mercredi 3 décembre 2008

Violences en Inde
Affrontements religieux ou tentative de déstabilisation d'un grand pays émergent ?


Regard sur ces événements tragiques qualifiés de « 11 septembre indien » et témoignage d'une ex Jonzacaise installée en Inde, Valérie Delcroix...

Les attentats de Bombay, qui ont provoqué la mort de quelque 200 personnes - dont deux Français - et fait des centaines de blessés, ont suscité l'indignation et l'émotion de la communauté internationale. Que se passe-t-il dans ce pays émergent, plus connu par ses performances informatiques (de nombreuses entreprises étrangères font appel à ses services) que pour ses règlements de compte ?
On croit savoir que le commando à l'origine de ces évènements serait parti de Karachi, au Pakistan, par voie maritime pour rejoindre une organisation en place qui, apparemment, s'était introduite dans des hôtels de Bombay. Pourquoi ce massacre a-t-il été planifié et perpétré dans la grande capitale économique de l'Inde ? Deux pistes peuvent être suivies.
La première s'inscrit dans les luttes farouches qui opposent, à l'intérieur de l'Inde, les minorités islamiques à la majorité hindoue et génèrent des troubles récurrents. Ce serait alors une affaire intérieure indienne. En effet, il faut se souvenir que le Pakistan, né d'une guerre civile ayant entraîné le démantèlement de l'Inde lors de son indépendance en 1947, avait fait sécession pour des raisons religieuses puisqu'il est majoritairement musulman.
La seconde piste serait la tentative, par le mouvement de Ben Laden, actif en Afghanistan, de déstabiliser toute la région. De nombreux observateurs estiment que son état-major aurait trouvé refuge à la frontière afghano pakistanaise, dans ce que l'on appelle les zones tribales parce qu'elles ont un statut d'autonomie au Pakistan. Tenter de faire éclater un conflit armé entre le Pakistan et l'Inde reviendrait à déclencher un affrontement majeur non seulement sur le front islamique, mais surtout à contraindre les unités militaires pakistanaises engagées sur le front afghan à s'en retirer pour se redéployer sur le front indien. Les Etats-Unis perdraient alors une carte majeure en Afghanistan. Quand on connaît les liens qu'entretiennent les services de renseignements pakistanais avec le monde islamique d'une part et, d'autre part, la désorganisation politique actuelle du Pakistan, on peut imaginer une rencontre entre des services pakistanais de plus en plus autonomes - à l'origine notamment des Talibans - et des extrémistes islamiques ayant pour objectif d'affaiblir l'Inde. En effet, depuis des décades, Pakistan et Inde se battent pour le contrôle du Cachemire.
Les services pakistanais pourraient-ils être derrière une opération très complexe à plusieurs détentes ? Question... L'Inde a d'ailleurs demandé au Pakistan de lui livrer le responsable d'un groupe islamiste soupçonné d'être à l'origine des attaques meurtrières de Bombay. Du côté pakistanais, les autorités ont répondu aux Indiens d'apporter la preuve de leurs accusations concernant le groupe Lashkar-e-Taiba, en particulier, «qui se serait parfois entraîné avec Al-Qaïda» selon une information du New York Times. Un rebondissement est intervenu quand un groupe islamiste inconnu, les Moujahidine du Deccan, a revendiqué les attentats. Conséquence : Le centre de coordination et d'échange du renseignement entre l'Otan, le Pakistan et l'Afghanistan sur la lutte anti-terroriste qui vient d'ouvrir à Turkham, village afghan frontalier avec le Pakistan, a du pain sur la planche...

« Ici, tout le monde est choqué » déclare Valérie Delcroix. Dans l'Orissa, les Chrétiens ont été persécutés.

Installée à Pondichéry depuis quelques années avec sa famille, cette ex Jonzacaise, apporte son témoignage sur ces événements que les habitants ont vécu avec une angoisse bien compréhensible :
« Ce qui s'est passé a Bombay est affreux. Au même moment, nous étions en pleine tempête tropicale baptisée Nisha, sans électricité et donc sans télévision. Les informations nous sont parvenues en décalé, via la presse écrite. Ici, tout le monde est extrêmement choqué, personne ne comprend pourquoi une telle violence se déchaîne et frappe ainsi. Surtout quand au même moment, toute la région Sud Est de l'Inde est touchée par la violence de la nature. Il a fallu évacuer les gens qui résident dans les zones côtières peu élevées. Les inondations et arbres arrachés ont fait une cinquantaine de morts, les problèmes d'eau font craindre des cas de choléra et de typhoïde, et bien sûr après, suivront avec les moustiques des cas de dingue et de chikungunya. En fait, une question peut se poser : Laquelle des deux violences, celle des éléments ou celle des hommes pris de folie est-elle la plus incompréhensible ? De nombreux jeunes ont quitté l'Inde du Sud, notamment le territoire de Pondy et le Tamil Nadu pour travailler dans les grandes villes du Nord. Depuis la vague d'attentats, les familles font revenir leurs enfants.
Elles ont peur des représailles des partis politico-religieux les plus extrémistes, notamment hindou. Certains expatriés écrivent, sur leurs blogs, qu'il règne en Inde une harmonie interreligieuse. C'est vrai et faux, selon les cas et les états où l'on se trouve. A Pondichéry, il y a une bonne entente entre Chrétiens, Musulmans et Hindous. Par contre, tout l'été, l'Orissa, à l'Est de l'Inde, a connu des violences extrêmes contre des Chrétiens, une brutalité aveugle qui frappait des quartiers entiers, juste parce qu'ils étaient Chrétiens. Les gens fuyaient et allaient se cacher dans la forêt. Lorsqu'ils revenaient, tout avait été saccagé. Beaucoup de personnes sont mortes, dont une jeune nonne de 20 ans, brûlée vive dans un incendie. Le père Bernard Digal, frappé sauvagement le 25 août dernier, est décédé des suites de ses blessures. Les communautés religieuses ne sont pas toutes les bienvenues. Certaines reçoivent régulièrement des menaces de mort. Dans le Karnataka et dans le Tamil Nadu, quelques églises ont été vandalisées.
Dans ce climat, nombreux craignent les escalades déclenchées par des groupuscules extrémistes. D'aucuns pensent qu'il s'agit de l'une des conséquences de la colonisation et décolonisation britannique. Les Anglais sont partis d'Inde en y laissant une poudrière que Gandhi a tenté de désamorcer. Personnellement, j'observe que l'Inde est faite de contrastes. Elle est à la fois très pacifique, douce et tolérante et elle peut devenir soudain violente et aveugle. C'est un peu partout pareil, si l'on y réfléchit bien »...

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