• Il va faire appel du jugement prononcé par le Tribunal administratif de Poitiers
Benoît Biteau, agriculteur bio en Aunis, n'appartient pas au mouvement écologiste et pourtant, l'une de ses priorités est de cultiver de manière raisonnée en protégeant l'environnement. Il n'en est guère remercié ! Depuis quelques années, il ne perçoit plus les aides qui lui sont dues (les services de l'État refusent de lui verser 5 années d'aides à l'agriculture biologique). Pour le soutenir, une pétition a été mise en place à l'intention du Ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, et de son directeur de cabinet Philippe Mauguin. Objectif : tirer la sonnette d'alarme. Cette pétition (change.org) a été initiée par Gérard Dupin, président cofondateur de l'association Ruralimages et Stéphanie Muzard, réalisatrice de films documentaires agriculturels.
« Alors que l’agriculture bio est mise à mal, pourquoi les orientations de la nouvelle Politique Agricole Commune (PAC), les aides des agences de l'eau, continuent-elles de soutenir les utilisateurs d'engrais de synthèse, de pesticides et de toxiques dénommés pudiquement "phytosanitaires", pourtant présentés par Stéphane Le Foll récemment comme de "véritables bombes à retardement" ? » s'interrogent-ils.
Benoît Biteau ne comprend pas ...
« Le salon de l’agriculture arrive à grand pas, l'actualité regorge de décisions concernant l’irrigation et le stockage de l'eau et d'informations dans l'usage des budgets des Agences de l'Eau dédiés à l'agriculture, bafouant le principe pollueurs-payeurs. L'appel à faire le choix de l'agro-écologie, ne peut se réduire à une incantation ! Il faut maintenant donner aux paysans les moyens de cette ambition. Par l'expérience de ma ferme, je ne comprends pas les incohérences d'attribution des aides publiques aux modèles agricoles les plus vertueux ! Fort du soutien des 33 000 signataires de la pétition, je vous propose de relayer la volonté, clairement exprimée, d'évolution des politiques publiques vers une agriculture citoyenne, responsable et humaniste » déclare-t-il. Pour lui, le rejet de sa requête au Tribunal Administratif de Poitiers, le jeudi 12 février dernier, constitue « une incompréhension ». « Ayant peu l'habitude du monde judiciaire, je n'avais pas réuni toutes les pièces nécessaires. Je ne compte pas en rester là puisque je vais faire appel de ce jugement auprès du Tribunal administratif de Bordeaux. J'ai deux mois. Cette fois-ci, je vais constituer une équipe dont fait partie Jean-Marie Gilardeau, spécialiste bien connu du droit rural » ajoute cet agriculteur qui est également vice-président du Conseil Régional. « Je ne suis pas le seul en France à vivre cette situation, c'est pourquoi il est important de faire entendre nos voix. J'espère que le bon sens triomphera ! ».
Il raconte son histoire
« Depuis mon installation en agriculture en mars 2007, à Sablonceaux (Charente-Maritime) sur une ferme conduite jusqu’alors en monoculture maïs irrigué par une personne et son salarié depuis 35 ans et sur laquelle il a été possible de réaliser quatre installations et de créer cinq emplois salariés sur trois structures différentes, la mobilisation des aides PAC s’avère être un véritable parcours du combattant ! A l’inverse, ceux qui continuent de dévaster les équilibres, les ressources et l’eau en particulier, la biodiversité, le climat, la santé, l’avenir des générations futures, et l’espoir d’atteindre la souveraineté alimentaire en détruisant la capacité à produire le terre (avec un petit t) et de la Terre (avec un grand T) perçoivent leurs aides jusqu’aux derniers centimes et toujours avant le 31 décembre ! Car depuis 2007, au-delà de créer des emplois, des évolutions vertueuses et responsables ont été conduites sur cette ferme :
• Réduction importante de l’irrigation, pour totalement arrêter en 2011
• Arrêt de l’utilisation de semences hybrides ou sélectionnées par les firmes semencières et développement de variétés "population" pour toutes les espèces, pour atteindre l’autonomie génétique avec des productions intégralement dédiées à l’alimentation humaine (blé panifiable, seigle panifiable, épeautre panifiable, pois chiche, pois vert, sarrazin, lentille, etc). 
• Recréation de prairies dans les fonds de vallées et valorisation des prairies naturelles patrimoniales des marais de la Seudre.
• Retour de l’élevage avec des races locales et à faibles effectifs (vache maraîchine, chèvre poitevine, cheval de trait poitevin, baudet du Poitou) élevées dans un modèle exclusivement herbagé et en plein air.
• Transformation et commercialisation à la ferme des produits issus des élevages (viande de chevreaux, veaux, bœufs, fromages de chèvre).
• Plantation de 1000 arbres par an en agroforesterie
• Certification de toutes les productions en Agriculture biologique.
Justement parce que l’agriculture n’est pas une activité que l’on pose au milieu de nulle part, il est fondamental d’intégrer notre environnement social, écologique et économique pour bâtir notre projet. Justement encore parce que l’agriculture est lourdement soutenue par l’argent public nous devons restaurer le contrat moral avec la société civile qui permet cet accompagnement et qui réclame des pratiques agricoles responsables et vertueuses.
