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samedi 31 mai 2008
Forum de l’emploi, Claude Belot : "La Haute-Saintonge revient de loin"
Mardi dernier, le Forum de l’Emploi organisé aux Antilles par la Maison de l’Emploi, avec le soutien de la Communauté de Communes de Haute Saintonge, s’est terminé par une conférence sur le thème du recrutement.
Organiser une conférence au Théâtre du Château alors que le forum se tenait aux Antilles était un défi qu’ont relevé Jean-Michel Rapiteau, président de la Maison de l’Emploi, Florence Laborde, directrice et les partenaires de cette rencontre. La salle était (presque) pleine et de nombreux chefs d’entreprises avaient répondu présent. Une délocalisation réussie, en quelque sorte !
Sur l’estrade, prirent place Claude Belot, président de la CDCHS, François Sammartino, directeur de l’ANPE, Georges Favre, directeur de la station thermale, Sybille Destouches, responsable de l’agence Manpower et Jacques Galliari, conseil en management et animateur du débat. Dans un exposé, ce dernier détailla le thème de cette réunion : comment réussir un recrutement ? "Les ressources humaines sont cruciales pour les années à venir" souligna Jean-Michel Rapiteau. En effet, le choix du personnel, donc d’une équipe, est déterminant pour la bonne marche et le développement de l’entreprise. Choisir le bon collaborateur est un moment délicat, les éléments d’un CV ne suffisant pas à prouver efficacité et
compétence ! "Recruter est un métier" rappela Jacques Galliari. Il conseille d’anticiper les situations - donc de prendre le temps nécessaire - en s’adaptant aux réalités du terrain afin d’éviter une embauche dans l’urgence.
Où trouver la bonne personne ?
Le témoignage de Frédéric Rousseau, de l’entreprise Rousseau-Touret de Chermignac, attira l’attention. Né dans la restauration, il a d’abord cherché sa voie - comme beaucoup de jeunes - avant de travailler à Saintes, à la boulanger Albert. "Mon patron passait du temps avec ses apprentis. Malheureusement, son commerce a fermé en raison des grandes surfaces" se souvient-il. Il changea alors de cap et devint chef de chantier à Pons, puis à Bordeaux en utilisant la voie royale qu’est l’intérim : "elle permet d’approcher différents métiers". Un beau jour, il se lança et créa sa propre entreprise de maçonnerie. Chose faite en 2001. Quand vint le moment de recruter un collaborateur, spécialiste du “plaquo“, il se posa des questions...
C’est là que David entra en scène. Cet ancien journaliste, passionné de cinéma, avait tourné la page pour se consacrer au métier de monteur plaquiste. "Dès l’obtention de l’examen clôturant ma formation à Rochefort, j’ai reçu trois propositions d’emploi. Il n’en a jamais été de même dans mon ancienne profession"avoua t-il avec réalisme !
Bref, les deux hommes étaient faits pour se rencontrer et ils travaillent ensemble depuis 2005. L’entreprise, implantée près de Saintes, compte quatre salariés et des apprentis. "Quand on élève le niveau, on travaille dans le calme" admet Frédéric Rousseau.
Il ne faut donc pas avoir peur de changer de direction. Dans ce domaine, les Français sont moins audacieux que les Anglo-saxons. Autre point sensible du système : on peut avoir un excellent cursus, comme David, et ne trouver aucun poste dans le créneau choisi (la presse). "Nous sommes dans une période de mutation profonde et les femmes elles-mêmes arrivent dans le secteur du bâtiment" remarqua Jacques Galliari.
Vivons mobiles !
Voilà encore un défaut des Français, ils n’aiment pas s’éloigner de leur cocon ! François Sammartino cita quelques exemples révélateurs où, pourtant, se trouvait un CDI à la clé.
Aux chefs d’entreprises, il lança un appel : "si j’ai une dizaine d’employeurs intéressés par des formations, je serai plus fort pour demander les moyens nécessaires. Nous pouvons nous mobiliser rapidement". Il s’agit de contrats en alternance, de stages collectifs pour une meilleure adaptation aux postes de travail : "l’employeur doit accepter de s’engager dans des processus".
De leur côté, les responsables de la Maison de l’Emploi (qui réunit des services autrefois éparpillés dans la nature) ont contacté les entreprises de la région pour en cerner les besoins, par filières. L’objectif est de faire correspondre l’offre et la demande. En effet, un nombre important de personnes inscrites à l’ANPE sont non qualifiées ou qualifiées dans des domaines qui ne correspondent pas aux offres d’emploi.
Pour Claude Belot, "ce territoire revient de loin". Présidant à sa destinée depuis des décades, il est bien placé pour en parler ! Il n’y a pas si longtemps, le chômage y était de 15 %. Aujourd’hui, à 6,75 %, il a baissé de moitié (le plein emploi se situe à 5 %). Sur une population de 57.000 habitants à l’échelon de la CDCHS, 22.000 postes de travail sont occupés, soit 37 % d’actifs (1).
Le nombre de demandeurs d’emploi est actuellement de 1400 dont 80 chômeurs de longue durée. Cherchant à les réinsérer, le président a fait réaliser un recensement : qui étaient-ils ? "J’ai découvert que beaucoup travaillaient en intérim. Les chômeurs de longue durée sont nombreux qu’on peut le supposer".
Actuellement, les efforts de la Maison de l’Emploi portent sur la recherche de main d’œuvre qualifiée. La première conséquence de cette pénurie est le “silence“ des entreprises face aux appels d’offres : elles n’y répondent plus car elles ont trop de chantiers et pas assez de salariés. "Il faut nous interroger sur les gisements et sans doute serons-nous appelés à rechercher à l’extérieur" souligna l’élu.
Il est vrai que les Thermes recrutent des kinésithérapeutes espagnols !
La disponibilité du personnel est déterminante : "au Casino et aux Antilles, il y a des roulements durant le week-end. Une hôtesse d’accueil ne doit pas arrêter de sourire le vendredi à 17 heures".
Claude Belot en profita pour lancer un appel en faveur des personnes se trouvant au RMI. Le Conseil général facilite leur réinsertion : "il existe de bons exemples de chaînage entre le chantier d’insertion et l’entreprise". Il cita l’exemple de l’atelier de Luc Laffargue et ses tailleurs de pierre.
Il est à noter que le RSA (Revenu de Solidarité Active) sera bientôt opérationnel sur le territoire de la Haute-Saintonge.
Avant de se séparer, les intervenants s’accordèrent sur un certain nombre de points : entretenir des rapports solides et constants avec les employeurs, organiser des réunions thématiques en partenariat avec l’ANPE et la Maison de l’emploi et enfin développer l’outil GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences).
Forte en couleurs et en projets, la Haute Saintonge a de l’avenir. "Je suis venue à Jonzac car les propos y sont porteurs et optimistes" disait, en sortant, une conseillère municipale de Montendre. Qu’ajouter de plus ?
Infos en plus
• Des emplois, il y en a puisque les effets du baby boom se feront ressentir sur le marché jusqu’en 2012 avec de nombreux départs à la retraite.
• Changer l’image du patron exploiteur !
Fréderic Rousseau estime qu’en France, l’image du patron est souvent négative car il est comparé à un exploiteur : « Beaucoup ignorent que nous prenons des risques » ! Et de préconiser un plus grand rapprochement entre l’école et le monde économique. Ceci dit, cette situation découle aussi de la lutte des classes, donc du volet (intox ?) politique : il y a une différence entre les salaires des grands patrons et l’homme courageux qui se décarcasse pour faire tourner la boutique...
1 - Ces chiffres, issues des statistiques de l’Insee, remontent à plusieurs années. On attend bien sûr les prochains !
Photo 1 : Nous ne sommes pas au théâtre, bien que le lieu s’y prête. Deux acteurs de la vie locale : F. Sammartino, patron de l’ANPE et C. Belot. président de la CdC.
Photo 2 : Créer une entreprise : Frédéric Rousseau témoigne…
Photo 3 : Un public intéressé.
Photo 4 : Georges Favre, directeur des Thermes, fait souvent appel à l’ANPE pour ses recrutements. Toute la problématique est de trouver la bonne personne...
Témoignage sur mai 68 :
Cette semaine, nous poursuivons nos témoignages sur Mai 1968 avec James Poirier, inspecteur de l’Éducation Nationale. Évocation et souvenirs teintés d’émotion...
• James Poirier : «Rien ne serait plus jamais comme avant »…
Par chance, j’ai vécu mai 1968 en France, à Bordeaux, entre deux affectations à l’étranger. J’avais 23 ans. Je venais de rentrer d’un séjour de deux années ininterrompues en Polynésie (aux îles Marquises, exactement) et, en septembre 1968, je partais en poste en Côte-d’Ivoire.
J’ai souvent pensé à cet heureux hasard qui m’a permis de vivre pleinement cet incroyable mois de mai 1968, au seul endroit du monde où il fallait le vivre, c’est-à-dire en France et en milieu universitaire. Ceux qui n’ont pas eu cette chance - je l’ai constaté dès octobre 1968 auprès des Français expatriés en Afrique - ne comprendront jamais le grand basculement des mentalités et des mœurs qui est né à ce moment-là dans l’euphorie hédoniste de la jeunesse et qui a inspiré jusqu’aujourd’hui toutes les transformations de notre société.
J’ai vu le monde changer.
Fin 1967, à mon retour des Marquises (où j’avais vécu une expérience unique, complètement coupé de notre civilisation, sans téléphone, ni électricité, ni liaison aérienne), j’aspirais à un bain de modernité. Au lieu de cela, dans le collège de Mérignac où j’avais été affecté comme instituteur faisant fonction de professeur, je retrouvais un monde immobile et ancien, fortement hiérarchisé et ritualisé. Tous les enseignants portaient une cravate et se vouvoyaient entre eux. Les prénoms étaient évidemment inconnus, ceux des profs comme ceux des élèves. L’idée même de changement n’était vraiment pas dans l’air. Pour m’aérer un peu, je fréquentais la faculté des Lettres de Bordeaux où je m’étais inscrit en licence et où, de surcroît, dans cette même université, je donnais des cours de français à la section des étudiants étrangers. Mes fréquentations d’alors étaient exclusivement universitaires et largement cosmopolites. Notre quartier général était le bar “Le New-York“, cours Pasteur, près de l’ancienne faculté des Lettres (actuel Musée d’Aquitaine). Les cours de licence de lettres, je les suivais sur le nouveau campus de Talence Pessac mais, pour les rencontres entre jeunes, les habitudes estudiantines restaient en centre ville. C’est d’ailleurs dans le quartier de la Victoire que j’avais mon logement.
Pour moi, le premier trimestre 1968 fut plutôt joyeux. Les rencontres avec mes étudiantes étrangères (espagnoles, autrichiennes, américaines, japonaises, entre autres) y étaient évidemment pour quelque chose... On ne cherchait pas du tout à changer le monde, seulement à profiter de notre folle jeunesse.
Et puis le joli mois de mai est arrivé. D’un seul coup. Je me souviens du « mot d’ordre » d’occupation de la Fac de Lettres de Pessac qui, un beau matin, a circulé. C’était la première fois qu’une telle chose se produisait ! On se demandait ce que cela pouvait signifier. Je me suis néanmoins empressé d’y souscrire.... Alors, ont commencé les merveilleuses nuits « d’occupation des facs »... ! Quelle ambiance ! Les grèves dans le secteur public m’ayant libéré de mes obligations d’enseignement, j’ai pu me consacrer entièrement à la grouillante conspiration des facs “occupées“, des amphis enfumés où les harangues et discussions se succédaient sans trêve. On voyait fleurir des forums en tous genres, sur tous les sujets possibles : ici un « atelier secret » de préparation de manifs (où n’étaient admis que les initiés ! ah ! mais !), là, en nocturne évidemment, un « cours de sexologie » (le mot est né à ce moment-là) dans un amphi plein à craquer jusqu’au petit matin, sans compter les improvisations de toutes sortes, vaguement politiques ou artistiques, dans un désordre permanent qui enchantait ceux qui s’y plongeaient. Les plus politisés rapportaient quotidiennement de Paris les « tendances du mouvement », et l’on voyait là, tout un monde de jeunes soudain grisé par sa prise de parole.
Ce fut pour moi le plus grand et le plus bel événement de mai 1968. Personne ne nous avait préparé à cela. Et soudain, on se parlait avec une liberté et une facilité incroyables. Nous sentions le monde à notre portée car, nous qui avions été des adolescents si sages, nous pouvions enfin, à voix haute, inventer à plusieurs le monde que nous portions en nous, même sans le savoir. Tout à coup, parler n’était pas seulement communiquer avec ses semblables, mais accéder à sa propre pensée. Un voile séculaire s’était déchiré. Nous sentions qu’il ne pourrait jamais se refermer. Dans ce beau mois de mai, la météo et l’espoir étaient de notre côté, nous nous sentions infiniment légers, irrésistibles et définitivement libres.
Les péripéties qui faisaient la une des journaux et des écrans télévisuels (manifs en ville, barricades rue Sainte-Catherine, charges de CRS, etc) n’étaient pour nous qu’un petit divertissement, nécessaire et intense, une sorte de détente sportive, qui ne constituait qu’un bref épisode du grand mouvement que nous vivions alors. Pour nous, l’essentiel était la déferlante qui peuplait nos nuits et nos esprits. Chaque jour, nous inventions l’avenir et nous vivions un quotidien savoureux. Une après-midi de « sortie sportive », place Pey Berland, dans la bousculade, une grenade lacrymogène atterrit dans les magnifiques cheveux de ma copine d’alors. En moins d’une seconde, j’arrache l’engin fumant (et avec lui une grosse touffe de cheveux bruns), permettant à la grenade d’exploser un peu plus loin, sans doute dans les jambes de ceux qui nous suivaient... Ce genre de petites émotions suffisait à égayer nos soirées de mai et à nous faire croire à la révolution !
La vie ne nous pesait pas et l’avenir encore moins.
En juillet 1968, ma copine et moi, nous étions au Festival d’Avignon. Là, dans la chaleur des nuits d’été de la Place de l’Horloge, refleurissait la parole, comme en mai, libre, chaleureuse, polémique, souveraine. La vraie vie, c’était nous. C’était alors une évidence.
Au-delà de la réjouissance immédiate (qui fut ininterrompue pendant plusieurs semaines), j’ai vécu cette expérience comme un soudain épanouissement collectif, intense, joyeux, irréel.
On se sentait porté par une vague infinie. Une expérience dont nul ne saurait guérir. Nous le savions déjà : rien ne serait plus comme avant.
Infos en plus : James Poirier a été inspecteur de l’Éducation Nationale sur l’arrondissement de Jonzac. Durant cette période, il écrivait la rubrique “les mots pour zou dire”, unanimement appréciée.
• Didier Catineau, journaliste : “Un vent de liberté”
La France adore les commémorations, les anniversaires alors que certains ont bien du mal à se souvenir de leur date de mariage ou de celles de la naissance de leurs enfants et petits-enfants. C’est comme ça, chez nous : on commémore pour dire qu’à défaut d’y avoir été, on aimerait bien encore participer, pour que l’histoire ne s’oublie pas. Louable intention, mais qui a tendance à se démultiplier comme une congrégation d’escargots après une bonne ondée. C’est le cas pour ce mois de mai où l’on ne peut s’empêcher de faire référence aux événements d’il y a quarante ans tout juste.
Il peut sembler aisé de dire à présent que mai 68 a échoué parce que les ouvriers ne comprenaient pas trop ce que venaient faire les étudiants dans leur lutte. Deux mondes s’entrechoquaient, les idées s’opposaient à la réalité économique quotidienne. Alors oui, si mai 68 peut se résumer ainsi, je dirais que la classe ouvrière a pris conscience, que les engagements qui s’en suivirent dans les années 70 et menant à une victoire de Mitterrand sont indissociables de toutes ces prises de positions, de violences également, mais d’un espoir décorseté.
J’avais 14 ans et demi en mai 68, j’étais collégien à Agrippa d’Aubigné à Saintes et mes souvenirs peuvent paraître bien lointains et dérisoires. Mon père cheminot redoutait ces grèves qui se profilaient car elles étaient synonymes de restrictions, d’ardoises chez l’épicier du quartier. Quand on a quatorze ans, on ignore toutes ces choses-là. J’écoutais la radio, l’oreille vissée sur les chansons d’alors où les Beatles et les Brassens et Brel me semblaient plus intéressants que ce monde d’adultes qui commençait à gronder. Ma grand-mère éprouvait des difficultés d’approvisionnement et son soulagement était chose magnifique à voir quand on lui annonça qu’une distribution de pommes de terre allait se dérouler dans le quartier Saint Palais. Elle me refusa le prix d’un ticket de cinéma pour le Gallia où était projeté le film de Walt Disney « l’espion aux pattes de velours » : avec trois francs cinquante - c’était le prix de la place - on pouvait acheter à manger ! C’était tout de même bien plus important que de voir un chat siamois acharné à confondre des truands dont les photos en noir et blanc, derrière les vitres du Gallia, me laissaient supposer des abîmes d’aventures cinglantes.
Au collège, les journées se passaient tranquillement avec de plus en plus d’heures de récréation dans la cour où pour nous distinguer, nous faisions des “sittings“ au grand désespoir du surveillant général qui nous faisait relever sans ménagement mais qui tombait les armes devant l’ampleur du phénomène et de la tâche. Il faut dire qu’au contraire d’aujourd’hui, comme à l’Armée, on faisait l’appel de nos noms, tous les matins, dans la cour, alignés sur deux rangs. Quelques professeurs essayaient de nous surveiller dans de longues salles d’étude.
L’un d’entre eux, professeur de Sciences naturelles, nous demande notre avis, par écrit, sur ce que nous pensons de ce mois dont nous n’entendions, à Saintes, que peu de chose. Inspiré, je m’interroge sur l’imminence d’une guerre civile, n’en connaissant pas la vraie signification. Horrifié, le professeur tente de nous faire oublier ces deux mots dont le sens lui parlait plus qu’à nous.
