Récréer l’immensité des steppes afghanes, vivre la ferveur des tournois de Bouzkachi, adapter à la scène "Les Cavaliers", le roman de Joseph Kessel, n’était pas une "entreprise" ordinaire. Eric Bouvron a réussi cette performance grâce à une harmonie métamorphosant les comédiens et la magie des sons.
Joseph Kessel nous fait rêver par son écriture, ses voyages et cette liberté à nous conduire vers des univers inconnus. En 1967, quand Les Cavaliers ont été publiés, l’Afghanistan était pour de nombreux Occidentaux une terre lointaine où se pratiquait un jeu guerrier appelé Bouzkachi, sport national qui consiste pour les tchopendoz à récupérer la dépouille d’un bouc et la jeter dans un cercle selon des règles précises. Les lecteurs avaient alors vécu, à travers les observations détaillées de l’auteur, une histoire inattendue, haute en couleurs.
Vendredi soir, grâce à l'adaptation d’Eric Bouvron, le public réuni au centre des congrès de Jonzac, a partagé cette aventure dépaysante que renforce la complexité des personnages. Il était difficile de réunir sur scène une soixantaine de chevaux : qu’à cela ne tienne, les tabourets sont entrés dans la danse animés par les héros de l'intrigue, le vieux Toursène aux prises avec les exigences d’un cœur qu’il a longtemps fait taire, son fils l’ambitieux Ouroz et Jehol, le cheval de toutes les envies… sans oublier le serviteur. Chacun endosse un rôle pour mieux en changer avec une facilité déconcertante. Les tenues se transforment, les ambiances se libèrent. Mouvements, couleurs se combinent. L’ensemble est sublimé par la voix et les sons que prodigue Khalid K. Musique envoûtante, presque chamanique qui fait vibrer l’assistance au rythme du périple d’Ouroz.
Les tenues se transforment, les ambiances se libèrent |
Le voici blessé à la jambe, humilié d’avoir perdu le Bouzkachi, voulant rentrer dans sa province de Maïmana aux côtés de Mokkhi et sa tentatrice compagne Zéré. Tous deux tentent de l’assassiner pour posséder Jehol. Le roman aiguise les sentiments humains, l’orgueil, la convoitise, la trahison, l’espoir et bientôt la sagesse. Quel que soit le lieu, les vanités restent les mêmes ! Amputé, Ouroz l’endiablé renaît de ses cendres et rentre. Il restera tchopendoz : « il y a eu des tchopendoz célèbres depuis les temps et les temps. Tu es des plus grands. Mais as-tu déjà entendu parler d’un vainqueur à qui il manquait une jambe ? Eh bien, il y en aura un désormais et ce sera Ouroz. Et qui, l’an prochain, par le Prophète, remportera sur Jehol le fanion du Roi » dit-il à son père qui médite : « Et comment savoir ? Peut-être grâce à cela, dans cent ans, on parlera du tchopendoz sans pareil à qui il manquait une jambe »...
Saluons le talent des comédiens et la mise en scène |
Ouroz blessé et en danger... |
Mokkhi et sa tentatrice compagne Zéré |
Bravo à Eric Bouvron et aux comédiens pour cette interprétation poétique et envoûtante à la croisée des routes, entre voyage initiatique et monde authentique dont Joseph Kessel a ouvert les portes à la suite d’Ouroz, dans sa longue chevauchée en quête d'éternité. Cette soirée était une belle rencontre en ouverture de Prélude au Printemps qui privilégie la culture : voilà qui donne du baume au cœur en cette période bouleversée par l'actualité.
Sur scène, Benjamin Penamaria, Eric Bouvron,Vanessa Krycène, Khalid K |
Comment un tabouret se transforme en cheval ! |
• Le renouveau de Prélude au printemps, animation culturelle proposée par la ville de Jonzac qui s'était arrêtée en mars 2020 en raison du covid après le spectacle d'Eric Emmanuel Schmitt, "Madame Pylinska et le Secret de Chopin".
• Le fonds Kessel, principalement conservé à La Rochelle, a été confié à Pascal Génot, l’un des ayants droit de l’auteur qui a aussi l’exercice du droit moral, au printemps 2018.
Autres spectacles :
• Les raisins de la colère, spectacle théâtral d'après le roman de John Steinbeck vendredi 11 mars à 20 h 30 au centre des congrès de Jonzac.
• Concert exceptionnel d'orgue, de violon et de violoncelle samedi 2 avril à 20 h 30 en l'église Saint Gervais de Jonzac avec Vincent Dubois, Marie-Claudine Papadopoulos et Alexandre Vay.
Inscriptions l'office de tourisme 05 46 48 49 29
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