lundi 11 juillet 2022

Château de Jonzac : Que se cache-t-il derrière les échafaudages ?

De la place, vous ne voyez que les échafaudages et une sorte de sarcophage entourant le châtelet. N’ayez crainte, le papillon sortira bientôt de sa chrysalide, en fin d’année si tout va bien, offrant une façade en harmonie avec la tour et son clocheton, précédemment restaurées. Suivront des travaux intérieurs accompagnés d’agencements destinés au futur musée, puis le choix de la scénographie. Visite au cœur d’une forêt de tubes métalliques, soutenant des planchers qui permettent l'accès à des détails difficilement accessibles en temps ordinaire...

Les armoiries de Jonzac, datées du XIXe siècle

Visite guidée par Patrick Carré (ici devant une gargouille ornementale)
La date de 1449 apparaît nettement sur cette pierre

Patrick Carré, adjoint chargé des travaux à la Ville de Jonzac, est passionné par ce château qui n’en finit pas de conter sa longue histoire. Chaque détail fourni par archéologues et historiens l’intéresse. Si l’on se base sur la date gravée dans la pierre "1449", 573 ans se sont écoulés jusqu’à nos jours. 

Les corps de métiers s’enchaînent sur la façade en cours de restauration. Ce solide édifice, campé sur son éperon rocheux, a de quoi retenir l’attention. Il a succédé au premier château-fort ruiné durant la Guerre de Cent Ans, dont on distingue des vestiges en contrebas, à l’entrée du chemin de ronde. « Des pierres ont sans doute été réemployées dans la nouvelle construction » remarque l’élu. 

Les ardoises du châtelet ont été déposées. Certaines seront réutilisées, d’autres sont destinées aux Journées du Patrimoine où les visiteurs pourront rapporter un "souvenir". Poutres et enrayures sont mises à nu. La charpente, magnifique, se dessine derrière les échafaudages qui devraient être ôtés en fin d’année. En 2023, les équipes interviendront à l’intérieur de l’édifice où des parties seront aménagées en musée. Une seconde issue au chemin de ronde sera créée afin de faciliter les déplacements. Pour l’instant, il se termine en cul de sac, ce qui n’est guère logique (on soupçonne un escalier aujourd’hui muré entre mairie et sous-préfecture). Par ailleurs, les spécialistes pensent que ce chemin de ronde, d’abord à ciel ouvert, a été doté d’un toit par la suite. « Ce qui sera présenté dans le musée est à l’étude. Outre la Guerre de Cent Ans, il y a de nombreux évènements à valoriser » souligne Patrick Carré. En 2024, viendra la scénographie. De belles perspectives qui donnent à Jonzac cet esprit d’entreprise qui lui est cher. 

Le chemin de ronde
Bois et charpente mis à nu

Minutieusement agencés, les échafaudages permettent d’accéder aux différents paliers jusqu’au sommet, ces fameux anges de pierre qu’encadre un décor flamboyant. Chaque étape est dédiée au passé. Parmi les pierres séculaires, l’une d’elles porte la date de 1449. En fait, il y a deux dates, l’une distincte avec des lettres au-dessus et la seconde un peu plus érodée. Travailler sur un édifice classé aux Monuments Historiques, c’est entrer dans la mémoire. Le suivi des travaux a été confié à Philippe Villeneuve, architecte des MO qui, outre Jonzac, a la lourde mission de redonner sa beauté à Notre-Dame de Paris. 

En ce qui concerne les sculptures, l’intervention des compagnons est « légère » car il n’est pas question d’agresser les motifs. Les blocs altérés ou descellés seront changés, les nettoyages effectués (celui du chemin de ronde en particulier, largement squatté par les pigeons déconcertés de ne pas voir leur bail renouvelé !). 

Au dessus de la porte d’entrée, les armoiries du château et sa célèbre inscription « post bella, otia pacis » (après les guerres, les loisirs de la paix) sont à dater du XIXe siècle, une époque où l’on aimait s’attribuer quelque formule latine de bon aloi. Ce n’est pas la devise de la châtellenie. Peut-être un jour la connaîtra-t-on quand un sceau découvert par l’historien Marc Seguin aux Archives aura livré ses secrets…

Les anges de pierre au dessus de l'horloge et gargouilles
Sans doute y avait-il un écusson, mais il a été soigneusement martelé au moment de la Révolution par les amis de Messin en novembre 1793.
« Le seul qui nous reste pour les Sainte-Maure est celui de la chapelle de la Maladrerie qui a échappé aux mutilations. En ce mois de novembre 1793, elle ne servait plus à rien et elle était environnée d’une fourré impénétrable » explique Marc Seguin
Style flamboyant pour ces ouvertures

Prometteurs, ces travaux vont favoriser la recherche. Que révèlera l’intérieur du châtelet, dans son "jus" depuis des décennies ? Pour l’heure, il est émouvant de découvrir les gargouilles, sentinelles aux allures parfois inquiétantes. L’une est une véritable gouttière, donc ancienne, les autres sont ornementales. Les regards s’attardent sur ces animaux fantastiques chargés d’intimider les villageois. Touchante est la pensée qui s’adresse aux sculpteurs d’antan. « La fenêtre qui accueille les anges de pierre, situés au-dessus de l’actuelle horloge, a un très beau dessin flamboyant qu’on peut dater des années 1470, ce qui montre que Renaud de Sainte-Maure a su trouver des ouvriers de bonne qualité » souligne Marc Seguin.

Sur certains blocs, on voit apparaître des marques. Il s’agit de comptes en réalité. Le maçon étant payé à la tâche, il notait le nombre de pierres posées. Des traces de boulets et d’artillerie rappellent les épisodes belliqueux de Jonzac où le destin des hommes oscillait entre Français et Anglais, Catholiques et Protestants. Si les pierres pouvaient parler, elles raconteraient des tas d’aventures qui intéresseraient touristes et curistes, nombreux dans la ville en cette période. Imaginez par exemple Isabeau de Sainte-Maure, dame protestante de Jonzac, assiégée dans le château en décembre 1585 par le Maréchal de Matignon qui la rançonna excessivement. Somme dont elle dut s’acquitter au cours des années suivantes… Toutes ces intrigues pourraient inspirer un futur son et lumière quand le chantier sera terminé !

Ce graffiti figure peut-être une arbalète, instrument alors essentiel dans la vie quotidienne. La plus belle est gravée (et couverte de mousse) sur le contrefort arrière de l’église de Salignac-de-Mirambeau. Plus sûrement d'un marteau de couvreur destiné à tailler et poser l'ardoise !
Les échafaudages du châtelet 
Il y a quelques années, la restauration de la tour et son clocheton
PHOTOS NICOLE BERTIN/PATRICK CARRE

1 commentaire:

Estebàn a dit…

Bonjour, il s'agit clairement d'un marteau de couvreur destiné à tailler et poser l'ardoise. Et non d'une arbalète.