J’avais un correspondant australien vivant à Hobart en Tasmanie et j’essayais de lui expliquer par courrier avion, sur feuille à papier léger et diaphane, qu’en France, c’était la grève. Les dictionnaires anglo-français d’alors ne connaissaient pas ce mot et j’en fus réduit à l’ellipse (men have no work : les hommes n’ont pas de travail) approximative.
Je sais qu’il faisait très beau, qu’il y avait des piquets de grève à l’entrée des ateliers du chemin de fer et que suite aux accords de Grenelle, ma tante qui travaillait à la chaîne a vu son salaire s’envoler vers des firmaments insondables. Elle se demandait si c’était bien normal et si cet argent serait bien à elle, si on ne lui reprendrait pas. On s’habitue à tout !
Pour ce qui est de la libération sexuelle dont on parle tant maintenant, le flou n’était pas qu’artistique. Il a eu des conséquences menant aux projections de films érotiques, puis pornographiques dans le début des années 70. Nous étions à l’antipode d’une société engoncée dans ses non-dits et son silence sur les choses de la vie qui préoccupent tant à partir de quinze ans.
Et puis, l’irruption des mathématiques modernes m’a fait préférer inexorablement la littérature que je comprenais bien mieux sans me torturer la cervelle avec les ensembles et autres surjections. L’éducation éclatait, les ministres successifs voulaient absolument laisser leur patte et leur nom dans la réforme d’un système vieillot dont les élèves d’alors furent les premières victimes.
Tout cela appartient au passé et doit, à défaut de servir d’exemple, être encore présent à l’esprit... mais sans toutes ces trompettes, ces journalistes parisiens clamant qu’ils y étaient, cette nostalgie suspecte à mes yeux de voyeurisme et d’opportunité.
Tiens, si j’avais une Révolution à commémorer, cela serait celle de la Commune en 1871 dont on parle si peu. C’est un peu loin, c’est vrai, mais la nostalgie ne se nourrit-elle que de proximité ?
En 2018, pour les cinquante ans de mai 68, mes souvenirs seront toujours là, en moi, et ma vie se sera nourrie de rencontres, d’expériences et de drames qui auront continué à me construire dans le sens primordial de mai 68 qui nous a apporté cet immense souffle qu’il nous faut bien reconnaître : celui de la liberté.
• Catherine Ménier, chargée de mission, ex-Jonzacaise
Est-ce la nostalgie de l’adolescence ou de la Révolution ? En Mai 68, j’étais une ado de 14 ans nourrie au “Canard enchaîné“ depuis le plus jeune âge, et ça tombait bien ces étudiants qui voulaient tout changer ! Imaginez une seule chaîne de télévision, trois ans avant d’obtenir le téléphone, et si l’on possédait cet objet de “luxe“, il fallait compter une bonne demi-heure pour joindre la copine de collège de Montendre qui m’aidait à la traduction des versions latines...
Cette explosion sympathique a changé beaucoup de choses, en mieux. C’était une révolution culturelle, voire philosophique, une opposition à la vieille France. Il fallait faire bouger ce pays, sa culture provinciale, paternaliste. Cette révolte anti-autoritaire touchait toute la société avec des projets de réformes concernant de nombreux milieux professionnels. Dix ans de gaullisme, l’ORTF bridée, la société contrôlée. Le mouvement étudiant ressemblait à un détonateur pour toute une société, en particulier pour les ouvriers. Je me souviens d’une grande vague d’espoir... Les riches allaient partager avec les pauvres... les intellectuels prenaient le pouvoir, tout le monde parlait dans la rue... Je me souviens des images d’Aragon, de Sartre, le trio Cohn Bendit, Geismar, Sauvageot... Fini la France éternelle, les revendications : c’était changer la vie, tout devenait possible. Les émotions, les sentiments étaient intenses, côté étudiants, côté ouvriers, côté sympathisants. Il me semble encore que c’était une période de magie. « Je ne veux pas mourir idiot », « sous les pavés la plage », « Le rêve est réalité », « L’imagination prend le pouvoir » : tous les slogans, l’esthétique des dessins, cela aussi reste gravé dans ma mémoire de collégienne de l’époque.
Je me souviens très bien de la guerre du Vietnam et des manifestations étudiantes américaines, il fallait tout remettre en question, la guerre, la consommation, un mouvement libertaire aussi gagnait les sociétés qui voulaient exister et non survivre. Je rêvais d’être “grande“ à l’époque pour vivre en communauté ! La femme allait être libre, enfin. Les gens se sont changés eux-mêmes, les idées étaient certainement trop belles, trop poétiques, elles portaient une étincelle d’idéalisme qui a du mal à me quitter aujourd’hui encore où les choses ont tellement changé qu’une explosion comme celle-là serait impossible. Néanmoins, ce mouvement se poursuit de diverses façons : dernièrement, le boycott de la flamme olympique et son slogan « nous sommes tous des moines tibétains », les précédentes révolutions “des œillets“ au Portugal, plus tard celle de “velours“ à l’Est.
Il ne faut pas oublier qu’en 1968, l’Europe était divisée en deux avec le mur de Berlin, que des régimes fascistes étaient encore présents en Espagne, au Portugal, en Grèce. L’Europe a bien changé depuis.
Longtemps après, il aura suffi d’une affiche, en janvier 2008 à Bordeaux, « Mai 68 au jour le jour » pour faire revivre en moi cette période si forte. La Base sous-marine de Bordeaux a accueilli une exposition magnifique sur Mai 68 à Paris, Toulouse et Bordeaux. Plusieurs générations se sont retrouvées et les images, les vidéos, les archives de tous poils parlaient à tous, personnes âgées, plus jeunes, jeunes, ados, toutes catégories sociales confondues. Tout le monde se retrouvait dans les mots, la rediffusion en "live" des manifestations, les éclats de voix, les coups de tonnerre, les discours de Cohn Bendit, Krivine, Sartre. L’émotion était intense à nouveau comme si l’espoir, le temps d’une expo, renaissait et une question se posait à nouveau : est-ce qu’un autre monde est possible ? L’exposition débutait par un article du Monde « Quand la France s’ennuie » de Pierre Viansson-Ponté.
Le 15 mars 1968, Le Monde avait publié un article sur l’état de la société française, appelé à un grand retentissement : « Ce qui caractérise actuellement notre vie publique, c’est l’ennui. Les Français s’ennuient. Ils ne participent ni de près, ni de loin aux grandes convulsions qui secouent le monde ».
Il se terminait par cette phrase : « Dans une petite France presque réduite à l’hexagone, qui n’est pas vraiment malheureuse ni vraiment prospère, en paix avec tout le monde, sans grande prise sur les événements mondiaux, l’ardeur et l’imagination sont aussi nécessaires que le bien-être et l’expansion. Ce n’est certes pas facile. L’anesthésie risque de provoquer la consomption. Et à la limite, cela s’est vu, un pays peut aussi périr d’ennui ».
À méditer !
• James Poirier : «Rien ne serait plus jamais comme avant »…
Par chance, j’ai vécu mai 1968 en France, à Bordeaux, entre deux affectations à l’étranger. J’avais 23 ans. Je venais de rentrer d’un séjour de deux années ininterrompues en Polynésie (aux îles Marquises, exactement) et, en septembre 1968, je partais en poste en Côte-d’Ivoire.
J’ai souvent pensé à cet heureux hasard qui m’a permis de vivre pleinement cet incroyable mois de mai 1968, au seul endroit du monde où il fallait le vivre, c’est-à-dire en France et en milieu universitaire. Ceux qui n’ont pas eu cette chance - je l’ai constaté dès octobre 1968 auprès des Français expatriés en Afrique - ne comprendront jamais le grand basculement des mentalités et des mœurs qui est né à ce moment-là dans l’euphorie hédoniste de la jeunesse et qui a inspiré jusqu’aujourd’hui toutes les transformations de notre société.
J’ai vu le monde changer.
Fin 1967, à mon retour des Marquises (où j’avais vécu une expérience unique, complètement coupé de notre civilisation, sans téléphone, ni électricité, ni liaison aérienne), j’aspirais à un bain de modernité. Au lieu de cela, dans le collège de Mérignac où j’avais été affecté comme instituteur faisant fonction de professeur, je retrouvais un monde immobile et ancien, fortement hiérarchisé et ritualisé. Tous les enseignants portaient une cravate et se vouvoyaient entre eux. Les prénoms étaient évidemment inconnus, ceux des profs comme ceux des élèves. L’idée même de changement n’était vraiment pas dans l’air. Pour m’aérer un peu, je fréquentais la faculté des Lettres de Bordeaux où je m’étais inscrit en licence et où, de surcroît, dans cette même université, je donnais des cours de français à la section des étudiants étrangers. Mes fréquentations d’alors étaient exclusivement universitaires et largement cosmopolites. Notre quartier général était le bar “Le New-York“, cours Pasteur, près de l’ancienne faculté des Lettres (actuel Musée d’Aquitaine). Les cours de licence de lettres, je les suivais sur le nouveau campus de Talence Pessac mais, pour les rencontres entre jeunes, les habitudes estudiantines restaient en centre ville. C’est d’ailleurs dans le quartier de la Victoire que j’avais mon logement.
Pour moi, le premier trimestre 1968 fut plutôt joyeux. Les rencontres avec mes étudiantes étrangères (espagnoles, autrichiennes, américaines, japonaises, entre autres) y étaient évidemment pour quelque chose... On ne cherchait pas du tout à changer le monde, seulement à profiter de notre folle jeunesse.
Et puis le joli mois de mai est arrivé. D’un seul coup. Je me souviens du « mot d’ordre » d’occupation de la Fac de Lettres de Pessac qui, un beau matin, a circulé. C’était la première fois qu’une telle chose se produisait ! On se demandait ce que cela pouvait signifier. Je me suis néanmoins empressé d’y souscrire.... Alors, ont commencé les merveilleuses nuits « d’occupation des facs »... ! Quelle ambiance ! Les grèves dans le secteur public m’ayant libéré de mes obligations d’enseignement, j’ai pu me consacrer entièrement à la grouillante conspiration des facs “occupées“, des amphis enfumés où les harangues et discussions se succédaient sans trêve. On voyait fleurir des forums en tous genres, sur tous les sujets possibles : ici un « atelier secret » de préparation de manifs (où n’étaient admis que les initiés ! ah ! mais !), là, en nocturne évidemment, un « cours de sexologie » (le mot est né à ce moment-là) dans un amphi plein à craquer jusqu’au petit matin, sans compter les improvisations de toutes sortes, vaguement politiques ou artistiques, dans un désordre permanent qui enchantait ceux qui s’y plongeaient. Les plus politisés rapportaient quotidiennement de Paris les « tendances du mouvement », et l’on voyait là, tout un monde de jeunes soudain grisé par sa prise de parole.
Ce fut pour moi le plus grand et le plus bel événement de mai 1968. Personne ne nous avait préparé à cela. Et soudain, on se parlait avec une liberté et une facilité incroyables. Nous sentions le monde à notre portée car, nous qui avions été des adolescents si sages, nous pouvions enfin, à voix haute, inventer à plusieurs le monde que nous portions en nous, même sans le savoir. Tout à coup, parler n’était pas seulement communiquer avec ses semblables, mais accéder à sa propre pensée. Un voile séculaire s’était déchiré. Nous sentions qu’il ne pourrait jamais se refermer. Dans ce beau mois de mai, la météo et l’espoir étaient de notre côté, nous nous sentions infiniment légers, irrésistibles et définitivement libres.
Les péripéties qui faisaient la une des journaux et des écrans télévisuels (manifs en ville, barricades rue Sainte-Catherine, charges de CRS, etc) n’étaient pour nous qu’un petit divertissement, nécessaire et intense, une sorte de détente sportive, qui ne constituait qu’un bref épisode du grand mouvement que nous vivions alors. Pour nous, l’essentiel était la déferlante qui peuplait nos nuits et nos esprits. Chaque jour, nous inventions l’avenir et nous vivions un quotidien savoureux. Une après-midi de « sortie sportive », place Pey Berland, dans la bousculade, une grenade lacrymogène atterrit dans les magnifiques cheveux de ma copine d’alors. En moins d’une seconde, j’arrache l’engin fumant (et avec lui une grosse touffe de cheveux bruns), permettant à la grenade d’exploser un peu plus loin, sans doute dans les jambes de ceux qui nous suivaient... Ce genre de petites émotions suffisait à égayer nos soirées de mai et à nous faire croire à la révolution !
La vie ne nous pesait pas et l’avenir encore moins.
En juillet 1968, ma copine et moi, nous étions au Festival d’Avignon. Là, dans la chaleur des nuits d’été de la Place de l’Horloge, refleurissait la parole, comme en mai, libre, chaleureuse, polémique, souveraine. La vraie vie, c’était nous. C’était alors une évidence.
Au-delà de la réjouissance immédiate (qui fut ininterrompue pendant plusieurs semaines), j’ai vécu cette expérience comme un soudain épanouissement collectif, intense, joyeux, irréel.
On se sentait porté par une vague infinie. Une expérience dont nul ne saurait guérir. Nous le savions déjà : rien ne serait plus comme avant.
Infos en plus : James Poirier a été inspecteur de l’Éducation Nationale sur l’arrondissement de Jonzac. Durant cette période, il écrivait la rubrique “les mots pour zou dire”, unanimement appréciée.
• Didier Catineau, journaliste : “Un vent de liberté”
La France adore les commémorations, les anniversaires alors que certains ont bien du mal à se souvenir de leur date de mariage ou de celles de la naissance de leurs enfants et petits-enfants. C’est comme ça, chez nous : on commémore pour dire qu’à défaut d’y avoir été, on aimerait bien encore participer, pour que l’histoire ne s’oublie pas. Louable intention, mais qui a tendance à se démultiplier comme une congrégation d’escargots après une bonne ondée. C’est le cas pour ce mois de mai où l’on ne peut s’empêcher de faire référence aux événements d’il y a quarante ans tout juste.
Il peut sembler aisé de dire à présent que mai 68 a échoué parce que les ouvriers ne comprenaient pas trop ce que venaient faire les étudiants dans leur lutte. Deux mondes s’entrechoquaient, les idées s’opposaient à la réalité économique quotidienne. Alors oui, si mai 68 peut se résumer ainsi, je dirais que la classe ouvrière a pris conscience, que les engagements qui s’en suivirent dans les années 70 et menant à une victoire de Mitterrand sont indissociables de toutes ces prises de positions, de violences également, mais d’un espoir décorseté.
J’avais 14 ans et demi en mai 68, j’étais collégien à Agrippa d’Aubigné à Saintes et mes souvenirs peuvent paraître bien lointains et dérisoires. Mon père cheminot redoutait ces grèves qui se profilaient car elles étaient synonymes de restrictions, d’ardoises chez l’épicier du quartier. Quand on a quatorze ans, on ignore toutes ces choses-là. J’écoutais la radio, l’oreille vissée sur les chansons d’alors où les Beatles et les Brassens et Brel me semblaient plus intéressants que ce monde d’adultes qui commençait à gronder. Ma grand-mère éprouvait des difficultés d’approvisionnement et son soulagement était chose magnifique à voir quand on lui annonça qu’une distribution de pommes de terre allait se dérouler dans le quartier Saint Palais. Elle me refusa le prix d’un ticket de cinéma pour le Gallia où était projeté le film de Walt Disney « l’espion aux pattes de velours » : avec trois francs cinquante - c’était le prix de la place - on pouvait acheter à manger ! C’était tout de même bien plus important que de voir un chat siamois acharné à confondre des truands dont les photos en noir et blanc, derrière les vitres du Gallia, me laissaient supposer des abîmes d’aventures cinglantes.
Au collège, les journées se passaient tranquillement avec de plus en plus d’heures de récréation dans la cour où pour nous distinguer, nous faisions des “sittings“ au grand désespoir du surveillant général qui nous faisait relever sans ménagement mais qui tombait les armes devant l’ampleur du phénomène et de la tâche. Il faut dire qu’au contraire d’aujourd’hui, comme à l’Armée, on faisait l’appel de nos noms, tous les matins, dans la cour, alignés sur deux rangs. Quelques professeurs essayaient de nous surveiller dans de longues salles d’étude.
L’un d’entre eux, professeur de Sciences naturelles, nous demande notre avis, par écrit, sur ce que nous pensons de ce mois dont nous n’entendions, à Saintes, que peu de chose. Inspiré, je m’interroge sur l’imminence d’une guerre civile, n’en connaissant pas la vraie signification. Horrifié, le professeur tente de nous faire oublier ces deux mots dont le sens lui parlait plus qu’à nous.
J’avais un correspondant australien vivant à Hobart en Tasmanie et j’essayais de lui expliquer par courrier avion, sur feuille à papier léger et diaphane, qu’en France, c’était la grève. Les dictionnaires anglo-français d’alors ne connaissaient pas ce mot et j’en fus réduit à l’ellipse (men have no work : les hommes n’ont pas de travail) approximative.
Je sais qu’il faisait très beau, qu’il y avait des piquets de grève à l’entrée des ateliers du chemin de fer et que suite aux accords de Grenelle, ma tante qui travaillait à la chaîne a vu son salaire s’envoler vers des firmaments insondables. Elle se demandait si c’était bien normal et si cet argent serait bien à elle, si on ne lui reprendrait pas. On s’habitue à tout !
Pour ce qui est de la libération sexuelle dont on parle tant maintenant, le flou n’était pas qu’artistique. Il a eu des conséquences menant aux projections de films érotiques, puis pornographiques dans le début des années 70. Nous étions à l’antipode d’une société engoncée dans ses non-dits et son silence sur les choses de la vie qui préoccupent tant à partir de quinze ans.
Et puis, l’irruption des mathématiques modernes m’a fait préférer inexorablement la littérature que je comprenais bien mieux sans me torturer la cervelle avec les ensembles et autres surjections. L’éducation éclatait, les ministres successifs voulaient absolument laisser leur patte et leur nom dans la réforme d’un système vieillot dont les élèves d’alors furent les premières victimes.
