Ils ne manifestaient pas pour Charlie et la liberté d’expression, mais pour leur avenir professionnel. En effet, le maire de Saintes a été clair : des coupes budgétaires auront lieu tant sur les associations que les centres sociaux. Reste à savoir quelle en sera « l’ampleur ». Des chiffres ont été avancés par la presse qui ont fait monter l’adrénaline.
Quels que soient les événements, rien ne sera plus « comme avant », mutualisation oblige, et des trois directeurs actuels (Boiffiers-Bellevue, Belle Rive et la Fenêtre), il ne devrait rester qu’une direction pour chapeauter les structures. Dans ces conditions, l’agrément de la CAF ne permettra plus de débloquer trois financements distincts, mais un seul. D’où les inquiétudes légitimes des salariés qui veulent savoir à quelle sauce ils risquent d’être mangés.
Nombreux craignent des licenciements et se pose cette question délicate : si le cas de figure envisagé par le maire de Saintes, dont on sait qu’il entend gérer sa ville comme une entreprise, se concrétise, qui dirigera les centres sociaux ? L’un des trois directeurs actuels ? Ou bien une nouvelle personne qui irait dans le sens de l'équipe municipale ? « Ne plus aider les centres sociaux, c’est laisser des gens qui sont sur le bord du chemin dans un désarroi encore plus grand. Nous faisons un travail important pour les habitants des quartiers et nous contribuons certainement à leur stabilité. Si Jean-Philippe Machon touche à ce système, il peut ouvrir la boite de Pandore » souligne un participant.
La mairie, quant à elle, estime qu’au-delà des équilibres nécessaires, il y a un véritable management à opérer. « Parfois, il faut savoir réorganiser pour un meilleur fonctionnement, on y gagne en efficacité. Ce n’est pas la première fois que le regroupement des trois centres sociaux est évoqué mais jusque là, aucun maire n’a voulu passer des paroles aux actes » explique un ancien élu.
Conséquence : les deux camps évoluent sur des planètes différentes et il semble bien difficile de les réunir…
Rassemblement devant le palais de justice |
Pancartes, hauts parleurs, sifflets |
« On fait courir de faux bruits sur les salaires des directeurs »
Vendredi, les audiences du Palais de Justice ont dû être quelque peu troublées par le bruit. Les manifestants avaient sorti pancartes et slogans, sifflets, hauts-parleurs et musiques variées. La ville, habituellement sereine en l’attente du week-end, avait des airs de contestation. Certains commerçants affichaient leur surprise, ignorant l’origine de cette « agitation ».
Au pied des marches, les responsables du rassemblement ont expliqué la situation. Leur message rejoignait le communiqué officiel : "La municipalité de Saintes a pour intention de mutualiser les centres sociaux Belle Rive et Boiffiers-Bellevue et la maison de quartier de la Fenêtre et de diminuer de façon drastique les subventions. Ce projet met en péril l’existence même de ces trois structures. Chacune intervient sur un territoire précis et s’adapte à ses particularités. Elles y construisent avec les habitants des actions adaptées à leurs réalités pour améliorer le vivre-ensemble. Complémentaires, elles sont des acteurs incontournables du développement social, économique et culturel de Saintes".
« Nous manifestons notre désaccord face au réaménagement que veut faire la mairie, trois centres en un. Nous, on ne veut pas ». Selon les informations qui circulent, la coupe budgétaire serait de 320.000 euros (associations et centres sociaux).
Et Stéphane Goulevant, directeur des Boiffiers-Bellevue, d’enchaîner : « la mairie veut supprimer deux postes de directeurs. Jean-Philippe Machon n’a pas eu le courage de nous le dire en face. Nous sommes dans un état de sidération. Avec un seul directeur pour gérer l’ensemble des centres sociaux, il y aura un seul agrément, un seul financement et des dotations plus faibles. Que vont devenir les 45 salariés des centres ? La dynamique que nous insufflons depuis des décennies sur Saintes va s’en ressentir. Le maire ne partage pas la même vision de l’entraide que nous ».
Une réunion organisée le 4 février dernier en présence des « parties » a dressé les grandes lignes de l’action municipale dont la priorité est d’alléger les coûts. Par les temps qui courent, Saintes ne fait que suivre les autres collectivités, à commencer par le Conseil général qui réduit ses « enveloppes » partout où il le peut.
