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vendredi 9 janvier 2009
Vers la suppression du juge d’instruction ?
Le point de vue de Xavier de Roux
Ancien vice-président de la Commission des lois à l'Assemblée nationale et membre de la commission d'Outreau (résultant de l'affaire qui a ému le France entière en conduisant des personnes innocentes en prison), Xavier de Roux fait part de ses réflexions quant à la suppression des juges d'instruction, question que vient de relancer le Gouvernement.
Xavier de Roux, êtes-vous favorable à la suppression des juges d'instruction ?
La modification de la procédure pénale, qui vise à supprimer le juge d'instruction en confiant les enquêtes au Parquet sous le contrôle d'un juge de l'instruction, est une idée dont on parle depuis longtemps. En 2002, je me souviens avoir publié un ouvrage sur ce thème : «Mais quelle justice ? ». Lors de l'affaire d'Outreau, cette réforme de la procédure pénale est revenue en force. On en a beaucoup débattu et j'étais dans le camp de ceux qui demandaient justement le remplacement du juge d'instruction par un juge de l'instruction.
Quelle est la différence ?
Actuellement, les crimes et les délits graves sont instruits par un magistrat très souvent solitaire - pour rompre cette solitude, on essaie de créer des pôles de l'instruction - censé instruire à charge comme à décharge et qui, bien entendu, comme toute personne humaine, a son intime conviction. On peut difficilement demander un tel exercice d'impartialité qui peut frôler la subjectivité, d'autant que s'il y a d'excellents magistrats, d'autres le sont moins. Cela ne les empêche pas d'aimer à se placer sous les projecteurs de l'actualité alors qu'ils peuvent être franchement médiocres. On a vu des affaires tonitruantes accoucher d'une souris ou n'aboutir à rien et des dossiers dramatiques dont celui d'Outreau...
Il semble donc indispensable de modifier le système en le simplifiant. Le parquet, c’est-à-dire les avocats de la République, assurent la poursuite et mènent l'enquête en collaboration avec la police judiciaire. La défense, saisie immédiatement, fait son métier et recueille témoignages et expertises. Bref, elle participe à l'enquête aux côtés de celui qui est poursuivi. La procédure se déroule ainsi dans la plupart des pays civilisés.
Reste que pour ne pas tomber dans les excès d'une procédure accusatoire à l'anglo-saxonne dont nous sommes habitués par la télévision, il convient d'avoir un arbitre - et un recours - entre la défense et l'accusation qui contrôle les actes de l'enquête et puisse être saisi par la défense. C'est cet arbitre qui sera le juge de l'instruction. Autrement dit, il ne mènera pas l'enquête, mais en assurera l'impartialité.
Ce sujet est depuis longtemps débattu. Il a été soulevé à plusieurs reprises aux Entretiens de Saintes et la réforme proposée par Nicolas Sarkozy ne date pas d'hier.
Cependant, la réforme de la procédure, garante des libertés, ne peut pas se faire d'un trait de plume. Il faut être soigneux et vigilant pour que les libertés individuelles soient sauvegardées. Il n'y a aucune raison de ne pas y parvenir. Le pire, en tous les cas, serait de conserver le système actuel.
Toutefois, sous cette question, apparaît comme toujours en France, un problème corporatiste. Il s'agit du statut des procureurs : Sont-ils des magistrats comme les autres ? Sont-ils un corps à part d'avocats de la République à égalité avec les avocats de la défense ? Nous rentrons là dans des questions statutaires telles qu'on les adore. Généralement, dans ce pays, elles obscurcissent le débat principal qui est celui d'améliorer le fonctionnement du service public de la justice.
L'un des motifs évoqués contre cette suppression serait que ce nouveau juge dépendrait directement du Garde des Sceaux, donc du Gouvernement ?
Il est évident que le juge de l'instruction sera un magistrat du siège, par nature indépendant, comme le sont tous les magistrats du siège dont l'autorité de contrôle est le Conseil Supérieur de la Magistrature. Il n'en est pas de même pour les procureurs du Parquet qui, encore une fois, sont les avocats de la République et reçoivent - c'est bien normal - les instructions du Garde des Sceaux. Vouloir rendre indépendant les procureurs reviendrait à créer une justice par tribunal, alors que la politique pénale ressort à l'évidence du rôle des institutions démocratiquement élues.
Photo 1 : Xavier de Roux
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