Tout cela appartient au passé et doit, à défaut de servir d’exemple, être encore présent à l’esprit... mais sans toutes ces trompettes, ces journalistes parisiens clamant qu’ils y étaient, cette nostalgie suspecte à mes yeux de voyeurisme et d’opportunité.
Tiens, si j’avais une Révolution à commémorer, cela serait celle de la Commune en 1871 dont on parle si peu. C’est un peu loin, c’est vrai, mais la nostalgie ne se nourrit-elle que de proximité ?
En 2018, pour les cinquante ans de mai 68, mes souvenirs seront toujours là, en moi, et ma vie se sera nourrie de rencontres, d’expériences et de drames qui auront continué à me construire dans le sens primordial de mai 68 qui nous a apporté cet immense souffle qu’il nous faut bien reconnaître : celui de la liberté.
• Catherine Ménier, chargée de mission, ex-Jonzacaise
Est-ce la nostalgie de l’adolescence ou de la Révolution ? En Mai 68, j’étais une ado de 14 ans nourrie au “Canard enchaîné“ depuis le plus jeune âge, et ça tombait bien ces étudiants qui voulaient tout changer ! Imaginez une seule chaîne de télévision, trois ans avant d’obtenir le téléphone, et si l’on possédait cet objet de “luxe“, il fallait compter une bonne demi-heure pour joindre la copine de collège de Montendre qui m’aidait à la traduction des versions latines...
Cette explosion sympathique a changé beaucoup de choses, en mieux. C’était une révolution culturelle, voire philosophique, une opposition à la vieille France. Il fallait faire bouger ce pays, sa culture provinciale, paternaliste. Cette révolte anti-autoritaire touchait toute la société avec des projets de réformes concernant de nombreux milieux professionnels. Dix ans de gaullisme, l’ORTF bridée, la société contrôlée. Le mouvement étudiant ressemblait à un détonateur pour toute une société, en particulier pour les ouvriers. Je me souviens d’une grande vague d’espoir... Les riches allaient partager avec les pauvres... les intellectuels prenaient le pouvoir, tout le monde parlait dans la rue... Je me souviens des images d’Aragon, de Sartre, le trio Cohn Bendit, Geismar, Sauvageot... Fini la France éternelle, les revendications : c’était changer la vie, tout devenait possible. Les émotions, les sentiments étaient intenses, côté étudiants, côté ouvriers, côté sympathisants. Il me semble encore que c’était une période de magie. « Je ne veux pas mourir idiot », « sous les pavés la plage », « Le rêve est réalité », « L’imagination prend le pouvoir » : tous les slogans, l’esthétique des dessins, cela aussi reste gravé dans ma mémoire de collégienne de l’époque.
Je me souviens très bien de la guerre du Vietnam et des manifestations étudiantes américaines, il fallait tout remettre en question, la guerre, la consommation, un mouvement libertaire aussi gagnait les sociétés qui voulaient exister et non survivre. Je rêvais d’être “grande“ à l’époque pour vivre en communauté ! La femme allait être libre, enfin. Les gens se sont changés eux-mêmes, les idées étaient certainement trop belles, trop poétiques, elles portaient une étincelle d’idéalisme qui a du mal à me quitter aujourd’hui encore où les choses ont tellement changé qu’une explosion comme celle-là serait impossible. Néanmoins, ce mouvement se poursuit de diverses façons : dernièrement, le boycott de la flamme olympique et son slogan « nous sommes tous des moines tibétains », les précédentes révolutions “des œillets“ au Portugal, plus tard celle de “velours“ à l’Est.
Il ne faut pas oublier qu’en 1968, l’Europe était divisée en deux avec le mur de Berlin, que des régimes fascistes étaient encore présents en Espagne, au Portugal, en Grèce. L’Europe a bien changé depuis.
Longtemps après, il aura suffi d’une affiche, en janvier 2008 à Bordeaux, « Mai 68 au jour le jour » pour faire revivre en moi cette période si forte. La Base sous-marine de Bordeaux a accueilli une exposition magnifique sur Mai 68 à Paris, Toulouse et Bordeaux. Plusieurs générations se sont retrouvées et les images, les vidéos, les archives de tous poils parlaient à tous, personnes âgées, plus jeunes, jeunes, ados, toutes catégories sociales confondues. Tout le monde se retrouvait dans les mots, la rediffusion en "live" des manifestations, les éclats de voix, les coups de tonnerre, les discours de Cohn Bendit, Krivine, Sartre. L’émotion était intense à nouveau comme si l’espoir, le temps d’une expo, renaissait et une question se posait à nouveau : est-ce qu’un autre monde est possible ? L’exposition débutait par un article du Monde « Quand la France s’ennuie » de Pierre Viansson-Ponté.
Le 15 mars 1968, Le Monde avait publié un article sur l’état de la société française, appelé à un grand retentissement : « Ce qui caractérise actuellement notre vie publique, c’est l’ennui. Les Français s’ennuient. Ils ne participent ni de près, ni de loin aux grandes convulsions qui secouent le monde ».
Il se terminait par cette phrase : « Dans une petite France presque réduite à l’hexagone, qui n’est pas vraiment malheureuse ni vraiment prospère, en paix avec tout le monde, sans grande prise sur les événements mondiaux, l’ardeur et l’imagination sont aussi nécessaires que le bien-être et l’expansion. Ce n’est certes pas facile. L’anesthésie risque de provoquer la consomption. Et à la limite, cela s’est vu, un pays peut aussi périr d’ennui ».
À méditer !
L’estuaire se conjugue au féminin
.
En Charente-Maritime, il est un îlot qui rappelle la Méditerranée. Les grottes y ont pour nom Matata et Régulus. Aloès et plantes grasses habillent les “parois“ de cet endroit privilégié, niché au cœur de la falaise crayeuse. Des maisons troglodytiques ont pris place dans les cavités que l’eau a creusées en des époques reculées. La plus célèbre habitante, baptisée la mère Guichard, y a vécu jusqu’en 1920. Elle trône en photo avec un regard volontaire qui en dit long sur le confort rustique des lieux.
Dans le calcaire blanc, apparaissent des créatures marines d’antan, témoins figés d’ères géologiques si lointaines qu’il faut les compter en millions d’années. Parmi ces fossiles, coquillages et oursins, signes d’une lente évolution...
Ici, le temps n’a pas d’importance. Immuable, l’estuaire de la Gironde charrie ses eaux douces vers la mer. Des eaux au caractère changeant, semblable à celui d’une femme dont l’humeur varie.
Au printemps, elles jouent la verdeur et s’amusent avec les oiseaux. À l’automne, elles jaunissent avant que l’hiver ne les réveille froidement, un glaçon sur l’échine. C’est en été qu’elles sont les plus joyeuses : chaque soir, elles se parent de bleu pour rejoindre le ciel, à peine séparées des étoiles par le fil ténu de l’horizon. De l’autre côté de la rive, les lumières de la nuit leur donnent un charme particulier. Par ses éclats intermittents, le phare semble dire aux navigateurs « attention, cette terre va toucher l’infini » !
Quand arrive l’orage, la végétation qui fleurit les rocailles s’anime tout à coup. Sentinelle solitaire, le palmier prend des airs effrayés et s’agite. Des vagues se forment et provoquent les remparts de pierre. Les éclairs fendent l’estuaire et le tonnerre gronde, furieux d’avoir ainsi creusé une faille dans l’écorce liquide. Les eaux deviennent menaçantes et cherchent à conquérir les territoires qu’elles recouvraient jadis. Le spectacle est grandiose et le regard se sent impuissant face à cette masse qui lui rappelle combien il est hardi de se promener sur la “peau du diable“ ! Le calme revenu, la surface s’apaise et seuls quelques sillons évoquent la présence des courants.
Le matin, il n’est pas rare qu’un halo de brume fasse son apparition. L’estuaire prend alors des airs de théâtre. Au premier plan, les carrelets bravent cette offensive qui s’effiloche au fil des heures. Ces curieuses constructions font le bonheur des pêcheurs, heureux de remonter poissons et crevettes.
Quand le soleil darde ses rayons, l’estuaire scintille de mille feux. Sur ce miroir sans tain, on voudrait poser le pied, comme pour se persuader de sa réalité. Nenni ! Il faut l’aimer pour en pénétrer les secrets. Il offre ses beautés à qui le regarde avec simplicité. Les mouettes le savent bien ! Elles le survolent, le touchent ou s’en écartent, en poussant de petits cris stridents.
Bientôt, les bateaux se mettent en scène. Les uns partent à la pêche, les autres transportent des touristes. On entend la voix forte des guides contant le destin tragique du Régulus, un navire de guerre bloqué par les Anglais en 1814. Le Capitaine de vaisseau Regnauld le livra aux flammes « conformément aux ordres reçus ». Les jets ski, qui sillonnent cet espace de liberté, n’ont que faire de ce fantôme qui pourrait bien leur chatouilleur les orteils !
Au loin, Cordouan monte la garde. Adossé à un banc de sable “haricot“, il est le plus beau phare de France, le “Versailles de la mer“. Chaque jour, la marée le célèbre avec la même ardeur.
Oui, l’estuaire se conjugue au féminin. C’est une femme, à la fois douce et mélancolique, tumultueuse et rebelle. On prétend que Mélusine y a élu domicile...
Photo 1 : Le phare de Cordouan et son fameux banc de sable.
Photo 2 : Carrelet à Vitrezay.
En Charente-Maritime, il est un îlot qui rappelle la Méditerranée. Les grottes y ont pour nom Matata et Régulus. Aloès et plantes grasses habillent les “parois“ de cet endroit privilégié, niché au cœur de la falaise crayeuse. Des maisons troglodytiques ont pris place dans les cavités que l’eau a creusées en des époques reculées. La plus célèbre habitante, baptisée la mère Guichard, y a vécu jusqu’en 1920. Elle trône en photo avec un regard volontaire qui en dit long sur le confort rustique des lieux.
Dans le calcaire blanc, apparaissent des créatures marines d’antan, témoins figés d’ères géologiques si lointaines qu’il faut les compter en millions d’années. Parmi ces fossiles, coquillages et oursins, signes d’une lente évolution...
Ici, le temps n’a pas d’importance. Immuable, l’estuaire de la Gironde charrie ses eaux douces vers la mer. Des eaux au caractère changeant, semblable à celui d’une femme dont l’humeur varie.
Au printemps, elles jouent la verdeur et s’amusent avec les oiseaux. À l’automne, elles jaunissent avant que l’hiver ne les réveille froidement, un glaçon sur l’échine. C’est en été qu’elles sont les plus joyeuses : chaque soir, elles se parent de bleu pour rejoindre le ciel, à peine séparées des étoiles par le fil ténu de l’horizon. De l’autre côté de la rive, les lumières de la nuit leur donnent un charme particulier. Par ses éclats intermittents, le phare semble dire aux navigateurs « attention, cette terre va toucher l’infini » !
Quand arrive l’orage, la végétation qui fleurit les rocailles s’anime tout à coup. Sentinelle solitaire, le palmier prend des airs effrayés et s’agite. Des vagues se forment et provoquent les remparts de pierre. Les éclairs fendent l’estuaire et le tonnerre gronde, furieux d’avoir ainsi creusé une faille dans l’écorce liquide. Les eaux deviennent menaçantes et cherchent à conquérir les territoires qu’elles recouvraient jadis. Le spectacle est grandiose et le regard se sent impuissant face à cette masse qui lui rappelle combien il est hardi de se promener sur la “peau du diable“ ! Le calme revenu, la surface s’apaise et seuls quelques sillons évoquent la présence des courants.
Le matin, il n’est pas rare qu’un halo de brume fasse son apparition. L’estuaire prend alors des airs de théâtre. Au premier plan, les carrelets bravent cette offensive qui s’effiloche au fil des heures. Ces curieuses constructions font le bonheur des pêcheurs, heureux de remonter poissons et crevettes.
Quand le soleil darde ses rayons, l’estuaire scintille de mille feux. Sur ce miroir sans tain, on voudrait poser le pied, comme pour se persuader de sa réalité. Nenni ! Il faut l’aimer pour en pénétrer les secrets. Il offre ses beautés à qui le regarde avec simplicité. Les mouettes le savent bien ! Elles le survolent, le touchent ou s’en écartent, en poussant de petits cris stridents.
Bientôt, les bateaux se mettent en scène. Les uns partent à la pêche, les autres transportent des touristes. On entend la voix forte des guides contant le destin tragique du Régulus, un navire de guerre bloqué par les Anglais en 1814. Le Capitaine de vaisseau Regnauld le livra aux flammes « conformément aux ordres reçus ». Les jets ski, qui sillonnent cet espace de liberté, n’ont que faire de ce fantôme qui pourrait bien leur chatouilleur les orteils !
Au loin, Cordouan monte la garde. Adossé à un banc de sable “haricot“, il est le plus beau phare de France, le “Versailles de la mer“. Chaque jour, la marée le célèbre avec la même ardeur.
Oui, l’estuaire se conjugue au féminin. C’est une femme, à la fois douce et mélancolique, tumultueuse et rebelle. On prétend que Mélusine y a élu domicile...
Photo 1 : Le phare de Cordouan et son fameux banc de sable.
Photo 2 : Carrelet à Vitrezay.
Chaunac, créatrice de patrimoine
Elle n’en finit pas de faire parler d’elle,cette halle qui vient d’être distinguée au Sénat. Il est vrai que sa création est originale...
Située près de la mairie, on croirait cette halle construite de longue date. En façade, les éléments architecturaux semblent en attester.
En réalité, son histoire sort des sentiers battus. Le porche, qui marquait l’entrée d’une maison du village, avait été endommagé par la tempête de 1999. Les frères Labrouche, qui l’avaient démonté, firent une proposition à la mairie. Pourquoi ne pas l’introduire dans une construction municipale ? Ainsi, il ne quitterait pas le patrimoine de Chaunac. L’idée fit son chemin et se posa la délicate question du financement.
Opiniâtre, Guy Geay se mobilisa : une halle verrait le jour et se substituerait joliment à une salle des fêtes. L’architecte Françoise Doutreuwe dessina les plans tandis que la charpente fut confiée à un artisan renommé, Hervé Charlassier. L’édifice vit le jour...
Suivit une grande inauguration, en juillet 2005, en présence de nombreuses personnalités dont Dominique Bussereau, Claude Belot et Michel Doublet. Comme un bonheur n’arrive jamais seul, la commune reçut les Rubans du Patrimoine pour cette réalisation, avant que n’arrive une autre bonne nouvelle. La Société pour la Protection des Paysages et de l’Esthétique de France, que préside Paule Albretch, avait choisi de distinguer Chaunac lors de son 19ème concours ouvert aux localités de moins de 10.000 habitants.
Ce prix de 4000 euros, financé par le Ministère de la Culture et de la Communication, a été remis aux intéressés en février dernier, dans les salons du Sénat. À cette occasion, le public a pu admirer la halle, tout en découvrant les détails de sa réalisation.
Les derniers aménagements, achevés, concerne le pavage et le vitrage. L’investissement de 40.000 euros a été subventionné à 80% par la Région (5000 euros), le Département et l’État. Les travaux ont constitué « 600 heures à rallonge de bénévolat » et la chape ne contient pas moins de 130 sacs de ciment.
Félicitations aux artisans, à tous ceux qui ont apporté leur aide généreuse et bien sûr aux collectivités sans qui les petites communes auraient bien du mal à porter leurs projets...
Photo 1 : La commune de Chaunac a reçu un chèque de 4 000 euros.
Photo 2 : En février, la remise du prix coïncidait avec le Salon de l’Agriculture.
Ici, nos amis saintongeais posent près du stand “Cognac“.
Située près de la mairie, on croirait cette halle construite de longue date. En façade, les éléments architecturaux semblent en attester.
En réalité, son histoire sort des sentiers battus. Le porche, qui marquait l’entrée d’une maison du village, avait été endommagé par la tempête de 1999. Les frères Labrouche, qui l’avaient démonté, firent une proposition à la mairie. Pourquoi ne pas l’introduire dans une construction municipale ? Ainsi, il ne quitterait pas le patrimoine de Chaunac. L’idée fit son chemin et se posa la délicate question du financement.
Opiniâtre, Guy Geay se mobilisa : une halle verrait le jour et se substituerait joliment à une salle des fêtes. L’architecte Françoise Doutreuwe dessina les plans tandis que la charpente fut confiée à un artisan renommé, Hervé Charlassier. L’édifice vit le jour...
Suivit une grande inauguration, en juillet 2005, en présence de nombreuses personnalités dont Dominique Bussereau, Claude Belot et Michel Doublet. Comme un bonheur n’arrive jamais seul, la commune reçut les Rubans du Patrimoine pour cette réalisation, avant que n’arrive une autre bonne nouvelle. La Société pour la Protection des Paysages et de l’Esthétique de France, que préside Paule Albretch, avait choisi de distinguer Chaunac lors de son 19ème concours ouvert aux localités de moins de 10.000 habitants.
Ce prix de 4000 euros, financé par le Ministère de la Culture et de la Communication, a été remis aux intéressés en février dernier, dans les salons du Sénat. À cette occasion, le public a pu admirer la halle, tout en découvrant les détails de sa réalisation.
Les derniers aménagements, achevés, concerne le pavage et le vitrage. L’investissement de 40.000 euros a été subventionné à 80% par la Région (5000 euros), le Département et l’État. Les travaux ont constitué « 600 heures à rallonge de bénévolat » et la chape ne contient pas moins de 130 sacs de ciment.
Félicitations aux artisans, à tous ceux qui ont apporté leur aide généreuse et bien sûr aux collectivités sans qui les petites communes auraient bien du mal à porter leurs projets...
Photo 1 : La commune de Chaunac a reçu un chèque de 4 000 euros.
Photo 2 : En février, la remise du prix coïncidait avec le Salon de l’Agriculture.
Ici, nos amis saintongeais posent près du stand “Cognac“.
