Marie-Olivia Rocca, présidente de l'association de Défense des Intérêts de Victimes de Xynthia, lance un véritable cri du cœur :
Les habitants d'Aytré subissent aujourd'hui et depuis maintenant trois mois les conséquences insupportables, intolérables de la tempête Xynthia.
Les habitants des zones dites de solidarité ont vécu un deuil terrible.
Celui de perdre le travail d'une vie. Celui de voir les chambres de leurs enfants dévastées, celui de voir leurs souvenirs engloutis, transformés en tas de boue, en amoncellement d'ordures sur la voie publique, celui de devoir jeter les objets, les photos auxquels ils tenaient plus que tout. Celui de voir certain de leurs voisins disparus dans l'eau sale et froide de cette nuit là.
Mon exemple personnel est parlant, autant que celui de chacun des sinistrés. J'ai une petite fille, Eden-marie, de six mois, qui le lendemain de ses trois mois, le 28 février, n'avait déjà plus d'histoire.
N'est ce pas assez dans une vie que de voir s'effacer ces souvenirs. Doit-on aussi faire de l'endroit que nous avions tous choisi pour vivre se transformer en mauvais souvenir, en ville fantôme?
Doit-on considérer que les personnes, hommes, femmes, en qui nous avions confiance, pour qui nous avons voté, n'utilisent leurs mandats que pour appliquer une politique inepte, incompréhensible, inéquitable?
Ne sommes nous plus dans ce pays qui avait valeur d'exemple depuis maintenant plusieurs siècles pour sa démocratie?
Tout cela nous conduit au premier point que je souhaite ici mettre en avant.
• Traitement inégal des communes sinistrées
Nous observons un traitement inégal des communes, non pas par leur coefficient de risque pour leur population mais bien par leur attrait, leur histoire, leur valeur tout simplement.
J'entends, je comprends, en lisant entre les lignes, puisque sortie de Sciences Po il y a quelques années, c'est ce que j'y ai très bien appris, lire entre les lignes.
J'entends donc qu'on sauve Boyardville, qu'on sauve l'île d'Aix, qu'on sauve le village des Boucholeurs.
Aytré, la route de la plage, la rue des claires, notre zone maintenant tachée de noir, procédé qui n'est pas sans me rappeler une sombre mémoire historique, cette zone donc n'a pas en son sein de monuments historiques.
Notre zone noire n'est pas la plus attrayante pour les politiques qui vont plus loin se faire dorer. Pourtant, pour chacun de ses habitants, elle est un coin de paradis, le berceau de leur famille pour beaucoup, l'investissement immobilier d'une vie pour tous.
Pour chaque famille, son foyer est son propre monument historique. Personne n'est venu vivre dans cette zone par hasard. J'en juge par le prix des terrains dans cette zone, j'en juge par le soin apporté à chaque construction, par l'entretien des jardins, et surtout l'esprit familial et de cohésion qui y régnait.
Savez-vous que ceux qui grelottaient sur leur toit cette nuit là ne tremblaient pas pour eux mais pour leurs voisins, amis, pour les enfants qu'ils y ont vu grandir?
Cette vie de quartier là est à elle seule un patrimoine. Cessons de graduer la valeur des communes, cessons de faire d'une vieille bâtisse l'argument premier pour le sauvetage d'un village. Aytré n'est pas une sous commune, et ses habitants n'ont pas à subir un tel traitement inégalitaire.
• Critères de mise en sécurité
Cessons de demander à chacun la hauteur d'eau constatée dans leur maison. Cette question était l'une des premières posées par les sénateurs en table ronde avec les associations lors de leur venue en préfecture, au mois d'avril. Hauteur qui leur faisaient ouvrir de grand yeux terrifiés.
Sur votre étiquette de sinistré, vous êtes déjà tachés d'une couleur, vous voilà flanqués d'une hauteur d'eau.
Posez les bonnes questions : pourquoi l'eau est entrée ce jour dans les maisons? Quelle est l'occurrence d'un tel phénomène? Comment protéger, parfois simplement, les populations qui ont choisi de vivre ici.
