En choisissant le thème de cette conférence, Marc Henry était sûr d'attirer un nombreux public dans la salle Saintonge.
La franc-maçonnerie suscite la curiosité pour une raison simple, elle est généralement discrète. Persécutés dans le passé, ses membres doivent taire leur appartenance - ceux qui ne la considèrent pas comme un faire-valoir en tout cas - et c'est pourquoi elle intrigue. Crainte pour les pouvoirs occultes qu'elle est censée détenir, on vante sa puissance et il n'est pas rare que l'opinion la soupçonne d'avoir influencé certains dossiers.
« Ce sont des inventions » déclare un franc-maçon habitué à ce genre de réflexion. Il précise que les loges, qui constituent des cercles philosophiques, n'ont pas à s'imposer dans une élection politique ou dans une quelconque affaire où les relations des frères pourraient faire pencher la balance en faveur de l'un d'entre eux.
C'est pour répondre à de telles interrogations que le Grand Maître de la Grande Loge de France, Marc Henry, a pris son bâton de pèlerin et organise des rencontres à travers l'hexagone. Samedi dernier à Saintes, il avait choisi un sujet un brin provocateur : Etre franc-maçon aujourd'hui, est-ce bien nécessaire ?
A gauche de la photo, Marc Henry, Grand Maître de la Grande Loge de France |
Devant un auditoire où se trouvaient de nombreux franc-maçons et des profanes, Marc Henry a parlé à cœur ouvert. S'il rappela la nécessité de travailler au développement d'une spiritualité dans le respect de l'ordre initiatique, il utilisa des mots simples faits pour sensibiliser les personnes venues s'informer sur la Grande Loge de France.
Pour Marc Henry, être franc-maçon ne se limite pas à deux réunions par mois, des gants blancs et un tablier. La fraternité qui motive la franc-maçonnerie constitue l'un de ses piliers. D'ailleurs, lorsqu'il entre en maçonnerie, il est demandé à l'apprenti s'il offrira sa vie pour ses frères. En répondant positivement, il devient alors la pierre d'un vaste édifice. Dans un monde qui semble avoir perdu ses repères et dont le maître-mot est consommation, ce "ciment" est essentiel. L'homme peut-il se contenter d'être purement matérialiste? Court-il ainsi à sa perte ? «La franc-maçonnerie nous permet de quitter le monde dans lequel nous vivons pour réfléchir autrement» dit-il. En effet, quand les frères se réunissent, ils déposent leurs métaux à l'entrée du temple - en mettant dans la corbeille tout ce qui brille d'un état trompeur - pour revenir à l'essentiel, c'est-à-dire à l'homme : « Etre franc-maçon, c'est passer du verbe avoir au verbe être ». Le fameux "to be or ont to be" de Shakespeare dans Hamlet.
Malgré les avancées scientifiques et technologiques réalisées ces dernières décennies, nous restons dans l'ignorance. Pourquoi sommes-nous là, naviguant sur la crête du temps ? Nul ne le sait. Depuis des lustres, les hommes essaient de trouver une fin convenable à leur condition. La plupart des religions appuient leur vérité sur la survie de l'âme. « La science et la religion ne s'opposent pas. Ce sont deux choses différentes, l'une explique comment, l'autre pourquoi ». Tous les peuples, qu'ils soient Egyptiens ou Aborigènes, tentent d'éclairer les débuts du monde à travers leurs mythes. D'une unité supérieure ayant orchestré leur arrivée.
A sa façon, la franc-maçonnerie essaie d'élever les pensées de l'homme en le sortant de ses préoccupations quotidiennes. S'appuyant sur l'égalité, la liberté et la fraternité, la GLF défend le concept de laïcité, les droits de l'homme et la dignité humaine. Selon l'expression de Saint-Exupery, ses membres s'enrichissent des différences de l'autre. Il est évident que cette notion d'ouverture est propre à chaque individu. Certains ne pourront jamais la pratiquer puisqu'ils se referment sur eux-mêmes et prônent les nationalismes. « Il s'agit de se remettre en question» souligne Marc Henry. De quitter ses vieux habits pour en endosser de nouveaux qui permettront d'avancer sur une voie différente.
La loge est un espace où le sacré a sa place, même si on n'y parle pas de religion. «Ni de politique. En tous cas, pas à la GLF» glissa Marc Henry. Le franc-maçon s'engage à participer dans les secteurs où il peut être utile. « La franc-maçonnerie nous appelle à résonner, à exprimer nos émotions» explique le conférencier qui prône la quête du sens, de l'origine. Cette recherche n'est pas sans rappeler le message biblique de Jésus « aimez-vous les uns les autres ». Les membres de la GLF croient au Grand Architecte de l'univers et jurent sur la Bible. Ils peuvent êtres croyants ou non croyants et aucun conviction particulière n'est requise de leur part.
