mardi 2 mai 2023

Paléosite de Saint-Césaire : La découverte de Pierrette, la Néandertalienne, a bouleversé l'histoire de l'humanité !

Il y a 44 ans, à Saint-Césaire, le professeur François Lévêque tombait sur un os qui allait bouleverser l'histoire de l'humanité ! 

(Archives photos Nicole Bertin)

L’affaire remonte à juillet  1979. En découvrant le squelette partiel d’une Néandertalienne (baptisée Pierrette) dans des couches de terrain du Châtelperronien, les équipes de François Lévêque, conservateur à la Direction régionale du Patrimoine de Poitou-Charentes et Bernard Vandermeersch, alors directeur du Laboratoire d’anthropologie de l’université de Bordeaux, ont changé l’histoire de l’humanité.

Néandertal et l'homme moderne s'étaient croisés. A l'époque, la nouvelle était à peine croyable ! Revenons sur cette histoire à l'origine du Paléosite de Saint-Césaire, grand projet réalisé par le Conseil départemental, et des "Entretiens" où d’éminents universitaires faisaient le point sur leurs travaux.

Les premières réunions en présence d'Yves Coppens, François Lévêque, Bernard Vandermeersch, Claude Belot, Xavier de Roux

Saint-Césaire, capitale de Néandertal ! 

La découverte de "Pierrette" est d’autant plus intéressante qu’elle concerne la Charente-Maritime. Le gisement se trouve à Saint-Césaire, entre Saintes et Burie. Quelques années avant la découverte des ossements, Bernard Dubiny, un passionné de préhistoire, avait remarqué d’abondants silex aux abords d’une champignonnière. Ce jour-là fut à marquer d'une pierre blanche : un engin, en pleine extraction, dégageait des matériaux. Les témoignages du passé qui apparurent provoquèrent alors sa curiosité. Il s'agissait d'un gisement de silex important. Il prévint des collègues qui alertèrent les milieux intéressés. René Boucher, propriétaire des lieux, comprenant l'intérêt de la découverte, calma les ardeurs de la pelleteuse et laissa la place aux chercheurs. Les fouilles, étalées sur plusieurs années, aboutirent à l’événement qui fit de cette région un lieu connu des scientifiques du monde entier. Les os mis au jour, datés par thermoluminescence, avaient quelque 36300 ans.

«  Cette aventure n'aurait pas eu lieu sans deux hommes, Bernard Dubigny et René Boucher, responsable de la carrière, qui arrêta les travaux  » remarque l’un des pionniers, le professeur Bernard Vandermeersch.

N'allez pas croire que les choses furent simples ! Sur place, les élus locaux avaient des avis partagés sur les recherches entreprises. Fallait-il cautionner ou non l'initiative ? La préhistoire est si lointaine... Un mot est resté célèbre, celui d'un ancien conseiller général, qui déclara goguenard, quand fut lancée l’idée d’un musée abritant les découvertes : «  on ne fera pas de cet os un pot au feu ! ». Fort heureusement, d’autres personnalités envisageaient la question sous un autre angle, à commencer par René Boucher, maire de Saint-Césaire.

A gauche de la photo, René Boucher, maire de Saint-Césaire, et le professeur François Lévêque 

La création d’un centre d’interprétation de l’homme de Néandertal fit doucement son chemin, poussée par le Président de la Vallée du Coran, Xavier de Roux (ancien maire de Chaniers). Séduit, le Conseil Général, que présidait alors Claude Belot, soutint ce projet validé par d’éminents chercheurs dont le célèbre professeur Yves Coppens. L’histoire de nos origines, revue et corrigée, était en marche.

Le centre ouvrit en 2005 ((coût 12 millions d'euros financés par le Département, la Région et l'Etat). Depuis, il reçoit de nombreux visiteurs, intéressés par ce voyage dans le temps. Des films, dont "L’odyssée de l’espèce" et "Ao le dernier Néandertalien" y ont été projetés. La scénographie moderne capte l’attention du public. Contrairement à certains lieux, intéressants mais figés, le Paléosite est à la fois interactif et pédagogique. Il fait partie des grands sites que compte la Charente-Maritime. 

Le professeur Yves Coppens a animé durant plusieurs années les Entretiens de Saint-Césaire
Le règne de l’Homo sapiens tout puissant 

Situons le contexte où vivait Pierrette, la petite Néandertalienne. Face au changement climatique - coup de fraîcheur d’un côté, aridité des régions tropicales de l’autre - les hominidés ont la bougeotte et sont dans l’obligation de migrer (réchauffements et glaciations sont des épisodes courants sur la Terre). Prospecteurs de nouvelles niches écologiques, ils n’hésitent pas à se déplacer. Manger, c’est assurer leur survie et celle de leur groupe.

