Le château de Jonzac, qui trône fièrement sur son roc et dont le châtelet est en cours de restauration, n'est pas le premier édifié dans la ville. L'historien Marc Seguin a fait avancer la connaissance sur le sujet. A proximité de l'actuel "chemin de ronde", un château-fort, appartenant à Arnaud de Sainte Maure, s’élevait non loin de la Seugne. Il a été ruiné par la Guerre de Cent Ans.
Vers ce que l’on appelle "le chemin de ronde", une étude des lieux conforte cette hypothèse. Dans un acte établi entre les frères Pineau en février 1559, une mention a suscité l’intérêt de l'historien Marc Seguin. Une maison, sise dans le bourg de Jonzac, près de la halle (là où se trouvent les tilleuls d’Italie), aurait été proche du « vieux château de Jonzac », autrement dit d’un édifice médiéval qui devait être en piteux état.
Qu’un ancien château ait existé à cet endroit semble une évidence ! Il subsiste des témoignages dans la pierre (base de tour, meurtrières, archères dans les galeries noires) et que dire des corbeaux qui soutenaient le chemin de ronde situé face à la Seugne. Rivière d’où pouvaient surgir des assaillants. A cette époque, les maisons compactes devaient constituer une sorte de muraille. Quant au « promontoire » où se trouve le château actuel, peut-être y avait-on installé une tour de guet pour observer la plaine ?
Sur les façades des maisons environnantes, on remarque la présence de corbeaux qui devaient soutenir l’ancien chemin de ronde. Situé au sol, l’actuel chemin de ronde n’aurait pas eu un rôle défensif. Dans tout ce périmètre, les caves laissent apparaître de nombreux témoignages du passé, ouvertures, portes cloutées, silos. « Au XVIe siècle, si l’on éprouve le besoin d’évoquer le vieux château, c’est par opposition à un nouveau, celui que nous avons sous les yeux » souligne Marc Seguin. « La maison dont il est question, comme ses voisines, était vraisemblablement construites sur les fondations et les caves de vieux château. Il devait occuper l’espace aujourd’hui couvert par les immeubles du n° 26 au n° 37 ».
On peut en conclure que dans la seconde moitié du XVIe, les habitants apercevaient encore les vestiges d’une forteresse qui devait leur servir de... carrière et dont ils utilisaient les pierres pour leurs constructions.
L'actuel chemin de ronde constitue une visite très pittoresque dans le vieux Jonzac (à voir le jardin médiéval à proximité) |
Dans quel état se trouvait Jonzac un siècle plus tôt ? Dans « ses études historiques sur l’arrondissement de Jonzac » parues en 1864, Pierre Damien Rainguet prétend qu’au XVème, Jonzac était « un poste militaire rendu fameux par la nature et par l’art ». Marc Seguin ne partage pas cette analyse : « au contraire, démoli et ruiné, le village ne présentait aucun intérêt stratégique ». D’ailleurs, le lieu aurait été à peu près désert à la fin de la Guerre de Cent Ans…
Pour arriver à cette conclusion, il se base sur des documents. Dans la première moitié du XVe siècle, l’ancien château dont il est question appartient à Arnaud de Sainte Maure, seigneur de Jonzac, Montauzier et Chaux. Courageux, il combat l’Anglais qu’il faut bouter hors de France.
Mal lui en prend : les soldats du roi d'Angleterre - duc de Guyenne - le capturent et lui confisquent ses biens. Fait deux fois prisonnier, il passe plus de dix ans en captivité.
Enfin libre, il préfère se réfugier derrière les solides murailles de la ville de Pons. Dans ces conditions, privé de propriétaire, le château-fort de Jonzac est abandonné. Interrogés en 1460, lors d’un procès qui oppose le puissant seigneur d’Archiac à celui de Jonzac, des paysans reconnaissent, comme le laboureur Penot Seguin de Neulles ou Marion Delagarde de Réaux, que la châtellenie de Jonzac est déserte et inhabitée. « Si l’on récapitule, le château-fort a donc été détruit une première fois, réparé, repris et occupé par une garnison anglaise, puis démoli par ces derniers » explique M. Seguin.
Autre épreuve pour Arnaud de Sainte Maure, le seigneur d’Archiac a profité de son absence pour s’approprier ses terres, à Neulles notamment. Les habitants, qui n’apprécient guère, demandent l’intervention de leur protecteur. Malheureusement, il est mal placé pour leur porter secours…
Plus on descend vers le Sud Saintonge, plus les paroisses sont vides. Ainsi, à Mérignac, « il n’y a aucun labourage, seulement des bois et des buissons ». En remontant vers le Nord, par contre, l’activité est plus dense. Toutefois, il ne faut pas être défaitiste. « Une ou deux générations ont su s’adapter, les laboureurs disposent de nombreuses terres à cultiver, moyennant redevance » déclare l'historien. Avec le temps, l’élevage se porte bien, cochons, vaches dans les landes. La vie reprend. Les hommes, arbalète à la main, passent leur temps à chasser. Le seigneur fait alors valoir son droit de quartier, c’est-à-dire qu’on lui remet un quartier arrière du cerf qui a été abattu.
Le château que nous connaissons, qui abrite mairie et sous-préfecture, a été construit vers 1470 par Renaud de Sainte-Maure, fils d’Arnaud. « Le nouveau château de Jonzac est le résultat d’une véritable résurrection » estime Marc Seguin. En effet, après la guerre interminable qui opposa les Français aux Anglais (1337-1453), les territoires reprennent de la vigueur. A Jonzac, les Sainte Maure et leurs officiers réussissent un exploit, celui d’attirer du sang neuf entre leurs murs. Au XVIe siècle en effet, Jonzac est devenu « un bourg populeux ».
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