Marie-Odile Souc et Monique Vion à l’honneur
Depuis la construction de la halle, la commune de Chaunac a pris un bel entrain. Samedi dernier, entre spectacle musical et inauguration, deux mères de famille y ont été distinguées.
Devant l’animation qui régnait sous la halle samedi matin, Chaunac, commune de 56 habitants, a fait des envieux ! En effet, depuis la construction de ce lieu emblématique, les manifestations s’y succèdent et avec les derniers aménagements, on peut s’y réunir sans craindre les courants d’air ! Voilà qui comble de joie le maire et son conseil municipal.
« La force de Chaunac réside dans son esprit d’entreprise et sa solidarité » rappelle Guy Geay. Ici, on n’hésite pas à donner la main bénévolement, comme le font Roger Primat et Jean-Claude Chauveau, maçons retraités.
Bonne fête, les mamans !
Samedi, le premier magistrat avait organisé une manifestation en l’honneur de deux mères qui, chacune, ont donné naissance à huit enfants. Il s’agit de Monique Vion et de Marie-Odile Souc. À cette occasion, plusieurs personnalités avaient répondu présent, Isabelle Duhamel Costes, sous-préfet, Régine Joly, vice-présidente du Conseil régional, Jean-Claude Beaulieu, député et Francis Savin, réunis aux côtés d’une nombreuse assistance. En prime, les musiciens d’Harmonica 17 donnaient à cette manifestation une note très sympathique ! Le bonheur était dans le pré et c’est avec plaisir que Guy Geay présenta Marie Odile et Monique, à qui il témoigna sa reconnaissance.
Monique Vion est une femme courageuse. Après le décès de son mari, atteint d’une inexorable maladie, elle a élevé seule ses enfants. Il en faut, de la ténacité, pour faire face et s’organiser. Monique peut être fière de “ l’œuvre“ accomplie.
Marie Odile et Paul, âgés respectivement de 80 et 86 ans, sont les doyens de la commune. Ils ont toujours été actifs. Les anciens élèves se souviennent de Paul, alors chauffeur, qui les transportait au collège de Montendre dans les cars Begay ou Massias. De son côté, Marie Odile s’occupait de sa “ grande“ famille et la journée était souvent trop courte. Le couple vient de fêter ses 60 ans de mariage, autrement dit ses noces de diamant. Paul Souc et Monique Vion ont tous deux été conseillers municipaux.
La remise des diplômes et médailles avait été confiée à Claudine Guérin, vice-présidente de la MSA et de l’UDAF (Union Départementale des Associations Familiales).
Elle connaît bien Chaunac : « j’y venais avec ma grand mère prier sainte Marie-Madeleine qui chassait l’orage » dit-elle avec un brin de nostalgie. À cette époque, Croix-Gente, entre Montendre et Vallet, était un lieu de culte renommé et fréquenté.
Dans son allocution, l’ancienne directrice de la Maison familiale de Chevanceaux rappela les valeurs de la famille qui façonnent les piliers de la société. Les parents ne doivent jamais oublier qu’ils sont des guides. Quand les enfants sont entourés d’affection, ils sont plus forts pour affronter la vie et ses aléas. Éduquer huit enfants est une lourde tâche qui demande un véritable don de soi, c’est pourquoi Marie Odile et Monique méritent toute notre admiration. Aujourd’hui, un cercle familial aussi large est rarissime : les femmes travaillent et consacrent moins de temps à la maternité (de nos jours, la contraception leur permet de choisir le moment où elles veulent procréer, ce qui n’était pas le cas voici cinquante ans). Les choses ont évolué…
Claudine Guérin félicita chaleureusement les deux mamans, émues, compliments auxquels s’associèrent les élus.
Cet hommage se termina par la dégustation de galettes spécialement confectionnées pour l’événement.
Photo 1 : De gauche à droite : Francis Savin, Monique Vion, Jean-Claude Beaulieu, Marie-Odile Souc, Guy Geay, Isabelle Duhamel-Costes, Régine Joly et Claudine Guérin.
Photo 2 : Monique Vion et sa famille. Des lys ont été offerts à nos deux mères de famille.
Photo 3 : Marie-Odile Souc et Monique Vion aux côtés de Claudine Guérin.
Photo 4 : Marie Odile, Paul Souc et leurs enfants. Marie Odile est une paroissienne attentive, elle fleurit l’église et se charge de l’ouverture et de la fermeture des portes. Merci à elle.
Devant l’animation qui régnait sous la halle samedi matin, Chaunac, commune de 56 habitants, a fait des envieux ! En effet, depuis la construction de ce lieu emblématique, les manifestations s’y succèdent et avec les derniers aménagements, on peut s’y réunir sans craindre les courants d’air ! Voilà qui comble de joie le maire et son conseil municipal.
« La force de Chaunac réside dans son esprit d’entreprise et sa solidarité » rappelle Guy Geay. Ici, on n’hésite pas à donner la main bénévolement, comme le font Roger Primat et Jean-Claude Chauveau, maçons retraités.
Bonne fête, les mamans !
Samedi, le premier magistrat avait organisé une manifestation en l’honneur de deux mères qui, chacune, ont donné naissance à huit enfants. Il s’agit de Monique Vion et de Marie-Odile Souc. À cette occasion, plusieurs personnalités avaient répondu présent, Isabelle Duhamel Costes, sous-préfet, Régine Joly, vice-présidente du Conseil régional, Jean-Claude Beaulieu, député et Francis Savin, réunis aux côtés d’une nombreuse assistance. En prime, les musiciens d’Harmonica 17 donnaient à cette manifestation une note très sympathique ! Le bonheur était dans le pré et c’est avec plaisir que Guy Geay présenta Marie Odile et Monique, à qui il témoigna sa reconnaissance.
Monique Vion est une femme courageuse. Après le décès de son mari, atteint d’une inexorable maladie, elle a élevé seule ses enfants. Il en faut, de la ténacité, pour faire face et s’organiser. Monique peut être fière de “ l’œuvre“ accomplie.
Marie Odile et Paul, âgés respectivement de 80 et 86 ans, sont les doyens de la commune. Ils ont toujours été actifs. Les anciens élèves se souviennent de Paul, alors chauffeur, qui les transportait au collège de Montendre dans les cars Begay ou Massias. De son côté, Marie Odile s’occupait de sa “ grande“ famille et la journée était souvent trop courte. Le couple vient de fêter ses 60 ans de mariage, autrement dit ses noces de diamant. Paul Souc et Monique Vion ont tous deux été conseillers municipaux.
La remise des diplômes et médailles avait été confiée à Claudine Guérin, vice-présidente de la MSA et de l’UDAF (Union Départementale des Associations Familiales).
Elle connaît bien Chaunac : « j’y venais avec ma grand mère prier sainte Marie-Madeleine qui chassait l’orage » dit-elle avec un brin de nostalgie. À cette époque, Croix-Gente, entre Montendre et Vallet, était un lieu de culte renommé et fréquenté.
Dans son allocution, l’ancienne directrice de la Maison familiale de Chevanceaux rappela les valeurs de la famille qui façonnent les piliers de la société. Les parents ne doivent jamais oublier qu’ils sont des guides. Quand les enfants sont entourés d’affection, ils sont plus forts pour affronter la vie et ses aléas. Éduquer huit enfants est une lourde tâche qui demande un véritable don de soi, c’est pourquoi Marie Odile et Monique méritent toute notre admiration. Aujourd’hui, un cercle familial aussi large est rarissime : les femmes travaillent et consacrent moins de temps à la maternité (de nos jours, la contraception leur permet de choisir le moment où elles veulent procréer, ce qui n’était pas le cas voici cinquante ans). Les choses ont évolué…
Claudine Guérin félicita chaleureusement les deux mamans, émues, compliments auxquels s’associèrent les élus.
Cet hommage se termina par la dégustation de galettes spécialement confectionnées pour l’événement.
Photo 1 : De gauche à droite : Francis Savin, Monique Vion, Jean-Claude Beaulieu, Marie-Odile Souc, Guy Geay, Isabelle Duhamel-Costes, Régine Joly et Claudine Guérin.
Photo 2 : Monique Vion et sa famille. Des lys ont été offerts à nos deux mères de famille.
Photo 3 : Marie-Odile Souc et Monique Vion aux côtés de Claudine Guérin.
Photo 4 : Marie Odile, Paul Souc et leurs enfants. Marie Odile est une paroissienne attentive, elle fleurit l’église et se charge de l’ouverture et de la fermeture des portes. Merci à elle.
samedi 24 mai 2008
Quand les dinosaures avaient des plumes…L’étrange découverte de Didier Néraudeau
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Les premières scènes de cette histoire rappellent étrangement Jurassic Park où un savant reconstitue la chaîne ADN de dinosaures disparus depuis des millions d’années. Dans de l’ambre opaque ramassé dans une carrière de Charente-Maritime par Didier Néraudeau, professeur à l’Université de Rennes, est apparue une matière inhabituelle faisant penser à du duvet. Voilà qui tranchait des insectes, feuilles, bois et pollens que contient généralement la résine fossilisée ! Suivirent des examens approfondis en laboratoire qui aboutirent à une conclusion fort intéressante : il s’agissait de plumes. En conséquence, les grands reptiliens d’antan ont un rapport direct avec les oiseaux. Didier Néraudeau raconte cette formidable aventure...
Depuis que Steven Spielberg a mis en scène l’époque jurassique et ses dinosaures, ces périodes reculées passionnent le public.Didier Néraudeau, vous êtes chercheur à l’Université de Rennes et avez fait une étrange découverte dans une carrière de Charente-Maritime. De quoi s’agit-il ?
En 1999, j’ai découvert en Charente-Maritime un gisement d’ambre - résine d’arbre fossilisée - datant du milieu du Crétacé, c’est-à-dire d’environ 100 millions d’années. J’ai étudié cet ambre en collaboration avec mon collègue rennais, Vincent Perrichot. Depuis près de dix ans, nous y avons trouvé plusieurs centaines d’arthropodes (plus de 900), à savoir essentiellement des insectes, mais aussi des araignées et des scorpions, des acariens et des crustacés. Et puis, ponctuellement, nous avons mis à jour dans cet ambre des inclusions fossiles extraordinaires tant par leur rareté que par leur exceptionnelle qualité de préservation. Dans un premier temps, nous avons trouvé un morceau de peau de reptile, couvert d’écailles ; probablement un lambeau de mue. Et puis nous avons décelé, dans un morceau d’ambre très riche, contenant à lui seul une centaine d’insectes, des inclusions filamenteuses, duveteuses, de très petite taille (quelques millièmes de millimètres). Un premier examen approfondi nous a appris qu’il s’agissait de plumes primitives.
Quand vous avez appris que les morceaux d’ambre contenaient des plumes totalement inconnues, comment avez-vous réagi ? Seraient-elles le fameux maillon manquant entre le duvet et les vraies plumes?
Comme seul un ornithologue pouvait nous aider à replacer ces petites plumes dans l’anatomie et l’évolution des oiseaux, nous avons alors contacté notre collègue Loïc Marion, comme nous enseignant chercheur à l’Université de Rennes I. Il a rapidement conclu que ce type de plume était jusqu’alors inconnu et comblait une lacune majeure dans notre connaissance de l’évolution des plumes reptiliennes vers les plumes modernes. En bref, on connaissait du duvet, sans nervure médiane, petit et filamenteux ou de vraies grandes plumes avec nervure médiane, plates et rigides chez les dinosaures et les oiseaux, mais on ne savait pas comment, dans l’évolution, on était passé de l’un à l’autre. Ce que nous avons trouvé, c’est un duvet “évolué“ qui présente un début de nervure médiane, avec des filaments répartis latéralement de manière symétrique dans un plan, mais qui n’est pas encore rigide et ne peut donc encore servir à voler.
En fait, au début de leur histoire, les plumes primitives ont joué le même rôle chez les dinosaures que les poils chez les mammifères : il s’agissait d’un isolant thermique permettant à l’animal de ne pas être trop sensible au froid.
Aujourd’hui, on peut donc supposer que les oiseaux sont les descendants des dinosaures. Les dinosaures à plumes ont-ils existé ?
En fait, les oiseaux sont des dinosaures au même titre que les hommes sont des mammifères. Ce sont simplement des dinosaures particuliers, sachant voler et munis de plumes, tout comme les humains sont des mammifères particuliers, sa-chant marcher sur deux pattes et quasi dépourvus de poils.
Il n’est pas tout à fait correct de dire qu’ils en sont les descendants. Ils en sont plutôt les seuls survivants dans la nature actuelle. Comme les oiseaux sont des dinosaures, les dinosaures à plumes ont donc forcément existé par le passé et existent encore de nos jours !!!
Dans le détail, les choses sont plus complexes, car il a existé différentes lignées de dinosaures ressemblant plus ou moins à ce que l’on appelle aujourd’hui des oiseaux.
Certains dinosaures carnivores étaient couverts de duvet ou de petites plumes, mais n’avaient pas d’ailes. Il s’agissait plutôt de prédateurs très rapides, comme le Velociraptor du Jurassic Park de Spielberg. D’autres dinosaures possédaient de grandes plumes sur la queue et les bras, mais ne volaient pas non plus car leur plumage était trop rudimentaire. Il existait même des dinosaures avec quatre ailes, les pattes postérieures étant, elles aussi, couvertes de grandes plumes.
Comment la communauté scientifique internationale a-t-elle réagi à ces nouvelles informations ?
Bien mieux qu’on ne l’avait espéré ! Toutefois, il nous a fallu nous y reprendre quatre fois pour que notre article soit accepté pour publication.
Cela ne fut possible que lorsque notre collègue Paul Tafforeau, du Synchrotron de Grenoble, a réalisé des images en 3 dimensions de nos plumes, via un système de scanner. Nos images antérieures, toutes en deux dimensions, n’étaient pas assez explicites pour les éditeurs scientifiques. Il faut dire que la plus longue de ces plumes (sept ont été trouvées) ne mesure qu’environ un millimètre. Les filaments qui lui donnent sa structure particulière ne dépassent donc guère le millième ou le centième de millimètre.
Actuellement, quel est l’oiseau qui se rapproche le plus de ses lointains ancêtres ?
L’un des oiseaux actuels les plus primitifs est l’hoazin que l’on trouve, je crois, en Amérique du Sud. Les bébés présentent la particularité de posséder des vestiges de griffes ou de dents qui tombent pendant la croissance.
Dans l’imaginaire Inca, on parle du serpent à plumes. Y aurait-il dans cette légende un lien avec une réalité ancienne ?
Ce fameux «serpent à plumes» des Incas, le Quetzalcoatl, a inspiré quelques collègues paléontologues qui ont baptisé Quetzalcoatlus un reptile volant trouvé dans des roches du Crétacé, un animal de plus de 12 mètres d’envergure. La seule possibilité qu’un dinosaure à plumes ait pu inspirer le mythe de Quetzalcoatl serait que des Incas aient découvert de tels fossiles. Mais il n’en reste aucune trace. Alors ...
Merci, Thierry Néraudeau pour ces informations : la recherche n’en finit pas de nous étonner...
Photo 1 : Illustration représentant un stégosaure.
Photo 2 : Natif de Rochefort, Didier Néraudeau est professeur de paléontologie à l’Université de Rennes I. Il travaille essentiellement sur la reconstitution des écosystèmes et des environnements des Charentes - dont les îles Madame, d’Aix, d’Oléron, presqu’île de Fouras, falaises de Talmont, Meschers, Saint-Palais - au Crétacé (-150 à - 65 millions d’années) et sur l’évolution de quelques groupes d’animaux particuliers (oursins, huîtres, insectes, plantes). En octobre prochain, ce chercheur passionnant et passionné sera reçu par l’Académie de Saintonge.
Photo 3 : L’ambre opaque (photo ci-dessus) intriguait Didier Néraudeau : Que pouvait-il contenir ? Le chercheur a eu l’idée de recourir au Synchroton de Grenoble pour l’examen des échantillons aux rayons X. L’ambre, qui a environ 100 millions d’années, abritait des plumes intermédiaires entre le duvet et les vraies plumes. Ces fragments d’une toison primitive pourraient appartenir à un petit dinosaure bipède qui aurait approché, d’un peu trop près, la résine collante d’un conifère.
Photo 4 : L’Hoazin : le poussin possède des griffes sur chaque aile. Un bien curieux oiseau…
Les premières scènes de cette histoire rappellent étrangement Jurassic Park où un savant reconstitue la chaîne ADN de dinosaures disparus depuis des millions d’années. Dans de l’ambre opaque ramassé dans une carrière de Charente-Maritime par Didier Néraudeau, professeur à l’Université de Rennes, est apparue une matière inhabituelle faisant penser à du duvet. Voilà qui tranchait des insectes, feuilles, bois et pollens que contient généralement la résine fossilisée ! Suivirent des examens approfondis en laboratoire qui aboutirent à une conclusion fort intéressante : il s’agissait de plumes. En conséquence, les grands reptiliens d’antan ont un rapport direct avec les oiseaux. Didier Néraudeau raconte cette formidable aventure...
Depuis que Steven Spielberg a mis en scène l’époque jurassique et ses dinosaures, ces périodes reculées passionnent le public.Didier Néraudeau, vous êtes chercheur à l’Université de Rennes et avez fait une étrange découverte dans une carrière de Charente-Maritime. De quoi s’agit-il ?
En 1999, j’ai découvert en Charente-Maritime un gisement d’ambre - résine d’arbre fossilisée - datant du milieu du Crétacé, c’est-à-dire d’environ 100 millions d’années. J’ai étudié cet ambre en collaboration avec mon collègue rennais, Vincent Perrichot. Depuis près de dix ans, nous y avons trouvé plusieurs centaines d’arthropodes (plus de 900), à savoir essentiellement des insectes, mais aussi des araignées et des scorpions, des acariens et des crustacés. Et puis, ponctuellement, nous avons mis à jour dans cet ambre des inclusions fossiles extraordinaires tant par leur rareté que par leur exceptionnelle qualité de préservation. Dans un premier temps, nous avons trouvé un morceau de peau de reptile, couvert d’écailles ; probablement un lambeau de mue. Et puis nous avons décelé, dans un morceau d’ambre très riche, contenant à lui seul une centaine d’insectes, des inclusions filamenteuses, duveteuses, de très petite taille (quelques millièmes de millimètres). Un premier examen approfondi nous a appris qu’il s’agissait de plumes primitives.