Leur curiosité est-elle le symbole d’un début de conscience ? Ils façonnent du matériel de plus en plus performant qui leur permet de traquer le gros gibier. Et s’il vient à manquer, ils se déplacent et font de nouvelles rencontres, d’où des métissages.

Néanmoins, il existe une exception pour l’Europe actuelle dont les frontières sont fermées par un immense glacier. Cette barrière rebute les tribus venues du Proche-Orient et d’Afrique. En nos contrées, il y a 35000 ans, il ne fait pas bien chaud et Pierrette doit grelotter. Nous avons un permafrost et le sol est gelé comme dans la toundra. Cet isolement, et le moindre choix qui en découle quant aux unions, ont vraisemblablement favorisé une dérive génétique de Néandertal qui vit en ces lieux. D'où une accentuation de ses traits.

Les professeurs Bernard Vandermeersch et Trinkaus, paléoanthropologue américain
spécialiste de l'Homme de Néandertal

La situation vient à changer et les hommes modernes arrivent sur ces territoires. Peu à peu, Néandertal, quelque peu « has been », s'inspire des pratiques des Cro-Magnon. Il enterre ses morts, s’orne le corps, collecte des fossiles et prend le virage des nouvelles technologies paléolithiques. Bref, il évolue !

Fatalité, Néandertal a disparu il y a un peu plus de 30.000 ans (comme son cousin de Java, d’ailleurs) après une évolution de près de 400.000 ans. A-t-il été exterminé, s’est-il éteint de sa belle mort en raison d’une forte consanguinité ? A-t-il été victime d’une épidémie ou de malnutrition ? Les spécialistes avancent plusieurs hypothèses mais pour l'instant, nul ne le sait vraiment. Quoiqu'il en soit, il nous a laissé une carte de visite : selon des études, 2 % de son ADN est en nous...

Débat animé par les professeurs Vandermeersch et Hublin, directeur du département Évolution de l'homme de l'Institut Max-Planck d'anthropologie évolutionniste à Leipzig en Allemagne

• Un nouveau champ de réflexion 

Dans une conférence donnée au Paléosite, Marie Soressi, ingénieur de recherche à l’INRAP, a parlé de la façon dont la découverte de Saint-Césaire a relancé le débat sur les capacités des Néandertaliens. Étudiante, elle a travaillé avec François Levêque dont elle a salué la rigueur et le professionnalisme : «  Quand Pierrette est découverte dans une couche de terrain associée à une industrie laminaire datée de 35000 ans considérée jusque-là comme une œuvre des hommes modernes, une nouvelle ère de recherche s’ouvre. La vision quant à l’évolution des comportements a donc changé, des influences entre populations migrantes et locales pouvant aboutir à des convergences ».

Une sorte de coup de tonnerre  !

Le gisement de Saint-Césaire aurait pu disparaître sans l’action rapide et coordonnée de Bernard Dubiny qui alerta François Levêque, lequel sollicita Bernard Vandermeeersch, alors directeur régional des Antiquités. Ce dernier réalisa le dégagement des restes osseux avec Mario Chech, ingénieur au CNRS.
«  La surface fut isolée et le bloc ainsi dégagé fut consolidé dans sa totalité, puis plâtré et retiré avec précaution de la couche pour être emporté au Laboratoire de paléontologie de Paris VI.
Après avoir sorti une mandibule et une partie du frontal, il devint évident que nous étions devant un néandertalien. Ce fut pour nous comme une sorte de coup de tonnerre. Un néandertalien dans du Châtelperronien ! La première annonce de cette découverte fut une dépêche de l’AFP qui surprit les chercheurs du monde entier. Certains n’y crurent pas et il fallut plusieurs années pour qu’ils se rendent à l’évidence. Cette découverte a suscité de nouvelles interrogations sur les rapports entre Néandertaliens, les hommes modernes et leurs influences réciproques. Saint-Césaire restera une source importante de réflexion pour les chercheurs  » remarque Bernard Vandermeersch.

2 commentaires:

GEROME a dit…

Enfin ! Hommage spécial et ému à René Boucher, maire de Saint-Césaire, homme clairvoyant et généreux, qui a voulu dans les années 1970, pour l'enrichissement et la compréhension de l'anthropologie et l'histoire locale, conserver à Saint-Césaire "Pierrette" et a ainsi été à l'origine du Paléosite.
Il y aurait beaucoup à apprendre du service archéologique de Saint-Denis !

GEROME a dit…

Enfin ! Hommage spécial et ému à René Boucher, maire de Saint-Césaire, homme clairvoyant et généreux, qui a voulu dans les années 1970, pour l'enrichissement et la compréhension de l'anthropologie et l'histoire locale, conserver à Saint-Césaire "Pierrette" et a ainsi été à l'origine du Paléosite.
Il y aurait beaucoup à apprendre du service archéologique de Saint-Denis !