La rencontre s'acheva par un échange avec le public. Le grand nombre de loges existantes crée une complexité dans les esprits. Comment s'y retrouver ? Y a-t-il une rivalité entre la Grande Loge de France et le Grand Orient ?« Nous avons des liens avec toutes les grandes obédiences, Droit Humain (DH), Grand Orient de France (GODF), Grande Loge Féminine de France (GLFF), Grande Loge Traditionnelle et Symbolique Opéra (GLTSO), pour ne citer que ces dernières. Le Grand Orient est une obédience qui depuis toujours travaille sur plusieurs rites. Nous n’en avons qu’un, le Rite Ecossais Ancien et Accepté. Le nombre de frères ? Mais qu’importe le nombre, c’est la qualité qui compte. Nous avons toujours eu une vie tumultueuse, mais nous sommes toujours côte à côte. Nos choix de réflexion ne sont pas les mêmes. Nos frères du Grand Orient sont plus centrés sur les problèmes de la société dans leur aspect concret. Nos travaux sont axés sur la quête spirituelle estimant qu’il faut d’abord essayer de faire évoluer l’individu, qui ensuite pourra aller dans la société y poser les pierres utiles à sa transformation. Il y a complémentarité, pas concurrence ».
« A chacun sa vérité, à condition qu'elle soit réfléchie et étayée» conclut Marc Henry.
• Marc Henry a été initié en 1976 au sein de la loge Memphis France, qui existait en Egypte avant le colonel Nasser. Journaliste, il a repris des études de psychologie, profession qu'il a exercée durant plusieurs années avant de rejoindre le groupe France Télévisions (filiale chargée du sous-titrage pour les sourds et malentendants). Il est devenue Grand Maître de la Grande Loge de France en juin 2012.
• Les obédiences européennes régulières (les Grandes Loges Unies d’Allemagne, la Grande Loge d’Autriche, la Grande Loge Régulière de Belgique, la Grande Loge du Luxembourg et la Grande Loge Suisse Alpina) ont décidé de rompre leurs relations avec la Grande Loge Nationale de France. Elles se sont tournées vers la Grande Loge de France et lui ont fait la proposition d’engager un processus vers la reconnaissance (accords de Bâle de 10 juin dernier). Des discussions sont ouvertes.
• L'Assemblée représentative de la Grande Loge de France se compose de tous les députés des Loges de la Fédération. Chaque Loge est représentée à l’Assemblée de la Grande Loge de France par un député qu’elle élit dans son sein au scrutin secret. Le mandat de député dure une année, il peut être renouvelé par la Loge. Une Loge peut élire des députés suppléants qui siègent avec voix délibérative, mais seulement en l’absence du député titulaire. Pour être élu député titulaire ou suppléant, il faut être âgé de vingt-cinq ans révolus, posséder le grade de maître-maçon depuis trois ans au moins et être membre actif de la Loge. On peut entrer en franc-maçonnerie à partir de 18 ans. Il existe 33 degrés d'initiation à la Grande Loge de France.
• Les femmes sont entrées en franc-maçonnerie tardivement. La première aurait été Mme Aldworth, initiée en Irlande en 1732. Par la suite, il n'y eut plus de femmes dans les loges maçonniques au sens strict jusqu'à l'initiation en France de Maria Deraismes en janvier 1882.
• En France, il existe des loges masculines, féminines et mixtes. Le Grand Orient accueille désormais des femmes (sujet âprement discuté !). Selon Daniel Keller élu à la tête du Grand Orient de France en septembre dernier, «une femme sera un jour Grand Maïtre». Le GODF compte 52000 membres dont 2000 femmes.
• Le mariage pour tous : Bien sûr, la presse a demandé à Marc Henry quelle était sa position sur cette épineuse question. « Nous sommes 33000 frères. Disons que 3000 étaient contre, et 3000 pour. Il reste les 27000. Chacun doit s'interroger avec des arguments solides pour se fonder une intime conviction. Nous sommes tous en quête de vérité. En réalité, le débat sur cette grande question de société n'a jamais eu lieu en France. Au passage, on a mis un coup de canif à la laïcité dès lors que des religieux ont défilé dans la rue à titre privé ».
1 commentaire:
Il parait évident qu'il faut faire évoluer l'individu avant de prétendre faire évoluer la Société. On commence un édifice par les fondations et non par le toit. Que répondre à la question posée :" Etre F:.m:. aujourd'hui est-ce bien nécessaire" Je dirais que oui, plus que jamais à condition que cela reste un chemin initiatique qui commence par le Connais-toi toi- toi même.... L'homme est situé entre ciel et terre, il subit les énergies cosmiques et telluriques...à lui de les harmoniser.... ce qui le conduira au Beau, au Vrai, au Juste., ce que devrait être la Société. .....On ne peut tout de même pas baisser les bras et ne plus avoir foi en l'Homme. J'ai dit
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