samedi 31 janvier 2009

Réforme des collectivités territoriales : Le tour de France des sénateurs commence par Bordeaux et Jonzac


Lundi, le président du Sénat Gérard Larcher se trouvait aux Antilles. Non pas pour nager la brasse (ça, il sait le faire), mais pour prendre un grand bain de politique haute saintongeaise aux côtés de Claude Belot. En toile de fond, la réforme des collectivités territoriales dont le sénateur maire de Jonzac préside la commission...


En présence de Gérard Larcher, Président du Sénat, la Mission temporaire du Sénat sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales que préside Claude Belot aux côtés de Pierre-Yves Collombat, Yves Krattinger et Jacqueline Gourault, a rencontré les maires, députés et conseillers généraux de Charente-Mari-time, lundi dernier aux Antilles. Dans la matinée, elle avait été reçue à Bordeaux par Alain Juppé.
L’objectif de ces déplacements en province est de recueillir l’avis des élus locaux sur les améliorations à apporter. « Il s’agit purement et simplement de décortiquer le système dans lequel vivent les collectivités territoriales » souligna Gérard Larcher qui inaugurait ce tour de France à Jonzac. Il n’est pas question de tout casser, mais de trouver des formules qui allégeront les strates du « mille feuilles ».
La mission du Sénat est diverse politiquement, réunissant la droite comme la gauche : « Nous recherchons avant tout un consensus » explique Claude Belot. Ne nous leurrons pas cependant : chacun y défend son bout de gras. En effet, quand on parle de toucher aux Régions, la gauche monte au créneau. Alain Rousset, président de la Région Aquitaine, n’hésite pas à qualifier de « ridicule proposition de mécano politique et territorial » l’idée lancée par Jean-Pierre Raffarin et Dominique Bussereau qui souhaitent rapprocher l’Aquitaine et le Poitou-Charentes. Pourtant, l’Aquitaine est proche de la Saintonge. Claude Belot considère d’ailleurs que Jonzac est dans le troisième cercle d’influence de Bordeaux.
Est-il besoin de le rappeler, cet élu de longue date veille aux destinées de la Communauté de Communes de Haute Saintonge, la plus vaste de France par son nombre de communes (123). Au sein de la CDCHS, il a concrétisé d’importants projets dont le centre aquatique et ludique (ouvert toute l’année), la médiathèque et les archives. Jonzac, dont la renommée gravite autour de la station thermale, insuffle un véritable dynamisme à l’ensemble du territoire. D’abord agricole, le sud du département a évolué, ces trente dernières années, vers d’autres sources de développement dont le tourisme.

Changer, oui, mais quoi ?


La réforme des collectivités territoriales est d’autant plus compliquée que les Français sont attachés à leur terroir. Unir deux communes relève du parcours du combattant !!! Prenez les habitants de Chardes et Vallet, communes pourtant associées, ils ne vous diront jamais qu’ils sont Montendrais ! « On ne modifie pas l’organisation des collectivités territoriales comme ça, au détriment d’une pulsion politique » déclara Gérard Larcher.
Les points de vue exprimés par les participants furent contrastés. Parmi les remarques, figurent le regroupement des régions en vastes territoires calqués sur les régions militaires ainsi que le soutien unanime aux communes - lien de proximité - et aux départements.
L’existence des « pays », bassins d’emploi qui englobent généralement les communautés de communes, est remise en cause. Certains le regrettent, d’autres pensent que l’essentiel est d’aller vers des structures intercommunales innovantes, porteuses de projets. Les rapports officiels concernant l’intercommunalité actuelle sont préoccupants : certaines CDC n’ont plus d’argent une fois qu’ont été rémunérés président et vice-présidents ! Par ailleurs, le nombre de vice-présidents n’est-il pas trop élevé ? Tous travaillent-ils à hauteur de leurs indemnités ou se contentent-ils d’apparaître lors des séances publiques ? Il en est de même pour les conseils municipaux : pourraient-ils être réduits, certains membres se contentant de faire de la figuration ? Le mode de scrutin et le panachage retinrent aussi l’attention : faut-il le supprimer dans les communes de moins de 3500 habitants et lui préférer une formule proportionnelle ? On éviterait ainsi les règlements de compte. Didier Quentin, député maire de Royan, rappela que les moins forts en voix étaient souvent le maire et l’adjoint aux travaux...
La présence des femmes en politique fut évoquée : elles ne sont pas assez nombreuses à sièger au Département, malgré la parité (sur ce chapitre, on notera l’hypocrisie des hommes qui les veulent bien dans leur cercle à condition qu’elles ne leur fassent pas d’ombre).