Quand vous avez appris que les morceaux d’ambre contenaient des plumes totalement inconnues, comment avez-vous réagi ? Seraient-elles le fameux maillon manquant entre le duvet et les vraies plumes?
Comme seul un ornithologue pouvait nous aider à replacer ces petites plumes dans l’anatomie et l’évolution des oiseaux, nous avons alors contacté notre collègue Loïc Marion, comme nous enseignant chercheur à l’Université de Rennes I. Il a rapidement conclu que ce type de plume était jusqu’alors inconnu et comblait une lacune majeure dans notre connaissance de l’évolution des plumes reptiliennes vers les plumes modernes. En bref, on connaissait du duvet, sans nervure médiane, petit et filamenteux ou de vraies grandes plumes avec nervure médiane, plates et rigides chez les dinosaures et les oiseaux, mais on ne savait pas comment, dans l’évolution, on était passé de l’un à l’autre. Ce que nous avons trouvé, c’est un duvet “évolué“ qui présente un début de nervure médiane, avec des filaments répartis latéralement de manière symétrique dans un plan, mais qui n’est pas encore rigide et ne peut donc encore servir à voler.
En fait, au début de leur histoire, les plumes primitives ont joué le même rôle chez les dinosaures que les poils chez les mammifères : il s’agissait d’un isolant thermique permettant à l’animal de ne pas être trop sensible au froid.
Aujourd’hui, on peut donc supposer que les oiseaux sont les descendants des dinosaures. Les dinosaures à plumes ont-ils existé ?
En fait, les oiseaux sont des dinosaures au même titre que les hommes sont des mammifères. Ce sont simplement des dinosaures particuliers, sachant voler et munis de plumes, tout comme les humains sont des mammifères particuliers, sa-chant marcher sur deux pattes et quasi dépourvus de poils.
Il n’est pas tout à fait correct de dire qu’ils en sont les descendants. Ils en sont plutôt les seuls survivants dans la nature actuelle. Comme les oiseaux sont des dinosaures, les dinosaures à plumes ont donc forcément existé par le passé et existent encore de nos jours !!!
Dans le détail, les choses sont plus complexes, car il a existé différentes lignées de dinosaures ressemblant plus ou moins à ce que l’on appelle aujourd’hui des oiseaux.
Certains dinosaures carnivores étaient couverts de duvet ou de petites plumes, mais n’avaient pas d’ailes. Il s’agissait plutôt de prédateurs très rapides, comme le Velociraptor du Jurassic Park de Spielberg. D’autres dinosaures possédaient de grandes plumes sur la queue et les bras, mais ne volaient pas non plus car leur plumage était trop rudimentaire. Il existait même des dinosaures avec quatre ailes, les pattes postérieures étant, elles aussi, couvertes de grandes plumes.
Comment la communauté scientifique internationale a-t-elle réagi à ces nouvelles informations ?
Bien mieux qu’on ne l’avait espéré ! Toutefois, il nous a fallu nous y reprendre quatre fois pour que notre article soit accepté pour publication.
Cela ne fut possible que lorsque notre collègue Paul Tafforeau, du Synchrotron de Grenoble, a réalisé des images en 3 dimensions de nos plumes, via un système de scanner. Nos images antérieures, toutes en deux dimensions, n’étaient pas assez explicites pour les éditeurs scientifiques. Il faut dire que la plus longue de ces plumes (sept ont été trouvées) ne mesure qu’environ un millimètre. Les filaments qui lui donnent sa structure particulière ne dépassent donc guère le millième ou le centième de millimètre.
Actuellement, quel est l’oiseau qui se rapproche le plus de ses lointains ancêtres ?
L’un des oiseaux actuels les plus primitifs est l’hoazin que l’on trouve, je crois, en Amérique du Sud. Les bébés présentent la particularité de posséder des vestiges de griffes ou de dents qui tombent pendant la croissance.
Dans l’imaginaire Inca, on parle du serpent à plumes. Y aurait-il dans cette légende un lien avec une réalité ancienne ?
Ce fameux «serpent à plumes» des Incas, le Quetzalcoatl, a inspiré quelques collègues paléontologues qui ont baptisé Quetzalcoatlus un reptile volant trouvé dans des roches du Crétacé, un animal de plus de 12 mètres d’envergure. La seule possibilité qu’un dinosaure à plumes ait pu inspirer le mythe de Quetzalcoatl serait que des Incas aient découvert de tels fossiles. Mais il n’en reste aucune trace. Alors ...
Merci, Thierry Néraudeau pour ces informations : la recherche n’en finit pas de nous étonner...
Photo 1 : Illustration représentant un stégosaure.
Photo 2 : Natif de Rochefort, Didier Néraudeau est professeur de paléontologie à l’Université de Rennes I. Il travaille essentiellement sur la reconstitution des écosystèmes et des environnements des Charentes - dont les îles Madame, d’Aix, d’Oléron, presqu’île de Fouras, falaises de Talmont, Meschers, Saint-Palais - au Crétacé (-150 à - 65 millions d’années) et sur l’évolution de quelques groupes d’animaux particuliers (oursins, huîtres, insectes, plantes). En octobre prochain, ce chercheur passionnant et passionné sera reçu par l’Académie de Saintonge.
Photo 3 : L’ambre opaque (photo ci-dessus) intriguait Didier Néraudeau : Que pouvait-il contenir ? Le chercheur a eu l’idée de recourir au Synchroton de Grenoble pour l’examen des échantillons aux rayons X. L’ambre, qui a environ 100 millions d’années, abritait des plumes intermédiaires entre le duvet et les vraies plumes. Ces fragments d’une toison primitive pourraient appartenir à un petit dinosaure bipède qui aurait approché, d’un peu trop près, la résine collante d’un conifère.
Photo 4 : L’Hoazin : le poussin possède des griffes sur chaque aile. Un bien curieux oiseau…
Saintonge Romane : Pas de coup d’état ! Xavier de Roux réelu président
Le pays de la Saintonge Romane réunit plusieurs intercommunalités : Pays santon, Cœur de Saintonge, Pays buriaud, CDC Seudre Arnoult, CDC de Gémozac ainsi que la ville de Chaniers. Forte de 70 communes, cette structure fédère de nombreux projets. Après les élections de mars dernier, le moment était venu de constituer le nouveau bureau, en poste pour six ans. Cette réunion avait lieu jeudi dernier.
Le Syndicat de la Saintonge Romane était donc au grand complet (ou presque) pour désigner ses nouveaux représentants. Y aurait-il anguille sous roche, comme ce fut le cas pour la Communauté de Communes du Pays santon où plusieurs tours furent nécessaires à l’élection du président Rouger ? La question pouvait légitimement se poser puisque la gauche a remporté les élections sur la région de Saintes. Xavier de Roux, élu UMP, très Radical certes, pouvait-il conserver les rênes de cette structure ? Jusqu’à présent, le bureau a toujours compté les différents courants politiques en son sein, mais tout peut arriver...
Dans les couloirs, on disait que le conseiller général de Saintes nord, Christophe Dourthe envisageait de constituer une liste afin de créer une nouvelle équipe. Il est évident que si Catherine Quéré était devenue maire de Chaniers, sa démarche aurait été facilitée…
Jeudi dernier, les maires des communes étaient donc réunis dans l’annexe du Conseil général. Le doyen de l’assemblée, autrement dit Jean-Paul Boucard, maire de Pessines, prit place à la tribune et orchestra les opérations. Le suspense ne dura pas longtemps puisqu’un seul candidat se présenta à la présidence, en l’occurrence Xavier de Roux qui fut réélu sans difficulté. Le plus drôle fut sans doute la proclamation des résultats, J.P. Boucard se trompant en annonçant le nom de Christophe Dourthe.
Etonnement, sourires de l’assistance et sursaut de l’intéressé qui préféra prendre la chose avec dérision !
Xavier de Roux revint donc occuper son fauteuil et demanda le vote à main levée pour la nomination des vice-présidents. Proposition qu’accepta l’assemblée.
Furent élus : Michel Doublet, 1er vice-président, délégation générale (69 voix, 2 abstentions), 2ème vice-président Christophe Dourthe, CLIC, service aux personnes (71 voix), 3ème vice-président Jean Rouger, Démocratie participative, conseil de développement (70 voix, une abstention), 4ème vice-président Guy Drouillard, finances, personnel (71 voix), 5ème vice-président Jean-Claude Classique, environnement et développement durable (69 voix, deux absentions), 6ème vice-président Sylvain Barreaud, urbanisme, cadre de vie et Scot (71 voix, 7ème vice-président Christian Fougerat, patrimoine, tourisme (71 voix), 8ème vice-président Jacky Ragonneaud, Sig-Tic (71 voix), 9ème vice-président Yves Massias, culture, sport (70 voix, une abstention), 10ème vice-président Michel Allain, agriculture (68 voix, trois abstentions), 11ème vice-président Jean-Claude Grenon, représentant du pays auprès du CDT, des Conseils régional et général (70 voix, une abstention), 12ème vice-président Daniel de Miniac, économie, emploi (71 voix), secrétaire Monique Rivières (71 voix), Membres : Jean-Pierre Chotard (56 voix), Alain Monjou (61 voix), Loïc Girard (58 voix), Serge Roy (53 voix), Michel Chantereau (60 voix), Anne Fockedey (57 voix).
Également candidate, Bernadette Kavenant n’a pas obtenu le score suffisant (50 voix).
Le bureau étant constitué, il aborda la question de la candidature du Pays de Saintonge Romane au programme Leader + (fonds européens). L’objectif est le soutien aux initiatives des communes rurales pour améliorer les services à la population, attractifs pour le territoire. Des axes de travail ont été dégagés, alliant la performance des acteurs économiques au développement de la créativité. Dans le cadre d’une coopération territoriale, plusieurs hypothèses de rapprochement ont été émises dont l’une avec le vignoble charentais sur la Charente et la Haute Saintonge. Un dossier à suivre ainsi que le prochain festival de Prechernac, “le plein des sens“ qui aura lieu du 3 au 8 juin au château de Thénac.
Infos en plus...
L’élection du Président a eu lieu bulletin secret. Un seul candidat s’est présenté, Xavier de Roux. Score : 59 voix sur 71 votants (une abstention, celle du président sortant). Comme le soulignait récemment Michel Doublet, président de l’Association des Maires, la Saintonge Romane est peu politisée, malgré la pression qu’exercent certains socialistes qui voudraient bien colorer cette structure. Toutefois, les communes rurales y sont majoritaires et elles n’aiment pas trop les conflits partisans...
Photo 1 : Christophe Dourthe, Michel Doublet, Xavier de Roux et Jean Rouger.
Photo 2 : Daniel Guiraud, directeur des services de la Saintonge Romane, présenta cette structure aux nouveaux élus. Elle s’investit dans les secteurs du patrimoine, du développement économique, de la culture, du sport et du service aux personnes. Par “pays“, il faut entendre un établissement public de coopération intercommunale sans fiscalité propre. Autrement dit, contrairement aux communautés de communes ou d’agglomération, il ne prélève pas l’impôt direct. Les pays sont nés de la décentralisation. La France en compte 350 dont le rôle est de faciliter les projets des communes.
Photos 3 et 4 : Une salle comble !
Témoignage Mai 68 : Francette Joanne, historienne : "Des pavés et des pierres"
.
Oserai-je écrire que Mai 68 fut pour moi une période de recherche et de calme ?
J’étais enseignante célibataire au collège de Chatelaillon et notre établissement fut fermé comme partout ailleurs. Élèves et professeurs se croisaient parfois sur la plage, les uns et les autres profitant du soleil. À La Rochelle, l’agitation des esprits et des idées embrasait les rues et les quais. L’effigie de Pompidou, pendue au clocheton de la gare SNCF, indiquait que la haine n’est jamais lointaine.
Fuyant les manifs de La Rochelle, même celles à vélo, (j’ai toujours eu la hantise de la foule), avec quelques amis, armés de pioches, de pelles, de pinceaux, de brosses à dents et d’un “transistor“ comme on disait alors, nous nous retrouvions souvent l’après-midi, dans les bois du Châtelet, sur la commune de Saint-Agnant où les archéologues de la société de Rochefort avaient ouvert un chantier. Il s’agissait d’un temple gallo-romain dont ne restaient que les infrastructures très endommagées par les racines des arbres : des pierres, des pierres sur plus d’un hectare, des bases de murs recouvertes d’un lierre épais. Et entre les murs, au niveau du sol, sous la terre, de belles mosaïques que nous nous occupions à dégager, puis à faire les relevés.
Nous évoluions au milieu de vestiges d’une civilisation disparue. La puissance de la nature avait ébranlé, puis absorbé progressivement des constructions devenues inutiles. La vie continuait et les oiseaux chantaient dans les branches, affairés qu’ils étaient à construire leurs nids ou nourrir leurs petits, troublés par le bruit nasillard du transistor que nous allumions presque toutes les heures pour savoir ce qui se passait à Paris. À Paris qui gouvernait alors la France, à Paris où d’assemblées générales en amphi, on cherchait dans l’inconscience la France de demain.
Nous, nous recherchions la France d’avant-hier et cette recherche oblige toujours à des réflexions sur le temps et à un recul devant l’immédiateté des choses.
Depuis les IIème et IIIème siècles, que de crises, que de morts, que de vies. Le raffinement des mosaïques se rapprochait du confort matériel que dénonçaient avec violence les manifestants du quartier latin. Les pierres du temple servirent de carrières aux paysans d’alentour pour construire leurs pauvres maisons tandis que les pavés des rues parisiennes servaient à construire les murs/barricades de ceux qui rêvaient un monde nouveau et dont on ne voyait que l’insubordination. Nos copains agités clamaient et réclamaient contre le dieu de la consommation et du confort “bourgeois“, et nous, nous n’entendions que le silence d’un empire détruit…
Photo 1 : Des pavés et des voitures (photo transmise par Thierry Lacourly).
Oserai-je écrire que Mai 68 fut pour moi une période de recherche et de calme ?
J’étais enseignante célibataire au collège de Chatelaillon et notre établissement fut fermé comme partout ailleurs. Élèves et professeurs se croisaient parfois sur la plage, les uns et les autres profitant du soleil. À La Rochelle, l’agitation des esprits et des idées embrasait les rues et les quais. L’effigie de Pompidou, pendue au clocheton de la gare SNCF, indiquait que la haine n’est jamais lointaine.
Fuyant les manifs de La Rochelle, même celles à vélo, (j’ai toujours eu la hantise de la foule), avec quelques amis, armés de pioches, de pelles, de pinceaux, de brosses à dents et d’un “transistor“ comme on disait alors, nous nous retrouvions souvent l’après-midi, dans les bois du Châtelet, sur la commune de Saint-Agnant où les archéologues de la société de Rochefort avaient ouvert un chantier. Il s’agissait d’un temple gallo-romain dont ne restaient que les infrastructures très endommagées par les racines des arbres : des pierres, des pierres sur plus d’un hectare, des bases de murs recouvertes d’un lierre épais. Et entre les murs, au niveau du sol, sous la terre, de belles mosaïques que nous nous occupions à dégager, puis à faire les relevés.
Nous évoluions au milieu de vestiges d’une civilisation disparue. La puissance de la nature avait ébranlé, puis absorbé progressivement des constructions devenues inutiles. La vie continuait et les oiseaux chantaient dans les branches, affairés qu’ils étaient à construire leurs nids ou nourrir leurs petits, troublés par le bruit nasillard du transistor que nous allumions presque toutes les heures pour savoir ce qui se passait à Paris. À Paris qui gouvernait alors la France, à Paris où d’assemblées générales en amphi, on cherchait dans l’inconscience la France de demain.
Nous, nous recherchions la France d’avant-hier et cette recherche oblige toujours à des réflexions sur le temps et à un recul devant l’immédiateté des choses.
Depuis les IIème et IIIème siècles, que de crises, que de morts, que de vies. Le raffinement des mosaïques se rapprochait du confort matériel que dénonçaient avec violence les manifestants du quartier latin. Les pierres du temple servirent de carrières aux paysans d’alentour pour construire leurs pauvres maisons tandis que les pavés des rues parisiennes servaient à construire les murs/barricades de ceux qui rêvaient un monde nouveau et dont on ne voyait que l’insubordination. Nos copains agités clamaient et réclamaient contre le dieu de la consommation et du confort “bourgeois“, et nous, nous n’entendions que le silence d’un empire détruit…
Photo 1 : Des pavés et des voitures (photo transmise par Thierry Lacourly).
Christian Morissonneau : "Québec n'était pas le premier choix de Champlain"
Le 31 mai prochain, Christian Morissonneau, professeur à l’Université du Québec, animera une conférence à Brouage dans le cadre de la manifestation « plein champ sur Champlain ». Il y fera des révélations sur les objectifs que poursuivait le célèbre géographe. En l’attente de cette rencontre qui devrait attirer un nombreux public, il répond à nos questions.
• Christian Morissonneau, Québec n’aurait donc pas été le premier choix de Champlain. Où aurait-il préféré s’implanter ?
En 1603, soit cinq ans plus tôt que l’établissement à Québec en 1608, lors de sa première remontée du Saint-Laurent pour faire “l’état des lieux“ de la traite des fourrures et du peuplement français, Champlain remarque, évalue et souhaite un établissement à l’embouchure de la rivière au nom amérindien de Metaberoutin, aujourd’hui nommée Saint-Maurice, qui vient des régions au Nord.