Une représentante prend la parole et dit tout haut ce qui se dit tout bas : « Aujourd’hui, on entend dire en ville que les directeurs des centres sociaux perçoivent 5000 euros par mois, plus que l'indemnité du maire. C’est de l’intox pour préparer la population à ce qui va suivre. On veut nous faire passer pour des profiteurs et on mène contre nous une campagne de délation. Nous sommes dans le collimateur ainsi toute la vie associative de Saintes. Quelles seront les subventions de l’Abbaye-aux-Dames par exemple ? Assez de menteries ! Nous, les centres sociaux, nous ne sommes que le début de la liste. Il faut se serrer les coudes ». Ses déclarations sont suivies d’applaudissements.
Le cortège se rend à la mairie |
Le cortège se rend ensuite à l’hôtel-de-ville où personne n’attend la délégation. C’est le chef de cabinet du maire, Loïc Pelloud, qui reçoit le groupe tandis que le gros des troupes reste à l’extérieur. Il y a un moment de flottement où l’on se demande quelle suite sera donnée à la demande d’entretien. Finalement, Stéphane Goulevant et Brigitte Roche reçoivent l’autorisation de participer au comité de pilotage.
Pendant ce temps-là, les conversations vont bon train à l’accueil : « c’est notre existence même qui est remise en cause. Actuellement, on navigue à vue » déclare Aline Carrillo. Elle s’est battue pour le centre social de Belle Rive et aujourd’hui, elle ne comprend pas « ce jeu politique » qui brouille l’avenir. Certains annoncent le départ d’un tiers du personnel (soit une quinzaine d'emplois). Ce que dément le maire Jean-Philippe Machon.
La délégation reçue par Loïc Pelloud |
Lors de cette fameuse rencontre, Jean-Philippe Machon a effectivement parlé des centres sociaux et annoncé la couleur : il souhaite qu'ils apprennent à travailler ensemble, sans pour autant remettre en cause leurs existences respectives. En aparté, une économie de 144000 euros, soit l’équivalent du coût des salaires de deux directeurs (avec charges), serait recherchée, mais il s'agit pour l'instant d'un "bruit". Les personnels des centres ne devraient pas être concernés par ces mesures. Globalement, l’enveloppe des subventions allouées serait réduite de 11%.
« Jean-Philippe Machon a dit qu’il n’augmenterait pas les impôts, ce qui explique pourquoi il fait des ajustements. Nous devons être vigilants » remarquent les responsables des centres sociaux. S’ils ne se font pas d’illusion, ils n’entendent pas se faire "mutiler" sans voix élever…
Reportage/photos Nicole Bertin
• Les directeurs des centres sociaux : Saintes Boiffiers-Bellevue Stéphane Goulevant ; Mathieu Morin Maison de quartier de la Fenêtre ; Aline Carrillo directrice du centre social de Belle Rive.
• Pourquoi une réunion publique plutôt qu’un débat en conseil municipal ? Lors de la réunion de vendredi soir, deux élus de l’opposition, Jean-Pierre Boutet et François Ehlinger ont remercié le maire pour la qualité de la présentation concernant les axes du budget 2015 de la ville de Saintes. Toutefois, ils ont fait remarquer au premier magistrat que ce débat aurait dû avoir lieu en priorité au conseil municipal. « Si je comprends bien, c’est une répétition » a souligné Jean-Pierre Boutet Petit, en l’attente du grand oral qui aura lieu le 18 février prochain à la mairie.
L'intervention de J.P. Machon à l'Abbaye aux Dames |
Jean-Pierre Boutet Petit et François Ehlinger, élus de l'opposition |
1 commentaire:
Une commune qui s'en prend aux Centres sociaux, ce n'est pas tout à fait une nouveauté : deux autres petites villes l'ont fait récemment. Il s'agit de Beaucaire (Front National), et Fréjus (front national). Et Saintes ?
Une commune qui rabote les budgets sociaux, les dotations aux associations (allez vous faire mécéner, dit M. Machon) et les subventions à la culture, ça vous a des relents qui sentent mauvais : L'Allemagne des années 30, par exemple, ou encore l'État français sous l'occupation.
Bien entendu, il besoin de sous, le maire, pour financer le doublement de la police municipale (mais Saintes n'est pas Chicago !) et ses caméras de vidéosurveillance dont l'efficacité est fortement mise en doute par les villes qui, les premières, l'ont testée.
La politique de la peur ey de la répression d'un côté (celui du maire), la politique du développement du pouvoir d'agir et de la mixité sociale de l'autre (les Centres sociaux), voilà l'alternative.
Soutenons le combat des Centres sociaux et leur identité !
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