Les Régions, quant à elle, seraient peu lisibles dans leurs compétences : « Elles marchent à côté de leurs pompes et ne font que du saupoudrage. Il est important qu’elles travaillent à l’aménagement du territoire » estime M. Binaud, maire de Matha. Des découpages, des rapprochements seraient-ils nécessaires ? En Alsace, par exemple, le Département et la Région aimeraient bien fusionner, après referendum. « Nous irons dans le sens de la liberté locale » précisa Claude Belot.
Sans être frères jumeaux, certains territoires peuvent bénéficier du rayonnement des métropoles. Ainsi, grâce au TGV, Angoulême ne sera plus qu’à une demi-heure de Bordeaux. « Bordeaux peut aussi profiter de l’attractivité d’Angoulême » rétorqua Michel Boutant !
Une difficulté semble apparaître au niveau des TER, l’Aquitaine et le Poitou-Charentes n’ayant pas réussi à signer une convention. Consé-quence, Alain Rousset ne veut pas investir jusqu’à Saintes et cesse son financement à Saint-Mariens, commune frontière. Rien n’est simple et la création de futurs conseillers territoriaux n’est pas demain !
Certains maires se sentent bien isolés. Celui de Châtenet (215 habitants), dans le canton de Montlieu, ignore comment il financera la voirie nécessaire à l’installation de nouveaux habitants travaillant dans la périphérie bordelaise. Une élue du canton de Loulay fit part de ses difficultés au quotidien, le premier magistrat se transformant souvent en assistance sociale. Daniel Gillet s’attarda sur les documents comptables « devenus illisibles » pour le commun des mortels et sur l’éloignement à La Rochelle, distance qui pénalise les habitants du Sud Saintonge.
Durant près de deux heures, les échanges se succédèrent.
Qu’en ressort-il ? La commune reste la cellule de base, c’est une évidence. Par contre, pour une meilleure efficacité, les structures intercommunales doivent être importantes (une CDC de cinq communes n’a pas de marge de manœuvre). Si le Département joue un maillon important, reste à savoir quel sera l’avenir des Régions. « Notre rôle est de rendre les territoires compétitifs » conclut Gérard Larcher.
Quoi qu’il en soit, et malgré la volonté de Nicolas Sarkozy, aucune reforme ne se fera dans la contrainte. Personne ne voulant bouleverser l’environnement, on ne se demande bien si ces commissions, certes louables, ne vont pas rester sur leur faim (fin ?)...

Infos en plus

• Communes, communautés de communes : qui fait quoi ?

Le Gouvernement vient de remettre au Parlement son rapport sur le contrôle a posteriori des actes des collectivités locales.


La DGCL (Direction générale des collectivités locales) a publié le 20ème rapport du Gouvernement au Parlement sur le contrôle a posteriori des actes des collectivités locales et des établissements publics locaux, qui porte sur les années 2004, 2005 et 2006.
S’agissant du contrôle de légalité, le rapport met en relief le développement de l’intercommunalité, soulignant qu’il soulève de nouvelles questions. Les principales difficultés relevées par les préfectures portent sur quatre thèmes :
- le défaut de prise en compte par certaines communes de leur dessaisissement au profit de la structure intercommunale dès lors qu’une compétence lui a été transférée ;
- la difficulté de définir clairement les compétences transférées, qui conduit à l’intervention d’EPCI en dehors de leurs compétences statutaires ou de leur périmètre, au profit de communes membres ou non membres. Cette pratique, qui s’accompagne du développement de la pratique contractuelle entre communes et structures intercommunales, suscite des interrogations au regard non seulement des règles de compétence fixées par le code général des collectivités territoriales mais également de leur compatibilité avec le respect de l’initiative privée dans des secteurs concurrentiels ;
- la coexistence de plusieurs structures intercommunales sur un même territoire, qui entraîne des chevauchements de compétences ou des transferts en cascade dans le cadre d’une chaîne de syndicats dont certains n’exercent plus d’activité ;
- le manque de précision de la rédaction des statuts, générateur d’incertitudes. Les irrégularités relevées en ce domaine tiennent essentiellement à l’imprécision des statuts relatifs aux compétences transférées, à une mauvaise appréhension de l’intérêt communautaire, aux demandes réitérées de possibilités d’exercer des attributions de maîtrise d’ouvrage déléguée et de prestation de services, aux financements croisés des investissements. Ces irrégularités reposent toutes sur le souci de pouvoir introduire plus de souplesse dans le fonctionnement de ces structures.

