’administration diocésaine lui donna pour supérieur, fin 1835, l’abbé Boudinet qui devint plus tard évêque d’Amiens. Il est à l’origine des constructions étendues. 
L’ensemble finit par couvrir tout le plateau d’où le point de vue sur la campagne environnante est remarquable. Plusieurs habitations disparurent pour céder la place à une nouvelle cour, des bâtiments réservés aux plus jeunes élèves et une nouvelle chapelle. 
Une vaste pièce, aménagée au premier étage, était consacrée à la bibliothèque commune destinée aux professeurs et aux étudiants. Elle contenait environ 6000 volumes relatifs aux diverses branches des connaissances humaines. L’histoire et la littérature y prédominaient. Dans la partie théologie, on remarquait quelques anciennes éditions, remontant aux XVIe et XVIIe siècles ainsi qu’une édition nouvelle des Bollandistes (société savante belge fondée au XVIIe siècle par Jean Bolland dont le but premier était l'étude de la vie et du culte des saints). 
Au nord de la grande cour, on apercevait la façade de la chapelle. Son portail édifié en style renaissance, avec une rose au dessus de la porte, a été reconstruit pour s’harmoniser avec le reste de l’édifice, formant une croix latine. Les verrières, offertes par plusieurs évêques et d‘autres bienfaiteurs dont elles portaient les écussons et les chiffres, étaient l’œuvre d’un artisan verrier de Bordeaux. L’abbé Richard (versé dans l’hydrogéologie) a généreusement contribué à l’érection de cet édifice. Une clé de voûte lui était dédiée.
Dans le but d’achever les travaux du Petit Séminaire, l’Evêque de La Rochelle et Saintes fit appel à la générosité des diocésains. 

La chapelle du Petit Séminaire

Les bâtiments édifiés en différentes étapes à partir de 1834 encadraient une très belle chapelle ogivale dont on peut admirer le chœur. L’ensemble du Petit Séminaire était imposant, englobant successivement la cure, l’ancienne église Saint-Roch, le cimetière, le village, soit un coût de construction de plus de 300.000 francs provenant de souscriptions et des deniers du diocèse, sans subventions de l’Etat, du département ou de la commune. 

L’établissement rayonnait dans toute la grande région. Des générations d'élèves l'ont fréquenté (seulement 20% d’entre eux se destinaient à la prêtrise). « C’était une petite université, ici, dans le Sud de la Saintonge » souligne l’historien Marc Seguin. 

Historique exposé par le dr Moreau, médecin coordinateur, et Nicolas Morassutti, maire
En 1906, le Petit Séminaire fut transformé en un hospice de vieillards. Durant la seconde guerre mondiale, les soldats victimes de la tuberculose y furent soignés. 
Transformé en 1992 en maison de retraite médicalisée, c’est aujourd’hui un Ehpad public départemental qui abrite cinq unités de vie. L'une est protégée et reçoit les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Un jardin thérapeutique y a été créé à l’initiative du dr J.P. Moreau, médecin coordinateur, et des responsables : conçu comme une alternative aux médicaments, cet endroit sécurisé permet aux malades d’Alzheimer de déambuler au grand air, en toute sécurité, de garder un lien avec la nature et le monde extérieur. La thèse de médecine de Fanny de Mouro, du CHU de Bordeaux, a été consacrée à ce sujet. 

Ainsi s’écrit l’histoire de ce lieu haut perché de Montlieu La Garde et celle des hommes et des femmes qui s’y sont succédé. Une belle histoire en vérité que ce Petit Séminaire qui mérite un éclairage particulier !

L'église Saint Laurent du Roch aujourd'hui disparue

• L’église St-Laurent du Roch, qui menaçait ruine, a été détruite en 1852 pour céder la place à la nouvelle chapelle du Petit Séminaire édifiée en 1860 sous la direction de l'architecte Gustave Alaux. Pendant la guerre 1914-1918, l'édifice religieux servit de magasin militaire. 
Des offices sont toujours célébrés dans cette église pour les résidents de l’Ehpad. On peut en admirer le chœur, les peintures murales et les vitraux dont l’un représente le Petit Séminaire. Des travaux de restauration (lutte contre l’humidité, sauvegarde des décors) sont envisagés par la direction. 

La chapelle est victime de l'humidité. Ses décors peints sont à protéger 


• En 1906, l’ensemble des biens du Petit Séminaire fut dispersé. Des riverains réussirent à sauver quelques éléments dont, entre autres, la châsse de Saint Ixile (aujourd’hui dans l’église paroissiale) et un herbier que le maire de Montlieu La Garde, Nicolas Morassutti, a montré aux membres de la Société des Archives historiques de l’Aunis et de la Saintonge lors de la présentation des témoignages encore visibles du Petit Séminaire, aux côtés du dr Moreau. 

Herbier du Petit Séminaire sauvé par un riverain

• Les deux miracles d’ixile !

C’est en juin 1855 que l’établissement reçut en grande pompe son "protecteur" Saint Ixile, martyr de 13 ans dont le corps avait été découvert dans les catacombes de Rome par Mgr Castellani, évêque de Porphyre. Toute la population de Montlieu et des communes environnantes accompagna la châsse de Saint Ixile jusqu’au Petit Séminaire avec musique et chorale.
Ixile est à l’origine de deux miracles : qu’il soit venu d‘Italie à Montlieu et qu’il ait survécu aux aléas de l’histoire à une époque où, en France, les relations entre les catholiques et les laïcs étaient très tendues…

La châsse de Saint Ixile se trouve dans l'église paroissiale
• Cimetière vandalisé

En contrebas, se trouve le cimetière du Petit Séminaire, malheureusement vandalisé
Visite des lieux par la Société des Archives Historiques que préside Pascal Even

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