Aussi, quand on choisit de devenir agriculteur sur le bassin versant de la Seudre, je considère que la responsabilité de l’agriculture doit satisfaire la pérennité de l’ostréiculture en Marennes-Oléron et de la pêche au large, la préservation des prairies humides patrimoniales, la qualité des eaux de baignade et c’est dans cette logique-là que j’ai déployé mon projet agricole et que j’ai sollicité les aides publiques disponibles destinées à accompagner ces initiatives et que j’ai tant de mal à percevoir.
Benoît Biteau, un agriculteur qui se bat pour la protection de l'environnement. Il est par ailleurs vice-président du Conseil Régional |
à l’Agriculture Biologique en 2011
La circulaire du 16 mai 2011, lors du bilan de santé de la PAC, fait basculer l’ensemble des aides à l’agriculture biologique dans le régime des aides directes (premier pilier), rendant ainsi éligibles les fermes biologiques à des mesures agri-environnementales (MAEt) (second pilier) complémentaires à la pratique de l’Agriculture biologique.   
« La mesure désirrigation s’inscrit dans ce schéma. Pour les exploitations engagées dans un mode de culture biologique, le dispositif permet de mobiliser des engagements unitaires spécifiques (bio maintien ou bio conversion ) combinés avec d’autres engagements. Ainsi, un exploitant en conversion à l’Agriculture biologique ou en maintien bénéficie des mêmes opportunités que celles offertes à l’agriculture conventionnelle. Enfin, les règles de gestion des aides sur le premier pilier permettent de proposer le dispositif de soutien à l’Agriculture biologique sans plafonner cette aide par exploitation contrairement aux MAE », courrier de Stéphane Le Foll adressé le 6 septembre 2012.
Ces avancées concrétisent donc une réelle volonté de développement d’une agriculture plus vertueuse en général et de l’Agriculture biologique en particulier. En revanche, dans les faits, l’application de cette volonté bute sur des fantaisies d’instruction.
Le 15 mai 2011, j’engage donc 75, 01 hectares de la ferme dans une MAEt désirrigation, permettant l’effacement définitif de 136.131 mètre-cubes de prélèvement d’eau d’irrigation sur l’emblématique bassin versant de la Seudre qui subit de forts déséquilibres quantitatifs et de sévères dégradations qualitatives liés à l’irrigation du maïs. Le bilan de santé de la PAC en 2011 permet d’envisager de cumuler cette MAEt avec le soutien à la conversion à l’agriculture biologique, dont les enjeux sont parfaitement complémentaires.
Les 9,73 ha de ces surfaces engagées sont concernées par des aides à la conversion à l’Agriculture biologique jusqu’en 2012. Basculés au premier pilier de la PAC, ils sont pourtant exclus de cette MAEt, au motif qu’ils sont... en conversion à l’Agriculture biologique ! Incroyable, non ? C’est donc à nouveau une aide de 2 461,69 € pendant 5 ans, soit 12 308,45 € qui ne sont pas versées à l’EARL Val de Seudre Identi’Terre, entre 2011 et 2015, de manière parfaitement arbitraire et décalée avec les évolutions réglementaires permises par le bilan de santé 2011 de la PAC.
Les 65,28 ha de ces surfaces ont été convertis depuis le 1er mai 2008 à l’agriculture biologique, sans aucune aide en raison des règles de plafonnement alors en vigueur. Ils ont donc été retenus éligibles à la MAEt désirrigation. Mais repoussés de l’aide au maintien à l’Agriculture Biologique pourtant rendu possible, sans plafonnement et en cumul des MAEt, grâce au bilan de santé 2011 de la PAC (copie du courrier de Stéphane Le Foll). C’est donc d’un montant d’aides de 6 528 € par an pendant 5 ans, soit 32 640,00 € dont l’EARL Val de Seudre Identi’Terre est privée par cette instruction extravagante. Ces deux soutiens sont pourtant parfaitement complémentaires et rendus compatibles par les évolutions de la PAC en 2011 et représentent un montant total en souffrance sur ma ferme de 44 948,45 €. Pour info, ces aides à la désirrigation financent, sur ma ferme, la fermeture effective et définitive depuis 2011 de 4 forages d'irrigation représentant un volume total annuel de 136161 mètres cubes, rendus à la Seudre.
Pour comparaison, le stockage, dans une retenue de substitution, de ce même volume, mobiliserait exactement 559168 euros d'argent public pour continuer d'irriguer! Et seraient aisément attribués. Pour mémoire et au-delà de cette situation particulière, sur la période 2007-20015, c’est une somme totale cumulée de 64 217,98 € qui fait défaut au bon fonctionnement de l’EARL Val de Seudre Identi’Terre. J’avais pourtant cru comprendre que l’émergence de l’agroécologie, le soutien à l’Agriculture Biologique, à l’élevage et à l’installation étaient les priorités de la politique agricole française ? »...
« Il manque dans ma trésorerie 60.000 euros. Heureusement, mon banquier est compréhensif »... |
Lettre de Stéphane Le Foll |
1 commentaire:
Excellente analyse à diffuser le plus largement possible. Merci.
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