Ce lieu a un nom : les Trois Rivières qui sont en fait une seule : le Saint-Maurice. Ce cours d’eau permet de rejoindre un important axe de communication autochtone entre les Grands Lacs, le lac Saint-Jean et le Saguenay (la route du Cuivre). De plus, cette rivière rejoint des groupes amérindiens qui piègent les animaux et échangent les fourrures à des groupes intermédiaires, Montagnais et Algonquins, qui font la traite avec les Français. Champlain insiste : « Ce serait à mon jugement un lieu propre à habiter... et on pourrait promptement le fortifier, car sa situation est forte de soi ». Champlain note aussi que le climat y est plus tempéré qu’à Québec.
De plus, Champlain souhaite mettre un frein, à partir de ce site, au contrôle de la vallée du Saint-Laurent par les Iroquois qui font des raids contre les Amérindiens qui empruntent la vallée, pour le commerce. Trois-Rivières est un lieu d’échanges pelletier. C’est l’époque de la guerre continue entre les Iroquois et les Amérindiens tels les Algonquins et Montagnais.
Le mot Québec signifie détroit en Amérindien, là où le fleuve quitte la vallée pour l’estuaire, par un détroit. Alors que le découvreur saintongeais est ancré à Québec, il ne fait pas allusion à un établissement, ni ne vante la position et la situation comme il le fait pour les Trois-Rivières ; il ajoute même en marge de son texte : « Le bien que pourrait apporter l’habitation des Trois Rivières ». N’oublions pas qu’en 1603, Champlain est envoyé comme observateur par le gouverneur de Dieppe à la tête d’une association de marchands et avec l’assentiment du roi Henri IV. Il rédige aussitôt un rapport publié en livre dès le mois de novembre de la même année. Ce qu’il écrit leur est destiné en premier.
• Quelles étaient les relations de Champlain avec les Amérindiens qu’il a d’ailleurs immortalisés dans ses carnets ?
Le contexte des relations amérindiennes est fondamental. En 1603, les Français, dont Champlain, ont fait une alliance avec les Montagnais, à Tadoussac. Cette alliance leur permet de s’établir en territoire montagnais avec la promesse, qui va de soi, d’assistance dans les guerres contre les Iroquois. Québec est en territoire montagnais ; il est donc possible de s’y installer et il est assez éloigné de Tadoussac où la traite des fourrures est dominée par les Basques.
Champlain réussira comme diplomate et bâtira un solide réseau d’alliance franco-amérindienne. En 1609, Champlain ira “surprendre“ les Iroquois au lac Champlain avec les alliés amérindiens : Montagnais, Algonquins et Hurons. Québec est un “choix“ obligé surtout par l’alliance franco-amérindienne et le contrôle iroquois du Saint-Laurent. Il est alors plus un symbole de la présence française et une base de départ, puisque les lieux de traite des fourrures demeureront les mêmes après 1608. S’y ajoutera même un nouveau : le Cap de Victoire.
• Dans quel environnement vivaient les pionniers français ?
L’environnement des Français, c’est d’abord un espace immense, une forêt infinie sans horizon, avec seulement des chemins d’eau (rivières et lacs), et surtout la seule grande route du Saint-Laurent. Cet environnement évoque l’abondance. Pour s’installer, il faut toujours défricher, faire reculer la forêt et penser la distance. De plus ou d’abord, il y a un long et pénible hiver qui limite les déplacements humains et la saison végétative pour l’agriculture, mais aussi oblige à des replis sur la maisonnée et à des solidarités familiales et de voisinage. Un printemps et un automne courts, mais un été quasi-tropical humide qui “sauve“ l’hiver. Cet été donne une végétation luxuriante qui fait l’admiration de Champlain. Cela n’empêche pas, voire même encourage Champlain à rêver du chemin de la Chine. Le Saint-Laurent paraît une bonne voie de pénétration du continent nord-américain pour ce faire et aussi s’y établir...
Rendez-vous samedi 31 mai à la Halle aux vivres de Brouage (salle du jeu de paume) à 16 h 30 pour la conférence de Christian Morissonneau.
En soirée, concert country, chants québécois et feu d’artifice.
Photo 1 : Samuel de Champlain.
• Christian Morissonneau, Québec n’aurait donc pas été le premier choix de Champlain. Où aurait-il préféré s’implanter ?
En 1603, soit cinq ans plus tôt que l’établissement à Québec en 1608, lors de sa première remontée du Saint-Laurent pour faire “l’état des lieux“ de la traite des fourrures et du peuplement français, Champlain remarque, évalue et souhaite un établissement à l’embouchure de la rivière au nom amérindien de Metaberoutin, aujourd’hui nommée Saint-Maurice, qui vient des régions au Nord.
Ce lieu a un nom : les Trois Rivières qui sont en fait une seule : le Saint-Maurice. Ce cours d’eau permet de rejoindre un important axe de communication autochtone entre les Grands Lacs, le lac Saint-Jean et le Saguenay (la route du Cuivre). De plus, cette rivière rejoint des groupes amérindiens qui piègent les animaux et échangent les fourrures à des groupes intermédiaires, Montagnais et Algonquins, qui font la traite avec les Français. Champlain insiste : « Ce serait à mon jugement un lieu propre à habiter... et on pourrait promptement le fortifier, car sa situation est forte de soi ». Champlain note aussi que le climat y est plus tempéré qu’à Québec.
De plus, Champlain souhaite mettre un frein, à partir de ce site, au contrôle de la vallée du Saint-Laurent par les Iroquois qui font des raids contre les Amérindiens qui empruntent la vallée, pour le commerce. Trois-Rivières est un lieu d’échanges pelletier. C’est l’époque de la guerre continue entre les Iroquois et les Amérindiens tels les Algonquins et Montagnais.
Le mot Québec signifie détroit en Amérindien, là où le fleuve quitte la vallée pour l’estuaire, par un détroit. Alors que le découvreur saintongeais est ancré à Québec, il ne fait pas allusion à un établissement, ni ne vante la position et la situation comme il le fait pour les Trois-Rivières ; il ajoute même en marge de son texte : « Le bien que pourrait apporter l’habitation des Trois Rivières ». N’oublions pas qu’en 1603, Champlain est envoyé comme observateur par le gouverneur de Dieppe à la tête d’une association de marchands et avec l’assentiment du roi Henri IV. Il rédige aussitôt un rapport publié en livre dès le mois de novembre de la même année. Ce qu’il écrit leur est destiné en premier.
• Quelles étaient les relations de Champlain avec les Amérindiens qu’il a d’ailleurs immortalisés dans ses carnets ?
Le contexte des relations amérindiennes est fondamental. En 1603, les Français, dont Champlain, ont fait une alliance avec les Montagnais, à Tadoussac. Cette alliance leur permet de s’établir en territoire montagnais avec la promesse, qui va de soi, d’assistance dans les guerres contre les Iroquois. Québec est en territoire montagnais ; il est donc possible de s’y installer et il est assez éloigné de Tadoussac où la traite des fourrures est dominée par les Basques.
Champlain réussira comme diplomate et bâtira un solide réseau d’alliance franco-amérindienne. En 1609, Champlain ira “surprendre“ les Iroquois au lac Champlain avec les alliés amérindiens : Montagnais, Algonquins et Hurons. Québec est un “choix“ obligé surtout par l’alliance franco-amérindienne et le contrôle iroquois du Saint-Laurent. Il est alors plus un symbole de la présence française et une base de départ, puisque les lieux de traite des fourrures demeureront les mêmes après 1608. S’y ajoutera même un nouveau : le Cap de Victoire.
• Dans quel environnement vivaient les pionniers français ?
L’environnement des Français, c’est d’abord un espace immense, une forêt infinie sans horizon, avec seulement des chemins d’eau (rivières et lacs), et surtout la seule grande route du Saint-Laurent. Cet environnement évoque l’abondance. Pour s’installer, il faut toujours défricher, faire reculer la forêt et penser la distance. De plus ou d’abord, il y a un long et pénible hiver qui limite les déplacements humains et la saison végétative pour l’agriculture, mais aussi oblige à des replis sur la maisonnée et à des solidarités familiales et de voisinage. Un printemps et un automne courts, mais un été quasi-tropical humide qui “sauve“ l’hiver. Cet été donne une végétation luxuriante qui fait l’admiration de Champlain. Cela n’empêche pas, voire même encourage Champlain à rêver du chemin de la Chine. Le Saint-Laurent paraît une bonne voie de pénétration du continent nord-américain pour ce faire et aussi s’y établir...
Rendez-vous samedi 31 mai à la Halle aux vivres de Brouage (salle du jeu de paume) à 16 h 30 pour la conférence de Christian Morissonneau.
En soirée, concert country, chants québécois et feu d’artifice.
Photo 1 : Samuel de Champlain.
L’indépendance du Québec : Sacré Charles !
On parle souvent de l’indépendance du Québec et Charles de Gaulle, qui ne manquait pas d’audace, est entré dans la légende à ce sujet ! Aujourd’hui encore, certains Québécois aimeraient bien prendre leur envol et retrouver leurs racines tricolores, mais les choses ne sont pas simples. Prudent, Nicolas Sarkozy a déclaré ces jours derniers qu’il aimait autant le Canada que le Québec. Le Président préfère manifestement la neutralité...
En 1965, des accords culturels sont signés entre la France, le Canada et le Québec. Deux ans plus tard, du balcon de l’hôtel de ville de Montréal, Charles de Gaulle crée la surprise en lançant : « vive le Québec libre ! ». Bon stratège, le chef de l’État aimerait que l’hexagone retrouve une position stratégique dans cette partie du monde.
Le gouvernement fédéral est surpris par cette déclaration qui exhorte tout bonnement une province à prendre ses aises. En effet, c’est comme si le Président des États-Unis disait aux habitants de l’Île de beauté : vive la Corse libre ! Quelle réaction Nicolas Sarkozy aurait-il ?
Après cette “sortie“ historique, le Québec a une soudaine envie, celle de voler de ses propres ailes. Une première consultation a lieu en 1980. En 1995, lors du référendum sur la souveraineté de Québec, les Conservateurs l’emportent de justesse sur les Indépendantistes.
Il y a quelques années, le Gouvernement fédéral a saisi la Cour suprême sur cette question : le Québec peut-il se déclarer indépendant ? Les magistrats ont répondu que le Canada était divisible. En conséquence, si une province souhaite se détacher, elle doit négocier son départ avec les autorités. Les intéressés ont estimé que cette décision, grave, relevait de l’ensemble des citoyens appelés à faire un choix. Le Parlement vota une loi en ce sens. Depuis, les choses n’évoluent guère pour une raison simple : au sein de l’institution fédérale, l’identité québécoise peut s’exprimer. Pourquoi faire compliqué quand on possède une marge de manœuvre ?
Le mouvement souverainiste n’en poursuit pas moins son action. « Au sein de la Fédération canadienne telle qu’elle est actuellement constituée, le Québec n’a pas tous les pouvoirs constitutionnels lui permettant d’agir en tant que véritable gouvernement national. Les politiques poursuivies par le Québec et celles du gouvernement fédéral entrent parfois en conflit. Des préoccupations d’ordre culturel et social sont également à la base du désir d’émancipation d’une partie de la population québécoise. L’argument principal des souverainistes est que seule une citoyenneté permettrait de résoudre le problème de l’identité culturelle québécoise dans le contexte nord-américain. Elle viendrait résoudre la délicate question de la langue française au Québec, langue de la majorité québécoise, cependant minoritaire au sein du Canada » soulignent des observateurs avisés.
Faciliter l’immigration des Français au Québec
Lors de sa visite, le Premier Ministre du Québec, Jean Charest, n’a pas manqué d’évoquer la fraternité qui unit la France et sa terre qui porta le joli nom de “Nouvelle France“. À Brouage, village natif de Champlain, le lieu était idéal pour rappeler la richesse de ce passé « unique au monde ».
Il semble évident que le Québec attend plus de la France que des déclarations teintées d’émotion - certes fort sympathiques - prononcées à l’occasion des cérémonies d’anniversaire.
Jean-Pierre Raffarin, l’ancien Premier Ministre de Jacques Chirac, préfère axer son discours sur la modernité et l’esprit d’entreprise qui peuvent lier les deux “cousins“ (en ce sens, développer un accord transatlantique entre l’Union européenne et le Canada, plutôt qu’avec les USA, serait une opportunité).
Lundi dernier, Nicolas Sarkozy a reçu Jean Charest à l’Élysée. En sortant, ce dernier s’est dit « rassuré », même si la formule « non ingérence, non indifférence » reste en filigrane. Le président, en effet, ne veut pas d’incident diplomatique avec le Canada, ni avec les USA d’ailleurs, au moment où Georges W. Bush vient de lui remonter les bretelles quant aux contacts de la France avec le Hamas. Mais là est un autre sujet...
Satisfait de la discussion, Jean Charest attend beaucoup du prochain sommet de la francophonie qui se tiendra en octobre prochain à Québec. Faciliter l’immigration des Français sera à l’ordre du jour. Les raisons de cette ouverture sont simples : vieillissante, la population québécoise a besoin de sang neuf ! Cette rencontre pourrait être l’occasion d’une entente et d’une signature historique...
• Les Français qui quittent le Québec n’apprécient ni le climat, ni la longueur de l’hiver
Chaque année, le Canada accueille sur son sol des milliers d’étrangers dont 3000 Français qui choisissent principalement le Québec (85 % y restent). Le Français s’y maintient face à la puissante langue de Shakespeare, les Anglophones faisant un effort pour comprendre les Francophones. En fait, La France est mal placée pour émettre des regrets. Au XVIIIe siècle, elle a abandonné le Québec aux Anglais, lui préférant Haïti, île où l’on récoltait la canne à sucre, la Martinique et la Guadeloupe. Peu rancuniers, les Québécois continuent à aimer “la pointe de l’Europe“ dont sont issus un grand nombre de leurs aïeux.
Le Premier Ministre du Québec sur les pas de Champlain
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Dimanche dernier, Jean Charest se trouvait à Brouage où il a été reçu par Dominique Bussereau, président du Conseil général, Jean Pierre Raffarin, ancien Premier Ministre, Jacques Reiller, préfet, Didier Quentin, député maire de Royan, Jean-Pierre Tallieu, conseiller général, Patrick Pellet, maire de Brouage et de nombreuses personnalités.
Sous un soleil qui dardait enfin ses rayons, le cortège a visité cette étonnante citadelle. Perdue au milieu des claires et des marais, ses curieuses échauguettes y montent mélancoliquement la garde. Elle est bien loin l’époque des marais salants et de la rivalité avec le port de Rochefort ! Près du grand escalier, il reste le souvenir émouvant de Marie Mancini, nièce de Mazarin, amoureuse du jeune Louis XIV... Nathalie Fiquet, conservatrice, présenta au Premier Ministre et à la délégation québécoise les hauts lieux de ce site valorisé par le Département : halle aux vivres, expositions à découvrir dans la tonnellerie, église où les vitraux de l’artiste canadien Nicolas Sollogoud sont admirables, poudrière Saint Luc et enfin Maison de Champlain où furent prononcées les allocutions d’usage.
Photo 1 : Visite commentée par Nathalie Fiquet et Chantal Vetter.
L'exposition “Artextures“ à découvrir à la tonnellerie de Brouage jusqu’au 22 juin (tous les jours de 14 h à 18 h). Invitée d’honneur Jill Gallieni. Entrée libre.
Photo 2 : L’un des vitraux créés par l’artiste Nicolas Sollogoud. À ce sujet, existe une anecdote. Alors que ces vitraux avaient été offerts pour orner l’église, l’architecte des Bâtiments de France s’opposa à leur installation. La raison ? Cet édifice n’en avait jamais eu ! Les choses finirent par s’arranger et ces merveilles (réalisées à partir d’une nouvelle technologie) accompagnent ce lieu chargé d’histoire...
Photo 3 : Un plan de la Citadelle.
Dimanche dernier, Jean Charest se trouvait à Brouage où il a été reçu par Dominique Bussereau, président du Conseil général, Jean Pierre Raffarin, ancien Premier Ministre, Jacques Reiller, préfet, Didier Quentin, député maire de Royan, Jean-Pierre Tallieu, conseiller général, Patrick Pellet, maire de Brouage et de nombreuses personnalités.
Sous un soleil qui dardait enfin ses rayons, le cortège a visité cette étonnante citadelle. Perdue au milieu des claires et des marais, ses curieuses échauguettes y montent mélancoliquement la garde. Elle est bien loin l’époque des marais salants et de la rivalité avec le port de Rochefort ! Près du grand escalier, il reste le souvenir émouvant de Marie Mancini, nièce de Mazarin, amoureuse du jeune Louis XIV... Nathalie Fiquet, conservatrice, présenta au Premier Ministre et à la délégation québécoise les hauts lieux de ce site valorisé par le Département : halle aux vivres, expositions à découvrir dans la tonnellerie, église où les vitraux de l’artiste canadien Nicolas Sollogoud sont admirables, poudrière Saint Luc et enfin Maison de Champlain où furent prononcées les allocutions d’usage.
Photo 1 : Visite commentée par Nathalie Fiquet et Chantal Vetter.
L'exposition “Artextures“ à découvrir à la tonnellerie de Brouage jusqu’au 22 juin (tous les jours de 14 h à 18 h). Invitée d’honneur Jill Gallieni. Entrée libre.
Photo 2 : L’un des vitraux créés par l’artiste Nicolas Sollogoud. À ce sujet, existe une anecdote. Alors que ces vitraux avaient été offerts pour orner l’église, l’architecte des Bâtiments de France s’opposa à leur installation. La raison ? Cet édifice n’en avait jamais eu ! Les choses finirent par s’arranger et ces merveilles (réalisées à partir d’une nouvelle technologie) accompagnent ce lieu chargé d’histoire...
Photo 3 : Un plan de la Citadelle.
