Le premier tome de l’Histoire de l’Aunis et de la Saintonge, qui traite de la préhistoire et de l’Antiquité dans le département, révèle une source d’informations dont l’une attire forcément l’attention. Aux premiers siècles de notre ère, la vigne occupait une place privilégiée dans le paysage. Notre tradition viticole n’est donc que l’héritage du passé !
Quand Jean Glénisson et ses amis ont choisi de publier l’histoire de l’Aunis et de la Saintonge, ils se sont lancés dans une belle aventure... et une vaste entreprise. Entre les premiers hommes de chez Pinaud et la construction des Antilles de Jonzac, des centaines et des centaines d’années les contemplent, en effet !
Minutieusement composé en fonction de ses “qualités“, chaque groupe de chercheurs a été chargé de travailler sur une époque déterminée. Après le célèbre Massiou dont les six volumes, édités entre 1836 et 1840, relatent les riches heures du département, cette nouvelle édition tombe à point : elle délivre une information objective à laquelle s’ajoutent évolutions et nouvelles découvertes. Une réactualisation nécessaire, en quelque sorte !
Il y a quelque temps, nous avons salué le tome III - époque allant de 1480 à 1610 - dont l’originalité chronologique est d’avoir précédé “ses frères aînés“. Que voulez-vous, Marc Seguin, spécialiste des XVe et XVIe siècles, a la plume alerte et c’est l’un des historiens les plus rigoureux quant à la date de remise des manuscrits. Sa ponctualité explique cette publication rapide, ô combien précieuse puisque son livre fait désormais référence.
Lundi dernier, Geste Éditions a repris le cours normal des événements en présentant le numéro un de cette fresque charentaise maritime. Son titre : Des origines à la fin du VIe siècle après J.C.
Pour conduire à bien cette œuvre de 340 pages, Louis Maurin, professeur d’université et ancien conservateur du Musée archéologique de Sain-tes, s’est entouré des meilleurs spécialistes, José Gomez de Sotto, directeur de recherche au CNRS, André Debénath, professeur émérite de préhistoire, Luc Laporte (néolithique), Grégor Marchand (mésolithique) et enfin Jean-François Tournepi-che, conservateur du Patrimoine à Angoulême.
Tour à tour, les historiens présents ont présenté les chapitres qu’ils ont traités. « Il est difficile de faire l’histoire d’un département » a rappelé Jean Glénisson. Et pour cause, à leur création, après la Révolution, aucun n’a été calqué sur une ancienne province et encore avons-nous échappé à un quadrillage qui aurait fait ressembler la France à un échiquier ! En 1791, l’Assemblée a évité de donner une existence durable aux provinces. En fusionnant l’Aunis et la Saintonge, la situation devenait forcément ambiguë ! De nos jours, bien que le temps se soit écoulé, cette notion de deux territoires distincts, réunis au sein d’une même entité, est encore perceptible. On voit rarement les Rochelais s’attarder à Montguyon !
Des Santons à l’arc romain de Germanicus
Quelle longue histoire que celle de notre département dont les frontières ont été totalement imposées ! Quand nos ancêtres foulaient la terre de Saintes, toundra où vivaient mammouths et rennes, ils étaient loin d’imaginer les jeux du cirque et plus tard, un curieux engin appelé guillotine... du nom de son concepteur, le docteur Guillotin.
Les témoignages quant à la préhistoire sont moins présents en Charente-Maritime qu’en Cha-rente, plus riche en cavités.
Outre la rareté des abris, les transgressions marines ont recouvert de nombreux habitats. Néanmoins, certains sites sont intéressants : Saint-Por-chaire, Taillebourg, chez Pinaud à Jonzac et bien sûr la région de Sainte Césaire où évoluaient des Néandertaliens, il y a trente-cinq millions d’années. Inauguré en 2005, le Paléosite, dont Pierrette est devenue l’égérie, éclaire judicieusement cette période auprès du grand public.
Les Néandertaliens ont fait un bout de chemin avec les Homo sapiens. Cette grande découverte, issue des travaux conduits par Bernard Vander-meersche, fut une véritable révolution dans le monde scientifique. Chaque année, les Entretiens de St Césaire attirent d’éminentes personnalités au-tour de l’emblématique Yves Coppens, dont Élisabeth Dayles en octobre dernier. Avec Jean-Noël Vignal, de l’Institut de Recherche Criminelle de la Gendarmerie Nationale, elle a participé à la reconstitution du visage de Pierrette (et du roi égyptien Toutankhamon).
« Certains sites préhistoriques ont été fouillés trop tôt et très mal. De nombreuses collections ont été éparpillées ou ont disparu » constate André Debénath qui connaît bien la question.
Les chantiers actuels, menés en différents lieux, permettent d’avancer pas à pas. Grâce aux photos aériennes de Jacques Dassié, des sites ont pu être identifiés.
Dans les chapitres suivants, les Santons éveillent forcément l’attention. Seraient-ils les premiers Celtes de Saintonge ? Leur histoire est liée à celle des Helvètes qui, venant de Suisse, convoitaient leur territoire au premier siècle avant J.C. En les refoulant, César empêcha la réalisation de ce projet ambitieux (il faut relire la guerre des Gaules !).
