Moment d’émotion à Saintes
Lundi dernier, c’est à Saintes que l’association « Une patte pour un sourire » a remis officiellement le premier chien médiateur à Jordan Baudot, 18 ans, atteint de trisomie. Ce labrador à la robe chocolat, qui répond au nom de Hope, accompagnera le jeune homme dans le centre pour adultes qu’il rejoindra dans deux ans.
Jordan avec sa mère et Isabelle Platey |
Aline n’était pas préparée à cette épreuve qui s’est transformée en une belle preuve d’amour. De ce chemin de vie, qu’elle compare à un « combat permanent », elle parle avec franchise. « Avec un enfant trisomique, le quotidien est bouleversé. Jordan ne parle pas, mais il participe à sa façon. Il comprend tout ce qu’on lui dit. Et pour cela, il a été stimulé par sa famille qui l’entoure avec affection ».
Un jour, Jordan s’est retrouvé seul à la maison. C’est alors que sa mère, recherchant de l’aide, s’est adressée au centre Aliénor basé à Mérignac. On y dresse des chiens pour aveugles, mais aussi des chiens dits « médiateurs » qui sont remis gratuitement à des enfants atteints d’une déficience telle que l’autisme, la trisomie ou présentant une inadaptation sociale. Pour Jordan, avoir un compagnon à quatre pattes serait la présence idéale puisque des liens étroits se créent au fil des mois. Le premier compagnon de Jordan a été Reychou, chien guide à la retraite, qui a ainsi trouvé une nouvelle mission. « Ce fut une merveilleuse aventure. Le chien l’a aidé dans sa vie de tous les jours en lui donnant confiance. L’animal, malheureusement, est mort et Jordan a parfaitement compris qu’il ne le reverrait plus » avoue sa mère. Le jeune homme était inquiet. C’est alors que Hope, une jolie chienne labrador de deux ans, est entrée dans sa vie grâce à l’association « Une patte pour un sourire ». Depuis, ils ne se quittent plus !
Aline, la mère de Jordan |
« Je suis fière que nous ayons offert ce chien à Jordan »
Lundi après-midi, à la salle Saintonge, la scène faisait plaisir à voir. Elle réunissait Jordan, sa sœur et Hope (espoir en anglais), premier chien médiateur, qui posait comme une star au pied de son maître. « Jordan s’occupe d’elle. Il la brosse, elle lui donne la patte, ils s‘amusent ensemble » souligne Aline. Cette complicité est perceptible.
Quand Isabelle Platey, responsable de l’association, a pris la parole, elle n’a pas pu retenir ses larmes. « Je suis fière que nous ayons pu offrir ce chien à Jordan. De plus, son nom symbolise l’espoir ! » dit-elle. Marie, l’une des éducatrices, rappela que Hope devait être destinée aux mal-voyants : « il arrive parfois que l’animal ne corresponde pas à ce qu’on attend de lui. Au lieu de les réformer, nous avons eu l’idée de les destiner aux jeunes qui rencontrent des difficultés. Ils deviennent chiens médiateurs » dit-elle.
L’association fonctionne grâce aux dons des particuliers car elle est indépendante du Centre Aliénor. Une chienne comme Hope coûte environ 8 000 euros. Les chiots sont sélectionnés et suivent un apprentissage particulier. Hope a été élevée par la famille Lamarque, demeurant en Charente, puis éduquée par Nathalie. « Nous accueillons les chiens de 2 mois à 18 mois. Ils reçoivent leurs cours de dressage à Mérignac. L’animal revient régulièrement à la maison avant d’être placé » explique Marie-Christine Lamarque qui héberge actuellement un chiot de trois mois. Cette proximité ancienne explique pourquoi Hope était contente de revoir son ancienne « hôtesse » !