Le sénateur Jean-Guy Branger n'est pas content
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Et il l’a dit tout haut dimanche dernier à Brouage. « En effet, j’ai appris par la presse que je ne repartais pas aux Sénatoriales alors que je n’ai pas fait de déclaration officielle. J’attends d’ailleurs de rencontrer Michel Doublet et Claude Belot » dit-il. Comme vous le savez sans doute, les trois sénateurs de Charente-Maritime seront renouvelables en septembre prochain. Il s’agit de Claude Belot, maire de Jonzac, Michel Doublet, maire de Trizay (élus pour la première fois en septembre 1989) et Jean-Guy Branger (élu en septembre 1998). Aux dernières nouvelles, Daniel Laurent, maire de Pons et Xavier de Roux, maire de Chaniers, brigueraient la place de Jean-Guy Branger (le premier a le soutien de Claude Belot, le deuxième ne l’a pas). Seul hic, Jean-Guy Branger n’a pas encore dit son dernier mot. Voilà qui est un peu compliqué.
Parmi les explications qui circulent actuellement, on prétend que Jean-Guy Branger, de cuir vêtu dimanche dernier tel Indiana, aurait des difficultés de communication avec Claude Belot. Lequel l’aurait ignoré trop longtemps !
La partie s’annonce donc plus complexe que prévu. Voilà qui va mettre de l’animation dans le cercle habituellement ronronnant des sénateurs. Il ne manque plus que des femmes pour égayer la galerie : apparemment, elles viendront de la gauche !
Infos en plus : situation glissante mais non renversante...
À Brouage, tout au moins, où les dernières pluies avaient rendu les pentes un peu
dangereuses pour nos personnalités en visite...
Photo 1 : Ici, Jean-Guy Branger, sénateur et ancien maire de Surgères, a du mal à conserver son équilibre (rassurez-vous, personne n’a cherché à le pousser pour l’éliminer de la prochaine course aux Sénatoriales !)...
Photo 2 : Suivi de Jean-Pierre Raffarin qui fait tout pour garder bon pied, bon œil !
Et il l’a dit tout haut dimanche dernier à Brouage. « En effet, j’ai appris par la presse que je ne repartais pas aux Sénatoriales alors que je n’ai pas fait de déclaration officielle. J’attends d’ailleurs de rencontrer Michel Doublet et Claude Belot » dit-il. Comme vous le savez sans doute, les trois sénateurs de Charente-Maritime seront renouvelables en septembre prochain. Il s’agit de Claude Belot, maire de Jonzac, Michel Doublet, maire de Trizay (élus pour la première fois en septembre 1989) et Jean-Guy Branger (élu en septembre 1998). Aux dernières nouvelles, Daniel Laurent, maire de Pons et Xavier de Roux, maire de Chaniers, brigueraient la place de Jean-Guy Branger (le premier a le soutien de Claude Belot, le deuxième ne l’a pas). Seul hic, Jean-Guy Branger n’a pas encore dit son dernier mot. Voilà qui est un peu compliqué.
Parmi les explications qui circulent actuellement, on prétend que Jean-Guy Branger, de cuir vêtu dimanche dernier tel Indiana, aurait des difficultés de communication avec Claude Belot. Lequel l’aurait ignoré trop longtemps !
La partie s’annonce donc plus complexe que prévu. Voilà qui va mettre de l’animation dans le cercle habituellement ronronnant des sénateurs. Il ne manque plus que des femmes pour égayer la galerie : apparemment, elles viendront de la gauche !
Infos en plus : situation glissante mais non renversante...
À Brouage, tout au moins, où les dernières pluies avaient rendu les pentes un peu
dangereuses pour nos personnalités en visite...
Photo 1 : Ici, Jean-Guy Branger, sénateur et ancien maire de Surgères, a du mal à conserver son équilibre (rassurez-vous, personne n’a cherché à le pousser pour l’éliminer de la prochaine course aux Sénatoriales !)...
Photo 2 : Suivi de Jean-Pierre Raffarin qui fait tout pour garder bon pied, bon œil !
Jean-Pierre Raffarin et Ségolène Royal : La brutale poursuite ?
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Présent dimanche dernier à Brouage aux côtés du Premier Ministre du Québec, Jean-Pierre Raffarin, qui fut Premier Ministre de Jacques Chirac et président la région Poitou-Charentes, n’a pas quitté l’arène politique pour autant. Parmi ses projets, prendre sa revanche sur Ségolène Royal aux prochaines Régionales semble lui tenir à cœur. Elle l’a chassé du Poitou-Charentes, son fief historique, et cet affront ne s’oublie pas ! Il pourrait
également se présenter à la présidence du Sénat, fonction assurée par François Poncelet qui vient de fêter ses 80 ans. Jean-Pierre Raffarin - 60 ans le 3 août prochain - a de
l’ambition, mais il sait se montrer prudent. Lion échaudé craindrait-il l’eau froide ? Il répond à nos questions.
En dehors du personnage historique, que représente pour vous Samuel de Champlain ?
Symbole de lien et d’amitié, Champlain est un trait d’union entre le Nouveau Monde et la France. Pour nous, le Québec représente à la fois l’histoire, tout en partageant une vision commune au XXIe siècle. Il se passe beaucoup de choses au Québec qui n’ont rien à voir avec la culture européenne. C’est donc pour nous une forme de curiosité à la Champlain !
Ce monde moderne est vu de manière souvent différente par les Américains et les Européens. Dans cette relation Québec France, nous avons une langue en commun, mais nous sommes fondamentalement européens et eux sont fondamentalement américains. Il est amusant de le souligner.
Vous ne diriez donc pas, comme le Général de Gaulle, « vive le Québec libre » !
Il est clair que le peuple québécois choisit son propre avenir et que l’évolution historique du Québec est une affaire qui concerne ses habitants. En toutes circonstances, nous soutenons les projets du Québec.
Si vous aviez trois adjectifs pour définir Champlain, quels seraient-ils ?
Moderne parce qu’il va dans des terres inconnues. Il est tourné vers l’avenir, les projets, la modernité. Ensuite, je dirais qu’il est loyal. Il s’installe en Nouvelle France, mais il reste fidèle à ses racines, son territoire. J’ajouterais qu’il est aussi humaniste parce qu’il réfléchit à ce qu’il fait. C’est à la fois un homme d’aventure et un intellectuel qui écrit, s’exprime. C’est un humaniste à la française qui allie horizons nouveaux et traditions.
Revenons à la vie politique. Que devenez-vous, Jean-Pierre Raffarin ?
Je travaille beaucoup au Sénat où j’appartiens à la Commission des Affaires étrangères. Suite au passage de la flamme olympique à Paris qui a généré une crise diplomatique entre nos deux pays, je suis allé récemment en Chine pour essayer d’apaiser les tensions. J’ai participé à la résolution de cette crise. Dernièrement, j’ai représenté le Président de la République à Jérusalem, pour les 60 ans de la création de l’État d’Israël. Cette semaine, je serai à Québec pour un événement important, Futurallia, qui est la dimension économique et sociale du 400e anniversaire de la fondation de Québec. Des entrepreneurs venant du monde entier y seront réunis.
Par ailleurs, en tant que sénateur, je m’occupe de mon département de la Vienne. Je suis de près les affaires régionales et plus particulièrement la préparation des élections régionales de 2010.
Conduirez-vous la liste UMP aux prochaines Régionales ? Élisabeth Morin a été une candidate malchanceuse face à Ségolène Royal...
Nous verrons le moment venu ! Ce qui est clair, c’est qu’il faut une alternance en Poitou-Charentes. Notre Région est en situation financière difficile : on augmente l’endettement et les dépenses peu créatives sont multipliées. Le temps est venu de préparer l’alternance pour que Départements et Région travaillent main dans la main dans un esprit positif et que cessent tensions et querelles, souvent présentes dans le débat politique depuis l’élection de Mme Royal.
Que reprochez-vous à l’actuelle présidente ?
C’est de ne pas avoir un tempérament régional ! C’est-à-dire un tempérament apaisé, relationnel, celui qu’avaient Michel Crépeau, Édith Cresson ainsi qu’un certain nombre de personnalités qui ont développé, dans ce territoire, un esprit de tolérance. Je trouve la façon de diriger de Mme Royal quelque peu brutale. Ce n’est pas l’esprit picto-charentais. Elle est très tentée par une vie politique partisane, faite d’affrontements. Or, la prestance d’une Région se trouve dans sa manière de rassembler. Il ne faut pas toujours se mettre en avant, être le premier. Au contraire, il est important d’aider les communes et les départements à travailler, à mener à bien leurs initiatives. La Région est un facilitateur, ce n’est pas une structure qui doit imposer ses lignes directrices. De ce point de vue là, Mme Royal se trompe de mandat.
Serez-vous candidat à la présidence du Sénat ? Le prochain renouvellement aura lieu prochainement...
Je ferai connaître ma décision au mois de juillet. Tout dépendra de la situation et des candidatures potentielles. Je porte une ambition forte pour un Sénat libre et loyal. Toutefois, je ne souhaite pas qu’une campagne électorale interne au Sénat vienne perturber le travail parlementaire de ce printemps qui est, à mon avis, décisif pour le quinquennat.
Pour conclure, comprenez-vous la position des enseignants qui manifestent actuellement ?
Il faut regarder les choses en face. La France met d’importants moyens dans l’Éducation Nationale. Nous sommes parmi les pays qui investissent le plus et finalement, les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances. Plus de 150.000 jeunes sortent du système sans qualification. Il faut donc le réformer pour qu’il soit de meilleure qualité. Regardons les réalités, parlons ensemble. Il ne faut pas rechercher les frictions qui ne servent pas les élèves, mais la réforme pour une éducation de qualité qui soit mondialement compétitive...
Infos en plus : Sur les origines du nom Raffarin
Le nom Raffarin est surtout porté dans la Vienne. Sans doute un diminutif de Raffard. Raffard : porté dans le Loiret et l’Ardèche, c’est sans doute un nom de personne d’origine germanique, Rafhard (rafon = arracher + hard = dur). Variante : Rafard. Autre possibilité : surnom d’un homme moqueur (sens attesté en ancien français pour rafard et pour le verbe rafarder = railler). Enfin, en occitan, le mot rafar(d) a désigné un mulet âgé de plus de cinq ans, puis un vieux soldat ou un domestique.
Photo 1 : À droite, Jean-Pierre Raffarin avec Dominique Bussereau : Serait-il question des Sénatoriales ?
Présent dimanche dernier à Brouage aux côtés du Premier Ministre du Québec, Jean-Pierre Raffarin, qui fut Premier Ministre de Jacques Chirac et président la région Poitou-Charentes, n’a pas quitté l’arène politique pour autant. Parmi ses projets, prendre sa revanche sur Ségolène Royal aux prochaines Régionales semble lui tenir à cœur. Elle l’a chassé du Poitou-Charentes, son fief historique, et cet affront ne s’oublie pas ! Il pourrait
également se présenter à la présidence du Sénat, fonction assurée par François Poncelet qui vient de fêter ses 80 ans. Jean-Pierre Raffarin - 60 ans le 3 août prochain - a de
l’ambition, mais il sait se montrer prudent. Lion échaudé craindrait-il l’eau froide ? Il répond à nos questions.
En dehors du personnage historique, que représente pour vous Samuel de Champlain ?
Symbole de lien et d’amitié, Champlain est un trait d’union entre le Nouveau Monde et la France. Pour nous, le Québec représente à la fois l’histoire, tout en partageant une vision commune au XXIe siècle. Il se passe beaucoup de choses au Québec qui n’ont rien à voir avec la culture européenne. C’est donc pour nous une forme de curiosité à la Champlain !
Ce monde moderne est vu de manière souvent différente par les Américains et les Européens. Dans cette relation Québec France, nous avons une langue en commun, mais nous sommes fondamentalement européens et eux sont fondamentalement américains. Il est amusant de le souligner.
Vous ne diriez donc pas, comme le Général de Gaulle, « vive le Québec libre » !
Il est clair que le peuple québécois choisit son propre avenir et que l’évolution historique du Québec est une affaire qui concerne ses habitants. En toutes circonstances, nous soutenons les projets du Québec.
Si vous aviez trois adjectifs pour définir Champlain, quels seraient-ils ?
Moderne parce qu’il va dans des terres inconnues. Il est tourné vers l’avenir, les projets, la modernité. Ensuite, je dirais qu’il est loyal. Il s’installe en Nouvelle France, mais il reste fidèle à ses racines, son territoire. J’ajouterais qu’il est aussi humaniste parce qu’il réfléchit à ce qu’il fait. C’est à la fois un homme d’aventure et un intellectuel qui écrit, s’exprime. C’est un humaniste à la française qui allie horizons nouveaux et traditions.
Revenons à la vie politique. Que devenez-vous, Jean-Pierre Raffarin ?
Je travaille beaucoup au Sénat où j’appartiens à la Commission des Affaires étrangères. Suite au passage de la flamme olympique à Paris qui a généré une crise diplomatique entre nos deux pays, je suis allé récemment en Chine pour essayer d’apaiser les tensions. J’ai participé à la résolution de cette crise. Dernièrement, j’ai représenté le Président de la République à Jérusalem, pour les 60 ans de la création de l’État d’Israël. Cette semaine, je serai à Québec pour un événement important, Futurallia, qui est la dimension économique et sociale du 400e anniversaire de la fondation de Québec. Des entrepreneurs venant du monde entier y seront réunis.
Par ailleurs, en tant que sénateur, je m’occupe de mon département de la Vienne. Je suis de près les affaires régionales et plus particulièrement la préparation des élections régionales de 2010.
Conduirez-vous la liste UMP aux prochaines Régionales ? Élisabeth Morin a été une candidate malchanceuse face à Ségolène Royal...
Nous verrons le moment venu ! Ce qui est clair, c’est qu’il faut une alternance en Poitou-Charentes. Notre Région est en situation financière difficile : on augmente l’endettement et les dépenses peu créatives sont multipliées. Le temps est venu de préparer l’alternance pour que Départements et Région travaillent main dans la main dans un esprit positif et que cessent tensions et querelles, souvent présentes dans le débat politique depuis l’élection de Mme Royal.
Que reprochez-vous à l’actuelle présidente ?
C’est de ne pas avoir un tempérament régional ! C’est-à-dire un tempérament apaisé, relationnel, celui qu’avaient Michel Crépeau, Édith Cresson ainsi qu’un certain nombre de personnalités qui ont développé, dans ce territoire, un esprit de tolérance. Je trouve la façon de diriger de Mme Royal quelque peu brutale. Ce n’est pas l’esprit picto-charentais. Elle est très tentée par une vie politique partisane, faite d’affrontements. Or, la prestance d’une Région se trouve dans sa manière de rassembler. Il ne faut pas toujours se mettre en avant, être le premier. Au contraire, il est important d’aider les communes et les départements à travailler, à mener à bien leurs initiatives. La Région est un facilitateur, ce n’est pas une structure qui doit imposer ses lignes directrices. De ce point de vue là, Mme Royal se trompe de mandat.
Serez-vous candidat à la présidence du Sénat ? Le prochain renouvellement aura lieu prochainement...
Je ferai connaître ma décision au mois de juillet. Tout dépendra de la situation et des candidatures potentielles. Je porte une ambition forte pour un Sénat libre et loyal. Toutefois, je ne souhaite pas qu’une campagne électorale interne au Sénat vienne perturber le travail parlementaire de ce printemps qui est, à mon avis, décisif pour le quinquennat.
Pour conclure, comprenez-vous la position des enseignants qui manifestent actuellement ?
Il faut regarder les choses en face. La France met d’importants moyens dans l’Éducation Nationale. Nous sommes parmi les pays qui investissent le plus et finalement, les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances. Plus de 150.000 jeunes sortent du système sans qualification. Il faut donc le réformer pour qu’il soit de meilleure qualité. Regardons les réalités, parlons ensemble. Il ne faut pas rechercher les frictions qui ne servent pas les élèves, mais la réforme pour une éducation de qualité qui soit mondialement compétitive...
Infos en plus : Sur les origines du nom Raffarin
Le nom Raffarin est surtout porté dans la Vienne. Sans doute un diminutif de Raffard. Raffard : porté dans le Loiret et l’Ardèche, c’est sans doute un nom de personne d’origine germanique, Rafhard (rafon = arracher + hard = dur). Variante : Rafard. Autre possibilité : surnom d’un homme moqueur (sens attesté en ancien français pour rafard et pour le verbe rafarder = railler). Enfin, en occitan, le mot rafar(d) a désigné un mulet âgé de plus de cinq ans, puis un vieux soldat ou un domestique.
Photo 1 : À droite, Jean-Pierre Raffarin avec Dominique Bussereau : Serait-il question des Sénatoriales ?
vendredi 16 mai 2008
Mai 1968 : ils y étaient !
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Tous les ans, en mai, les fameux événements de 1968 agitent les mémoires. On cherche une occasion, un prétexte pour retourner dans la rue et ma foi, les sujets d’insatisfaction ne manquent pas.
À l’Éducation Nationale, il n’est pas rare que des mouvements de grève aient lieu à cette période et les salariés du privé en feraient bien autant s’ils pouvaient prendre la liberté de blâmer sans avoir à craindre les lendemains. En 2008, aubaine, voici quarante ans que des pavés tombaient dans la capitale. L’anniversaire du demi-siècle se profile déjà à l’horizon. Peace and love : faites l’amour, pas la guerre !
En fait, toutes les générations rêvent d’avoir "leur mai 68" qui changerait les mentalités et construirait un monde meilleur. Malheureusement, le contexte n’est plus le même. On peut même dire qu’il nous échappe face à la mondialisation !
"Comment avez-vous vécu mai 1968 et quels souvenirs en gardez-vous ?" est la question que nous avons posée "à ceux qui y étaient". Les réponses varient et certaines sont originales.
Elisabeth, secrétaire :
"À Montendre, je me souviens de l’interruption du ramassage scolaire qui conduisait au collège. Je me revois encore “bader” sur le bord de la route cherchant du regard ce bus qui n’arrivait pas ! À la campagne, il n’y avait pas grand agitation, mais les étudiants qui fréquentaient Bordeaux apportaient des nouvelles. Eux-mêmes allaient changer d’apparence avec les cheveux longs, des idées pas trop courtes et les premières pat’ déf ! Une page se tournait, les lycées allaient devenir mixtes et les filles porteraient des pantalons (et bientôt la culotte !). Ceci dit, nous étions encore loin du jeans taille basse et du nombril découvert avec piercing assorti !"