• Le financement de l’intercommunalité

Le produit des quatre taxes locales est passé de 2,31 milliards en 1993 à 10,7 milliards en 2004. Cette augmentation est très importante et d’autant plus sensible qu’une autre taxe, la TEOM (taxe d’enlèvement des ordures ménagères) se développe parallèlement. La TEOM est la taxe la plus dynamique depuis dix ans et son produit atteint 4,5 milliards en 2005 (dont 1,42 milliard pour les seuls EPCI à fiscalité propre).
Plusieurs études montrent qu’une hausse de 10 % du taux de l’impôt intercommunal réduit de 1 % seulement le taux de l’impôt communal.
L’intercommunalité ne récolte donc pas encore les fruits de son succès, car elle ne réduit pas la pression fiscale. Les impôts de l’intercommunalité n’ont pas tari ceux des communes. Le jeu des vases communicants n’a pas opéré. Enfin, aujourd’hui, la fiscalité mixte se répand, pesant à la fois sur les entreprises et les ménages.


• Question de compétences...

Aujourd’hui, les différents échelons (commune, intercommunalité, département et région) possèdent tous une clause générale de compétences. Certains membres de la Commission Balladur seraient favorables à une suppression de cette clause pour les départements et les régions, permettant une meilleure définition de leurs rôles respectifs.
L’idée générale serait de constituer deux pôles : l’un regrouperait les communes et les intercommunalités, l’autre les régions et les départements. Le premier assurerait la gestion des affaires locales, le second les grands dossiers de développement.
Puisqu’il s’agit de supprimer des échelons, certains élus souhaitent la fusion du département et de la région, d’autres - tels que MM. Raffarin et Bussereau avec l’Aquitaine et le Poitou Charentes - la fusion de régions.
Pour l’heure, on planche. Les conclusions de la commission Balladur sont attendues en février. La balle se trouvera ensuite dans le camp de l’Assemblée nationale qui proposera des projets de loi. Deux temps de débat avec le gouvernement auront lieu au Sénat. D’une façon générale, on devrait y voir plus clair avant les vacances d’été.

• Éviter que le mille feuilles ne devienne bourratif...

Avec les ans, la popote territoriale française a pris de l’embonpoint. Chaque majorité ayant marqué son passage par une nouvelle recette, sont nés les régions englobant plusieurs départements, les intercommunalités, plat de consistance regroupant les communes dans le but secret d’en réduire le nombre et les pays correspondant à des bassins d’emplois. S’y ajoutent les amuse-gueules que sont les syndicats, divers et variés, qui permettent à leurs responsables de porter le titre honorable et envié de président.
Au nom de la décentralisation, d’une meilleure répartition des pouvoirs et d’arguments persuasifs, les couches se sont accumulées au point de constituer un “mille feuilles”, sorte de gâteau riche et épais qui réjouit ou irrite. En effet, ses ingrédients coûtent cher au contribuable qui voit, chaque année, les doses de fiscalité locale s’accroître sur ses feuilles d’impositions. X grammes pour le département, et pour l’intercommunalité, et pour la commune, et pour la Région... Mais quels services perçoit-il en retour ?
Président entreprenant, Nicolas Sarkozy a décidé de mettre un coup de pied dans la fourmilière : trop nombreuses, les collectivités coûtent cher et on ne sait plus qui fait quoi. Qu’à cela ne tienne, il a demandé à la commission Balladur d’étudier la question. Fermement : « Je ne veux pas un nouveau rapport ! Je veux des solutions et surtout, ne vous interdisez rien ! Les Français veulent que les structures soient simplifiées, les compétences clarifiées, les dépenses locales maîtrisées ». Avec tant de vouloir, il ne pouvait être plus explicite.
Dès lors, le comité pour la réforme des collectivités locales, composé de onze membres, est à l’action et réfléchit à une nouvelle organisation territoriale. Une tâche de titan face au peu d’entrain que suscitent les changements...