« Des découvertes archéologiques pourraient conforter l’hypothèse de l’origine orientale de Santons ou, tout au moins, celle de liens étroits entre la Saintonge et la Celtique d’Europe centrale » remarque José Gomez de Soto. Le trésor de Courcoury (près du tumulus), riche en monnaies diverses venant de Bavière et de Bohême, est une piste à étudier.
En ce qui concerne l’Antiquité, des découvertes récentes ont eu lieu et les articles publiés affichent une “belle fraîcheur“. Louis Maurin s’en réjouit. À l’époque romaine, La Saintonge dépendait de Saintes ainsi qu’une partie de la Gironde.
Durant l’été 2006, les traces d’un camp romain ont été repérées au Nord ouest de Saintes, près de la porte Saint Rémi : faut-il y voir une première installation ? Au 1er siècle, Saintes (Mediolanum santonum), capitale d’une grande province gallo-romaine, avait l’avantage d’être au terme d’une voie transversale importante, partant de Lyon pour aller jusqu’à la côte atlantique. Résidence de notables, la cité était prestigieuse !
Dans la région, outre des villas, les fouilles ont mis à jour des établissements viticoles. « Cette présence ruine une théorie selon laquelle le gouvernement impérial aurait protégé les intérêts de Bordeaux en évitant d’étendre les vignobles aux pays situés au nord de la Gironde » précise Louis Maurin. L’Aunis, la Saintonge et la Charente saintongeaise occupent la première place dans l’archéologie de la viticulture sous le haut Empire ! Si l’on ignore quels étaient les cépages cultivés, le vin, de moyenne qualité, se gardait et se bonifiait avec le temps. Des installations sophistiquées ont été trouvées près de Royan : « des chaudières y chauffaient le jus de raisin concentré, l’élévation du degré alcoolique garantissant une meilleure conservation ».
L’autre point fort concerne l’industrie de la laine, les fournisseurs locaux étant regroupés en corporation. Cette activité devait occuper bon nombre de paysans vivant dans les campagnes. Des vêtements étaient réalisés et le manteau de laine, appelé cucullus, avait une version locale baptisée « cucullus santonicus » (manteau saintongeais).
Au fil des pages, le lecteur partage une mine de renseignements et d’informations. Les pages sont joliment illustrées : comment ne pas s’attarder sur l’arc romain de Germanicus qui faisait autrefois partie du pont franchissant la Charente ? S’il avait été conservé et restauré (il a été démoli au XIXe siècle), cet édifice serait l’une des merveilles du Poitou-Charentes. D’ailleurs, à bien y réfléchir, le vrai grand projet de Saintes ne serait-il pas de recréer un pont piétonnier en replaçant l’arc au milieu, comme l’avaient pensé les architectes antiques ? Bernadette Schmitt, actuel maire, avait lancé cette idée, mais en laissant l’arc sur la place Bassompierre. Elle reçut alors une opposition farouche qui la fit reculer. À la veille des élections municipales, tout porte à croire que le sujet reviendra dans les conversations...
Félicitations aux auteurs de cet ouvrage détaillé et à Olivier Barreau, responsable de Geste Éditions. En cette période de fêtes, ce livre constitue un cadeau intéressant : joindre l’agréable à l’histoire, quelle merveilleuse alchimie !
Dis le moi dans l'oreille...
• Dans le domaine de la prospection aérienne chère à Jacques Dassié, la localisation de la cité antique du Fâ, près de l’estuaire de la Gironde a été utile pour la connaissance (serait-ce le fameux portus Santonum ?).
Photo 1 : Les arènes reconstituées, superbe édifice qui attirait forcément l’attention des voyageurs, de même que les arcades de l’aqueduc qui s’élevaient jusqu’à 29 mètres de hauteur sur une longueur de 400 mètres (pour se faire une idée, imaginez le pont du Gard !). Dommage que ces édifices grandioses aient subi les outrages du temps...
Photo 2 : « La première édition d’une histoire régionale remonte au XVIe siècle par la congrégation des Bénédictins de Sainte Maure. Ils avaient une attache très particulière avec Jonzac puisque les seigneurs de cette ville ont prêté serment, jusqu’à la Révolution, à l’abbé de Saint Germain des Prés dont ils dépendaient » rappelle Jean Glénisson qu’on reconnaît aux côtés de MM. Maurin, Gomez de Sotto, Laporte, Debénath, Laporte et Barreau.
Photo 3 : L’époque où l’arc de Germinacus trônait au milieu du pont romain, sous l’empereur Tibère (dessin Van der Hem).
Photo 4 : Croquis réalisé au XIXème siècle avec l'arc romain. Malheureusement, ce projet n'a pas abouti et l'ancien pont a été détruit. L'arc a été installé sur la rive où il se trouve encore.
2 commentaires:
pensez vous continuer les fouilles du tumulus de courcoury cette ete 2008
une habitante passionnee de courcoury
excellent points and the details are more specific than elsewhere, thanks.
- Norman
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