• Jacques Dassié, ingénieur passionné d’aviation :
" Mai 1968... J’avais quarante ans..."
"Et le souvenir d’une grande confusion, d’une incompréhension, d’une révolte plutôt générationnelle, bientôt suivie par tous les preneurs de trains en marche - syndicats en particulier -.
À souligner la grande dualité, grandes métropoles et campagne, où l’impact de ces événements fut ressenti de façon fort différente. À Paris, les images-choc de la télévision, où l’on voyait voler les pavés et leurs corollaires, les grenades lacrymogènes, nous touchaient directement au cœur. Elles se déroulaient en effet dans nos lieux familiers, côtoyés journellement.
Les échos que nous avions de notre famille saintongeaise faisaient état de difficultés mineures. On avait dit qu’à La Rochelle... Mais la vie de tous les jours ne semblait pas perturbée.
Pour nous, Versaillais à l’époque, c’était une toute autre affaire... Le premier problème consistait à se rendre journellement sur son lieu de travail. 20 kilomètres de banlieue, ce n’était pas rien ! Et tout cela pour se retrouver au milieu d’une foule de collègues (nous étions 4000) bloqués devant des grilles fermées, avec quelques délégués syndicaux et une centaine d’ouvriers, narquois, derrière lesdites grilles...
Une anecdote : l’émergence, on peut dire la révélation, de certaines personnalités. Je me souviens d’un délégué syndical de gauche, effacé et pas très malin, invisible en un mot ! Eh bien, je l’ai retrouvé un matin, debout au sommet de l’un des poteaux de la grille principale, haranguant plusieurs centaines d’employés, les magnétisant, les tenant à bout de bras, leur faisant hurler à volonté quelques slogans : il était devenu un véritable tribun politique.
Il n’en demeure pas moins que l’impact financier fut gravissime. Un mois de salaire en moins, c’est dur à absorber, surtout avec quelques crédits en cours...
La libération sexuelle... Bof, elle ne nous préoccupait pas du tout. Marié, heureux et père comblé, avec des filles encore très jeunes, notre cocon familial n’a rien connu de cette “liberté“. Les drames déclenchés touchaient plutôt des jeunes filles devenues femmes et mères trop tôt, parfois rejetées et abandonnées à seize ans, études non terminées et sans emploi. Un bien mauvais départ dans la vie...
Dans les “acquis” que nous considérons comme les plus néfastes, figure l’autodiscipline dans les lycées (heureusement abandonnée depuis). Elle fut responsable d’un énorme gâchis dans les études de mon fils, passé d’une seconde C, avec un an d’avance, au lycée Hoche de Versailles à un bac B, à Marie Curie, avec un an de retard...
Le “tout, tout de suite“ a été responsable d’un nombre élevé de bêtises en tous genres. La connotation du qualificatif “soixante-huitard” est maintenant plutôt péjorative... surtout si on la complète par “attardé” !
Nous n’étions pas politisés, mais fidèles et admiratifs du Général de Gaulle. Nous l’avons toujours soutenu et avons profondément regretté de ne pas être au milieu des Parisiens lors du grand rassemblement sur les Champs Élysées.
Dernière anecdote : je faisais de l’aviation et sur nos terrains, des CRS ont débarqué, installant des centaines de fûts métalliques pour barrer les pistes... Nous étions vraiment des gens dangereux !"
• Jean-Marie Pontaut, rédacteur en chef du service investigation au journal l’Express : "Nous avons sûrement changé la société"
"En Mai 1968, j’étais à Bordeaux en première année de fac de lettres. Notre monde paisible et ordonné a soudain explosé, mais dans une révolution sans risque, extrêmement heureuse et enrichissante.
Quelques scènes me reviennent en vrac. Les gens de tous les milieux, surtout des parents, qui venaient à la faculté pour nous parler, pour comprendre nos motivations, ce que nous voulions. Des échanges très intéressants et parfois émouvants. Parmi les étudiants eux-mêmes, un immense vent de liberté. Les cours magistraux ont été supprimés, les “vieux“ profs interpellés. Les jeunes assistants donnaient des cours de guérilla urbaine - très théoriques - et draguaient les jeunes étudiantes. L’un de mes camarades, jeune séminariste, a changé de cap avec une jolie rousse et, sans doute, de vie ! Nous gardions, la nuit, le campus de Talence pour contrer les attaques imaginaires des “fafa”, les fascistes de la fac de droit... On jouait à la Révolution, mais surtout, on se parlait, tout le temps, le jour, la nuit.
On échangeait des idées. On allait rencontrer les prêtres ouvriers de Bassens pour parler du peuple... Je me souviens d’un sitting, place des Victoires noire de monde et d’une charge des CRS. Ils chargeaient mollement car, après tout, nous étions pour la plupart des fils de famille qui ne mettaient pas la société en danger. Mais nous l’avons sûrement changée profondément..."
• Xavier de Roux, avocat, maire de Chaniers :
« Ne touchez pas au camarade soviétique ! »
En mai 1968, j’avais 28 ans et je regardais les événements à Paris avec une certaine curiosité. J’étais alors jeune avocat et l’un de mes frères, Hervé, occupait le Théâtre de l’Odéon déguisé en clown. Il fallait que je le surveille car il donnait un peu de fil à retordre à la police. On l’avait surnommé « Hervé je me marre » ! Ma famille a fini par l’envoyer à Chaniers où la situation était plus calme !
Ensuite, deux souvenirs m’ont particulièrement frappé. Un ami, journaliste soviétique qui travaillait à la Gazette littéraire de Moscou , m’appelle un beau matin pour m’annoncer son arrivée. Je réponds : « Que viens-tu faire ici, au milieu de toute cette agitation ? ». « Je ne sais pas, je viens voir » explique-t-il. Il débarque et me demande si je peux le conduire à la Sorbonne, alors occupée. Nous voilà partis dans ce lieu mythique. Or, au beau milieu de la cour, trônait un énorme temple maoïste que tenaient d’ailleurs les mêmes personnes qui, aujourd’hui, protestent contre la Chine et les violations des droits de l’homme. À l’époque, elles avaient toutes le poing levé vers le ciel pour le dieu Mao !
Devant ce stand, Arkady Vaksderg s’offusque : « un stand fasciste en plein Paris, c’est scandaleux » dit-il. À ce moment-là, en effet, une grande brouille opposait l’URSS et la Chine. J’ai cru que l’affaire allait tourner à l’émeute et que mon visiteur allait se faire massacrer. Je me suis interposé en expliquant que c’était un camarade soviétique. Qu’il soit au cœur de la révolution parisienne a calmé les esprits ! Suivit un échange de paroles assez fortes sur les mérites comparés des régimes soviétique et maoïste.
Mon deuxième souvenir se situe vers la fin des événements. Avec un associé, je revenais de Bruxelles avec une voiture bourrée de jerricanes d’essence, carburant devenu rare en France, quand le Général de Gaulle a parlé. Il faut se souvenir qu’il n’a pas utilisé la télévision, mais la radio, comme en juin 40 ! Il a fait un discours de guerre civile, d’une brutalité terrible en disant de se regrouper en comités dans tous les chefs-lieux de canton, de se mobiliser. Il arrivait de Baden-Baden où il avait rencontré Massu et les généraux français. Nous rentrions donc par l’autoroute du Nord et en arrivant près de Paris, nous avons commencé à doubler des colonnes de chars. Nous étions inquiets car nous pensions que les choses allaient dégénérer dans la capitale. En arrivant aux Champs Élysées, ce n’était pas la guerre civile, mais une forêt de drapeaux tricolores. Il y avait une foule immense dans la rue qui voulait marcher sur la Sorbonne. C’était le retournement de situation, la magie du gaullisme qui, après avoir un peu pataugé, était en train de réussir. Ce fut la fin de mai 1968 avec Debré et Malraux en tête de cortège.
En 1968, nous étions encore en pleine croyance idéologique et les gens pensaient qu’ils pouvaient changer le monde. Ce printemps n’a pas été uniquement parisien, ce fut aussi celui des Pays de l’Est pour des raisons différentes. Un vent de liberté a soufflé.
Photo 1 : Foule de jeunes manifestants.
Tous les ans, en mai, les fameux événements de 1968 agitent les mémoires. On cherche une occasion, un prétexte pour retourner dans la rue et ma foi, les sujets d’insatisfaction ne manquent pas.
À l’Éducation Nationale, il n’est pas rare que des mouvements de grève aient lieu à cette période et les salariés du privé en feraient bien autant s’ils pouvaient prendre la liberté de blâmer sans avoir à craindre les lendemains. En 2008, aubaine, voici quarante ans que des pavés tombaient dans la capitale. L’anniversaire du demi-siècle se profile déjà à l’horizon. Peace and love : faites l’amour, pas la guerre !
En fait, toutes les générations rêvent d’avoir "leur mai 68" qui changerait les mentalités et construirait un monde meilleur. Malheureusement, le contexte n’est plus le même. On peut même dire qu’il nous échappe face à la mondialisation !
"Comment avez-vous vécu mai 1968 et quels souvenirs en gardez-vous ?" est la question que nous avons posée "à ceux qui y étaient". Les réponses varient et certaines sont originales.
Elisabeth, secrétaire :
"À Montendre, je me souviens de l’interruption du ramassage scolaire qui conduisait au collège. Je me revois encore “bader” sur le bord de la route cherchant du regard ce bus qui n’arrivait pas ! À la campagne, il n’y avait pas grand agitation, mais les étudiants qui fréquentaient Bordeaux apportaient des nouvelles. Eux-mêmes allaient changer d’apparence avec les cheveux longs, des idées pas trop courtes et les premières pat’ déf ! Une page se tournait, les lycées allaient devenir mixtes et les filles porteraient des pantalons (et bientôt la culotte !). Ceci dit, nous étions encore loin du jeans taille basse et du nombril découvert avec piercing assorti !"
• Jacques Dassié, ingénieur passionné d’aviation :
" Mai 1968... J’avais quarante ans..."
"Et le souvenir d’une grande confusion, d’une incompréhension, d’une révolte plutôt générationnelle, bientôt suivie par tous les preneurs de trains en marche - syndicats en particulier -.
À souligner la grande dualité, grandes métropoles et campagne, où l’impact de ces événements fut ressenti de façon fort différente. À Paris, les images-choc de la télévision, où l’on voyait voler les pavés et leurs corollaires, les grenades lacrymogènes, nous touchaient directement au cœur. Elles se déroulaient en effet dans nos lieux familiers, côtoyés journellement.
Les échos que nous avions de notre famille saintongeaise faisaient état de difficultés mineures. On avait dit qu’à La Rochelle... Mais la vie de tous les jours ne semblait pas perturbée.
Pour nous, Versaillais à l’époque, c’était une toute autre affaire... Le premier problème consistait à se rendre journellement sur son lieu de travail. 20 kilomètres de banlieue, ce n’était pas rien ! Et tout cela pour se retrouver au milieu d’une foule de collègues (nous étions 4000) bloqués devant des grilles fermées, avec quelques délégués syndicaux et une centaine d’ouvriers, narquois, derrière lesdites grilles...
Une anecdote : l’émergence, on peut dire la révélation, de certaines personnalités. Je me souviens d’un délégué syndical de gauche, effacé et pas très malin, invisible en un mot ! Eh bien, je l’ai retrouvé un matin, debout au sommet de l’un des poteaux de la grille principale, haranguant plusieurs centaines d’employés, les magnétisant, les tenant à bout de bras, leur faisant hurler à volonté quelques slogans : il était devenu un véritable tribun politique.
Il n’en demeure pas moins que l’impact financier fut gravissime. Un mois de salaire en moins, c’est dur à absorber, surtout avec quelques crédits en cours...
La libération sexuelle... Bof, elle ne nous préoccupait pas du tout. Marié, heureux et père comblé, avec des filles encore très jeunes, notre cocon familial n’a rien connu de cette “liberté“. Les drames déclenchés touchaient plutôt des jeunes filles devenues femmes et mères trop tôt, parfois rejetées et abandonnées à seize ans, études non terminées et sans emploi. Un bien mauvais départ dans la vie...
Dans les “acquis” que nous considérons comme les plus néfastes, figure l’autodiscipline dans les lycées (heureusement abandonnée depuis). Elle fut responsable d’un énorme gâchis dans les études de mon fils, passé d’une seconde C, avec un an d’avance, au lycée Hoche de Versailles à un bac B, à Marie Curie, avec un an de retard...
Le “tout, tout de suite“ a été responsable d’un nombre élevé de bêtises en tous genres. La connotation du qualificatif “soixante-huitard” est maintenant plutôt péjorative... surtout si on la complète par “attardé” !
Nous n’étions pas politisés, mais fidèles et admiratifs du Général de Gaulle. Nous l’avons toujours soutenu et avons profondément regretté de ne pas être au milieu des Parisiens lors du grand rassemblement sur les Champs Élysées.
Dernière anecdote : je faisais de l’aviation et sur nos terrains, des CRS ont débarqué, installant des centaines de fûts métalliques pour barrer les pistes... Nous étions vraiment des gens dangereux !"
• Jean-Marie Pontaut, rédacteur en chef du service investigation au journal l’Express : "Nous avons sûrement changé la société"
"En Mai 1968, j’étais à Bordeaux en première année de fac de lettres. Notre monde paisible et ordonné a soudain explosé, mais dans une révolution sans risque, extrêmement heureuse et enrichissante.
Quelques scènes me reviennent en vrac. Les gens de tous les milieux, surtout des parents, qui venaient à la faculté pour nous parler, pour comprendre nos motivations, ce que nous voulions. Des échanges très intéressants et parfois émouvants. Parmi les étudiants eux-mêmes, un immense vent de liberté. Les cours magistraux ont été supprimés, les “vieux“ profs interpellés. Les jeunes assistants donnaient des cours de guérilla urbaine - très théoriques - et draguaient les jeunes étudiantes. L’un de mes camarades, jeune séminariste, a changé de cap avec une jolie rousse et, sans doute, de vie ! Nous gardions, la nuit, le campus de Talence pour contrer les attaques imaginaires des “fafa”, les fascistes de la fac de droit... On jouait à la Révolution, mais surtout, on se parlait, tout le temps, le jour, la nuit.
On échangeait des idées. On allait rencontrer les prêtres ouvriers de Bassens pour parler du peuple... Je me souviens d’un sitting, place des Victoires noire de monde et d’une charge des CRS. Ils chargeaient mollement car, après tout, nous étions pour la plupart des fils de famille qui ne mettaient pas la société en danger. Mais nous l’avons sûrement changée profondément..."
• Xavier de Roux, avocat, maire de Chaniers :
« Ne touchez pas au camarade soviétique ! »
En mai 1968, j’avais 28 ans et je regardais les événements à Paris avec une certaine curiosité. J’étais alors jeune avocat et l’un de mes frères, Hervé, occupait le Théâtre de l’Odéon déguisé en clown. Il fallait que je le surveille car il donnait un peu de fil à retordre à la police. On l’avait surnommé « Hervé je me marre » ! Ma famille a fini par l’envoyer à Chaniers où la situation était plus calme !
Ensuite, deux souvenirs m’ont particulièrement frappé. Un ami, journaliste soviétique qui travaillait à la Gazette littéraire de Moscou , m’appelle un beau matin pour m’annoncer son arrivée. Je réponds : « Que viens-tu faire ici, au milieu de toute cette agitation ? ». « Je ne sais pas, je viens voir » explique-t-il. Il débarque et me demande si je peux le conduire à la Sorbonne, alors occupée. Nous voilà partis dans ce lieu mythique. Or, au beau milieu de la cour, trônait un énorme temple maoïste que tenaient d’ailleurs les mêmes personnes qui, aujourd’hui, protestent contre la Chine et les violations des droits de l’homme. À l’époque, elles avaient toutes le poing levé vers le ciel pour le dieu Mao !
Devant ce stand, Arkady Vaksderg s’offusque : « un stand fasciste en plein Paris, c’est scandaleux » dit-il. À ce moment-là, en effet, une grande brouille opposait l’URSS et la Chine. J’ai cru que l’affaire allait tourner à l’émeute et que mon visiteur allait se faire massacrer. Je me suis interposé en expliquant que c’était un camarade soviétique. Qu’il soit au cœur de la révolution parisienne a calmé les esprits ! Suivit un échange de paroles assez fortes sur les mérites comparés des régimes soviétique et maoïste.
Mon deuxième souvenir se situe vers la fin des événements. Avec un associé, je revenais de Bruxelles avec une voiture bourrée de jerricanes d’essence, carburant devenu rare en France, quand le Général de Gaulle a parlé. Il faut se souvenir qu’il n’a pas utilisé la télévision, mais la radio, comme en juin 40 ! Il a fait un discours de guerre civile, d’une brutalité terrible en disant de se regrouper en comités dans tous les chefs-lieux de canton, de se mobiliser. Il arrivait de Baden-Baden où il avait rencontré Massu et les généraux français. Nous rentrions donc par l’autoroute du Nord et en arrivant près de Paris, nous avons commencé à doubler des colonnes de chars. Nous étions inquiets car nous pensions que les choses allaient dégénérer dans la capitale. En arrivant aux Champs Élysées, ce n’était pas la guerre civile, mais une forêt de drapeaux tricolores. Il y avait une foule immense dans la rue qui voulait marcher sur la Sorbonne. C’était le retournement de situation, la magie du gaullisme qui, après avoir un peu pataugé, était en train de réussir. Ce fut la fin de mai 1968 avec Debré et Malraux en tête de cortège.
En 1968, nous étions encore en pleine croyance idéologique et les gens pensaient qu’ils pouvaient changer le monde. Ce printemps n’a pas été uniquement parisien, ce fut aussi celui des Pays de l’Est pour des raisons différentes. Un vent de liberté a soufflé.
Photo 1 : Foule de jeunes manifestants.
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