Ceux qui vivent près de l'océan le connaissent, et son loin d'être inconscients. Ils aiment cet océan et parfois admirent ses caprices. Navigateurs, pécheurs de métier ou du dimanche, qu'importe, leur choix leur appartient.
Ecoutez, encore, ceux qui vivent à Aytré depuis toujours et savent dire que la dune était la meilleure protection contre ces caprices de l'océan. Ne laissez pas ceux qui ont aujourd'hui près de quatre vingt ans partir en se disant que toute leur mémoire ne sert à rien et doit être formatée.
Cela serait la moindre des choses que d'agir en concertation. Est-ce une utopie que d'entendre ceux qui sont les premiers concernés. La démocratie n'est-elle plus qu'une utopie?
Nous n'avons pas vu d'experts sur le terrain, hormis ceux que nous avons nous même fait venir.
Tout le mois de mars, nous tenions les permanences de l'association dehors, sur la route de la plage, du matin au soir. Nous ne sommes pas frappées de cécité. Personne ne nous a demandé de nous prononcer. Je n'imagine même pas quelle serait aujourd'hui l'information des sinistrés sans l'existence d'association dans chaque commune.
Je suis atterrée d'avoir connaissance des documents qui devaient être remis à la mairie et aux habitants par la Préfecture, par des voies détournées, de copinages entre anciens de promotion de Polytechnique. Je suis toujours la seule à les avoir, ainsi que notre avocat.
Je suis atterrée de voir que ces documents ressemblent à un exposé de cancre de collège, où le sens du courant lors de la tempête est dans le mauvais sens. Où l'on tente de faire croire que l'eau a submergé la dune.
Notre belle dune, blessée par les bulldozers pour faire des parkings, des campings, des accès à la plage, a été, comme par le miracle d'un chirurgien de génie, réparée en une semaine après la tempête par ces mêmes bulldozers. Je ne suis pas experte des questions techniques, mais je ne me sens plus en danger chez moi aujourd'hui, la dune ainsi pansée.
• Protection des populations après Xynthia
Aujourd'hui, chaque commune œuvre comme elle peut dans une torpeur qui dure depuis trois mois.
L'Etat est le garant de la sécurité de ses citoyens. La sécurité passe par la protection du littoral. Etudions les protections avant de forcer ceux qui souhaitent rester dans leurs maisons à partir. Aidez les communes qui, par une conjugaison malheureuse n'ont pas les moyens financiers et humains de mettre en place des études de protections, des plans de sauvegarde communaux. Faisons les choses dans l'ordre.
Je n'ai jamais appris que l'on doit agir, puis réfléchir. Je ne pense pas que l'on apprenne cela à l'Ena, ni même lorsqu'on a fait des études de droit...
• L'Etat est le garant de l'ordre publique
Pensez-vous que les tempêtes qui ont lieu dans l'esprit de chacun, que les idées noires et comportements déviants qui se manifestent chez les sinistrés sont synonymes d'ordre public. Qui ne dit mot ne consent pas toujours. Ici, qui ne dit mot parfois subit et souffre.
Toutes les bonnes volontés se sont portées candidates pour étudier les protections et aider chaque sinistré à faire les meilleurs choix. Universitaires, experts, avocats, urbanistes et architectes, pays voisins et lointains se sont manifestés pour apporter leur soutien. C'est en cela que j'entends une solidarité nationale, et non pas dans le rachat des biens mené au pas de charge.
Je ne peux pas porter l'avenir d'Aytré seule avec une association, la mairie ne le peut pas non plus seule, compte-tenu de l'importance des décisions à prendre et des moyens à mobiliser.
Montrez nous que vous savez nous aider. Non pas que vous savez autre chose que les sinistrés mais bien que vous savez mieux que les sinistrés.
Vous avez été élus, et nous attendons, exsangues, un geste qui permettra à chacun de faire un choix qui sera, pour une fois, depuis trois mois, le leur.
Veuillez recevoir ici l'expression de mes salutations distinguées, ainsi que tout mon espoir.
Association de Défense des Intérêts des Victimes de Xynthia
30 route de la plage
17440 Aytré
30 route de la plage
17440 Aytré