Or, comment faire pour moderniser le pays sans toucher à ces différentes strates ? Craignant le retour d’un état centralisateur, la France a pris des allures féodales sans même s’en apercevoir, faisant des présidents de régions, départements, communautés de communes et d’agglomération de vrais patrons, aux attitudes de grands « barons ». Des barons dont on canalise les ambitions à l’Assemblée nationale ou au Sénat grâce au cumul des mandats, mais qui pèsent lourd dans la balance. Le président de la République le sait bien. Cette nouvelle forme de cour, qui ressemble à celle qu’avait créée Louis XIV à Versailles pour « amadouer » la noblesse, a un mérite : elle étudie et vote les lois qui régissent la société. Autre temps, autres mœurs !
Démocratiquement élus, tous n’ont pas la même ardeur. Les uns s’endorment dans les ors des anciens palais, heureux d’afficher leur prestige comme la marque indélébile de leur réussite tandis que les autres travaillent pour apporter leur pierre à l’édifice. Question de caractère. Seul problème, les représentants les plus actifs perçoivent les mêmes indemnités que ceux qui digèrent leur excellent déjeuner, l’après-midi, dans un fauteuil capitonné...
Bref, en homme de terrain, Sarkozy n’entend pas laisser la France se “sédimenter” en abandonnant certains élus à l’état de fossiles que des scientifiques viendraient observer dans les ambres dorés de la République. Depuis que Barack Obama est devenu président, une nouvelle génération tient les rênes aux États-Unis. Admirative mais troublée, la vieille Europe se regarde dans la glace. Angela Merkel redresse les épaules, Zapatero refait son nœud de cravate et Sarkozy chausse ses bottes de sept lieues (sans talonnettes). La suite ne devrait pas manquer de piquant(s) !


Dis-le-moi dans l'oreille

• Antilles : « Depuis que la CDCHS a repris les rênes du centre aquatique, les chiffres sont équilibrés et bénéficiaires » a souligné Claude Belot qui les présentera sans doute lors de la prochaine réunion communautaire. L’affaire Gesclub ne serait plus qu’un mauvais souvenir...

• Stratégie : Maire de Rambouillet, Gérard Larcher a battu Jean Pierre Raffarin à la présidence du Sénat. Sous ses airs d’homme tranquille, appréciant la bonne chère, cet ancien vétérinaire, attentif et intelligent, avait bien préparé le terrain. Raffarin n’a pas senti d’où venait le vent, manifestement. Morale de l’histoire : il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué !

• Régionales : Gérard Larcher était avec les sénateurs de Charente-Maritime, MM. Belot, Laurent, Doublet. L’époque de Jean Pierre Raffarin, qui fut candidat à la présidence du Sénat et président de la région Poitou Charentes, semble révolue. D’ailleurs, on ne sait pas qui conduira la liste UMP aux futures Régionales, personne ne souhaitant se frotter à Ségolène Royal, dit-on. Et pourquoi pas Marie Dominique Morvant, conseillère générale de La Rochelle ?

Photo 1 : L’arrivée de Gérard Larcher aux côtés de Claude Belot et Michel Doublet.

Photo 2 : Gérard Larcher

Photo 3 : De nombreux élus de la région étaient présents.

Photo 4 : Sur cette photo le verre de l’amitié, avec Claude Belot, Didier Quentin, Yves Krattinger et Daniel Laurent aux côtés de Gérard Larcher.
La mission du Sénat est présidée par Claude Belot (UMP et co-présidée par Pierre-Yves Collombat (PS, Var). Les co-rapporteurs sont Yves Krattinger (PS, Haute-Saône) et Jacqueline Gourault (UC, Loir-et-Cher, absente à Jonzac lundi).

Photos 5 et 6 : De nombreuses personnes étaient venues écouter le discours de Gérard Larcher.

Photo 7 : Gérard Larcher applaudi par les élus de Charente-Maritime.

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