mercredi 24 juin 2009

L'Iran :
vers une dictature populiste ?


Depuis l’annonce de la réélection de Mahmoud Ahmadinejad, les Iraniens favorables à Mir-Hossein Mousavi manifestent leur colère. En première ligne, les jeunes font preuve de courage. Dans ce pays, en effet, manifester son mécontentement n’est pas un acte évident, surtout quand le Guide suprême, l’Ayatollah Khamenei, appelle au calme et menace de représailles ceux qui descendent dans la rue.
Actuellement dans un étau, l’Iran est sous les projecteurs de la presse internationale. Les dirigeants iraniens s’offusquent et rétorquent que la politique intérieure de leur pays ne regarde pas l’étranger. Mais il en est ainsi. Aujourd’hui, avec internet, l’information, en devenant immédiate, circule et se répand.
Que veut l’Iran ? Voilà bien la question. S’isoler pour se protéger de la pensée occidentale, afficher ses différences pour mieux s’opposer au modèle anglo-saxon ? Se tailler la part du lion en prônant la résistance ? S’équiper sans avoir de comptes à rendre ?
Nous avons demandé à Xavier de Roux, ancien Président des amitiés franco-iraniennes à l’Assemblée Nationale, ce qu’il pense de la situation.


• Les images qui nous parviennent des manifestations iraniennes montrent la large participation des jeunes opposés à Mahmoud Ahmadinejad. Serait-ce un Mai 68 iranien ?

La situation iranienne est très éloignée de celle qu’a connue la France. Le début des émeutes et des manifestations a une cause très claire qui est le résultat électoral et la contestation qui en découle. Les motivations sont donc très différentes de celles de mai 68. En effet, les élections en Iran sont apparues pour la première fois, durant la campagne, comme un exercice tout à fait libre et démocratique. On a vu les candidats débattre longuement à la télévision et, contrairement aux scrutins précédents, beaucoup d‘Iraniens sont venus voter.
Les résultats ont pour le moins été opaques et tout le monde s’accorde, même du côté des autorités iraniennes, à dire qu’il y a eu un certain nombre d‘irrégularités. La question est de savoir si ces irrégularités affectent totalement ou partiellement les résultats.
Mais la contestation peut sembler légitime et l’article 27 de la Constitution iranienne prévoit le droit d’exprimer son opinion en manifestant. Le droit de manifestation est inscrit dans la Constitution de la République islamique. En conséquence, les manifestations pour obtenir un nouveau décompte des voix peuvent sembler parfaitement légitimes.
Ce qui n’est pas légitime, ce sont les violences et le prêche du Guide Suprême interdisant les manifestations en menaçant d’une répression sanglante . Le fait qu’il ait entériné, sans autre discussion, la nomination du Président est apparue pour beaucoup d’observateurs comme une rupture dans l’ordre constitutionnel de la République islamique. Désormais, la répression s’accroît et les milices tiennent la rue. La République islamique a-t-elle vécu ?

• Mahmoud Ahmadinejad et Mir-Hossein Mousavi sortent du même creuset. Le fait de paraître tolérant et ouvert durant la campagne aurait-il pu dissimuler une manœuvre du président sortant (et de ses appuis religieux) pour se débarrasser d'un rival gênant ?…

La question est bien de savoir si les élections étaient une simple mise en scène pour mieux de se débarrasser de l’opposition que l’on sentait monter dans l’opinion depuis un certain temps. Il y a effectivement une différence considérable entre l’aspect libre de la campagne électorale et l’opacité des résultats…

• Pensez-vous qu’en offrant une image aussi négative à l’étranger, l’Iran s’isole volontairement pour faire son programme nucléaire tranquillement, par exemple ?

Je ne pense pas que l’Iran cherche volontairement à s’isoler sur la scène internationale. Ce n’est ni sa vocation, si son rang. Mais ses dirigeants doivent se rendre compte que l’image qu’ils donnent du pays l’isole certainement du concert des nations.

• Cette réaction de fermeture pourrait-elle être une réponse à l‘ouverture souhaitée par Barack Obama ?

C’est effectivement une bonne question. Le discours du Caire de Barack Obama a embarrassé une partie des dirigeants iraniens et l’on voit clairement que la reconnaissance de l’Islam par Barack Obama, président des Etats-Unis, dont le prédécesseur avait tendance à assimiler Islam et terrorisme, change complètement la donne au Moyen-Orient.
Barack Obama, en faisant pression sur Israël d’une part pour trouver une solution à la création d’un état palestinien, et en manifestant d’autre part sa considération pour le monde musulman, a ouvert une voie de réconciliation. Entre ces deux parties séparées du monde, les Etats-Unis ne sont plus le grand Satan et il n’y a plus de raison de ne pas échanger avec eux. A la vielle des élections iraniennes d’ailleurs, les pays de l’Union Européenne comme les USA avaient approché l’Iran pour renforcer leurs liens industriels et commerciaux.
Ces démarches avaient été accueillies positivement. On avait vu récemment le ministre des Affaires Etrangères iranien reçu par le président Sarkozy et le ministre de l’Industrie et du Pétrole accueilli à Berlin en grandes pompes, notamment par la communauté industrielle allemande. On pouvait donc espérer que ces élections seraient celles de l’ouverture, redonnant à l’Iran le rôle éminent qu’il devrait retrouver dans cette région et dans le concert des nations.
La réaction des éléments les plus durs du régime iranien est apparemment une réaction de fermeture et d‘isolement, mais cette réaction semble en décalage complet avec celle de la société civile iranienne.
Aujourd’hui, il est possible qu’une fronde des libertés commence. On peut cependant craindre un passage de la République islamique à une dictature militaire populiste et vaguement islamiste, mais alors le socle théologique cèdera. Les dictatures ne durent jamais longtemps et le processus de contestation pourrait être fatal aux actuelles institutions.



Photos des manifestations iraniennes

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