Christian Gentier, responsable du Centre Aliénor, en profita pour remercier toutes les familles d’accueil. Les personnalités présentes saluèrent cette belle initiative, que ce soit Catherine Quéré, député, ou Margarité Sola, maire adjoint : « j’ai vu naître Cannelle et Jordan. Hope est la chienne de toute la famille ». Aline, la mère de Jordan, précisa que Hope partira avec Jordan au centre pour adultes qu’il rejoindra à l’âge de 20 ans. « Je suis heureuse et flattée que cette première remise d’un chien médiateur ait lieu à Saintes, la ville où mes enfants ont grandi. L’un d’eux a appartenu au conseil municipal pour enfants. Cette fois-ci, Jordan met sa ville à l’honneur. Ma gratitude à tous car le parcours n’a pas toujours été facile. Contrairement à la chanson de Lynda Lemay, je projette mon fils dans l’avenir. Pour moi, c’est un trésor ». Et d‘ajouter « quand Jordan se promène avec sa chienne, tout se passe bien dans les transports en commun ou dans les commerces. Les Saintais sont sympas ».
Margarita Sola poussa un soupir de soulagement : « Bien sûr qu’ils sont sympas ! C’est une ville formidable ! ». Tout le monde, en effet, peut être confronté au handicap et les réflexions que font parfois certaines personnes sur la « différence » ne les protègent pas de la subir un jour…
Cette rencontre se termina par le verre de l’amitié et des informations sur l‘association qui peut recevoir des dons et des legs pour son fonctionnement. Par le travail qu’elle accomplit, ses actions méritent d’être citées en exemple. « Ces chiens font l’objet de toutes les attentions. Nous sommes de plus en plus exigeants quant à leur sélection et celles des familles d’accueil. L’éducation de ces fabuleux auxiliaires est onéreuse, c’est pourquoi nous avons toujours un si grand besoin de vous » explique Christian Gentier.
• Jordan parle de sa chienne Reychou, aujourd’hui disparue, que Hope a remplacée
Je m’appelle Jordan, j’ai 16 ans, je suis sympa, mais un peu « différent ». J’ai une trisomie 21 et des troubles du comportement. J’ai aussi un problème de surpoids. Alors, maman m’a envoyé deux mois dans un établissement pour maigrir. J’ai perdu 10 kg. Ok, c’est bien mais j’en faisais 112 ! Quand je veux pas, je veux pas ! Marcher, c’est pas mon truc ! Manger ça oui, tout ce que je peux chiper à la maison ! Quand je suis rentré, quelle surprise ! Un gros chien tout noir m’attendait. Dans la pièce, il me faisait la fête. Je suis parti en criant de joie et de trouille ! Alors, je me suis approchée de la chienne (c’est une dame !), je l’ai caressée. Elle est toute douce et chaude, elle s’est levée, je me suis enfui. Elle s’est recouchée, je suis revenu. Cela a duré trois jours notre petit jeu. Moi j’aime le jardin, elle m’a suivi. Maintenant, nous sommes inséparables. Je l’appelle Chouchou ! Pour mon régime, j’arrive à manger seul en cuisine à 19 heures, Chouchou aussi. Le dessert, j’y ai droit raisonnablement, chouchou aussi, alors on le prend ensemble. C’est moi qui lui donne si elle s’assoit pour le prendre ! Dans la rue, c’est moi qui tiens la laisse à gauche avec deux doigts, Chouchou au bord du trottoir et moi de l’autre côté. On ne bouge pas face aux passants, c’est eux qui se poussent ! Maintenant, quand on traverse, je ne m’assois plus au milieu de la rue. Chouchou tire fort alors, je la suis. Il y a des jours où Chouchou traîne un peu, c’est moi qui râle. « Oh la la ! » Quand maman dit : « on attend », Chouchou se couche, moi je me mets à côté. C’est génial ! J’ai une copine, on fait tout ensemble, on parle pas, mais qu’est-ce qu’on se comprend bien ! Depuis mon retour, j’ai encore perdu 11 kg. Maintenant, on se balade tous les jours. C’est maman qui suit ! Maman dit que je suis son cadeau, elle m’appelle son chou… Eh bien, pour moi, c’est Chouchou, mon cadeau. Merci.
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