lundi 4 février 2019

Saintes/hôpital de Saintonge : Activité croissante… mais un déficit cumulé de 12 millions d'euros

Bientôt un IRM 3 Tesla à Saintes ?

Gérer des hôpitaux n’est pas un long fleuve tranquille. Fabrice Leburgue, directeur des centres hospitaliers de Saintes, Saint-Jean-d’Angély et des établissements médico-sociaux de Matha et de Saint-Savinien, le sait bien. Malgré une hausse de l’activité en 2018, le bilan financier a du mal à s’équilibrer et le recours à des praticiens intérimaires enflamme les budgets. 
D’où cette déclaration au dr Jean-Sébastien Borde, président de la Commission médicale d’établissement et successeur du dr Bienvenu : « Nous sommes aux commandes du navire amiral "Groupement Hospitalier de Territoire" et il nous faudra de l’intelligence collective, du courage et de la constance pour que la flotte du GHT de notre porte-avion de Saintonge, aux vedettes et cuirassés, soient en ordre de navigation »…

Le discours de Fabrice Leburgue, directeur
Chaque année à pareille époque, le centre hospitalier présente ses voeux. Les discours sont le reflet de l’état de santé - c’est le mot - des structures dont Fabrice Leburgue assure la direction : Saintes, Saint-Jean-d’Angély, les établissements médico-sociaux de Matha et de Saint-Savinien. De nombreuses personnalités participent à ce rendez-vous annuel important pour la communauté, Jean-Phiippe Ardouin, député, Christophe Dourthe, conseiller  départemental, Jean-Claude Classique, président de la CDA, Françoise Mesnard, maire de Saint-Jean-d’Angély, Jean-Philippe Machon, maire de Saintes, Edwige Delheure, directrice départementale de l’ARS. Le centre hospitalier est le plus gros employeur de la ville de Saintes et il fait partie du quotidien de chaque habitant en ce sens où un jour ou l’autre, il fera appel à lui. D’autant qu'avec la pénurie de généralistes, on s’adresse directement aux urgences pour des cas qui, autrefois, auraient été traités par les médecins de famille…

Devant une nombreuse assemblée, Fabrice Leburgue fait le point sur l’année écoulée. Si des avancées sont à souligner, l'une des difficultés majeures est le manque d’effectif médical stable. « Le pourcentage de postes vacants atteint souvent plus de 20 %, les pyramides des âges sont inquiétantes dans certaines spécialités comme l’anesthésie ou la médecine d’urgences. L’ARS a soutenu notre démarche d’émarger, en matière de démographie médicale, sur les dispositifs d’assistants à temps partagés des 3 CHU de la Nouvelle-Aquitaine. C’est un motif d’espoir pour maintenir et développer l’offre de soins du territoire. Avec le CHU de Poitiers, nous cherchons à développer la télémédecine et la télé-expertise ».

Le dr Borde succède au dr Bienvenu à la Commission médicale d'établissement (CME)
Ce constat est partagé par le dr Borde, président du CME : « Le plus préoccupant est la difficulté pour recruter des médecins. Les services impactés ont une activité en baisse. Nous essayons de pallier cette situation en ayant recours à l’intérim, mais les remplaçants assurent rarement l’activité cible parce qu’ils ne sont pas recrutés avec un ratio de 1/1 et leur implication institutionnelle est inexistante ». Par ailleurs, ils coûtent cher : plus d’un million d’euros par an. L’avant-projet de loi de santé n’évoque aucune modification du statut de ces médecins intérimaires dont la rémunération était plafonnée à 1400 euros pour 24 h de travail en 2018.

En ce qui concerne les finances :

L’hôpital de Saintonge a connu une année 2018 contrastée. « En comparaison de la majorité des hôpitaux français, notre établissement a réalisé une activité en forte croissance avec 5 % de séjours supplémentaires. Cette performance collective remarquable s’est réalisée alors même que certains secteurs de l’hôpital ont vu leur activité diminuer faute de demandes (la maternité/la pédiatrie, avec une nouvelle baisse à deux chiffres de la natalité) ou faute d’offre (la gériatrie et la réanimation à Saintes). Des décisions individuelles fortuites au sein des deux équipes médicales ont affaibli l’hôpital impliquant un soutien permanent via l’intérim médical de quatre équipes pour soutenir l’offre de soins (urgences, anesthésie-réanimation, réanimation, gériatrie). Hormis ces impondérables, l’hôpital de Saintonge aurait réalisé une année exceptionnelle dans sa dynamique d’activité, ce qui lui aurait permis de retrouver l’équilibre financier. Malheureusement, le recours massif à l’intérim médical se traduit généralement par une double perte pour l’hôpital. Notre situation financière actuelle remet en cause notre capacité à jouer notre rôle en limitant au minimum les investissements et les projets, avec 12 millions de déficit cumulé (notre hôpital est constamment déficitaire depuis 2011), une capacité d’autofinancement désormais inférieure au capital de la dette à rembourser chaque année, une trésorerie exsangue et une dette élevée. Les finances seront au cœur de l’exercice 2019. En premier lieu parce que l’ARS place officiellement l’hôpital dans une nécessité de plan de retour à l’équilibre. Les membres du Conseil de Surveillance pourraient trouver cette démarche paradoxale puisque l’aggravation de notre déficit en 2018 a aussi pour origine des retraits de financement pilotés par l’Agence, mais là encore, il convient d’être juste. L’établissement ne peut contester l’harmonisation des financements à l’échelle de la Nouvelle-Aquitaine, surtout lorsque les anciennes enveloppes attribuées par l’ARS Poitou-Charentes pouvaient s’analyser comme une rente (radiothérapie). A contrario, le CH de Saintonge n’a pu obtenir un abondement de sa dotation annuelle de financement en psychiatrie, ni faire entendre la spécificité de son activité de SMUR très orientée sur le transport secondaire et mal valorisée dans le modèle de financement » explique le directeur. 
En 2018, l’ARS a attribué à l’hôpital une aide exceptionnelle en fin d’année, permettant de réduire le déficit annuel de 4 millions d’€ à 1,5 millions d’€.
Pour le dr Borde, président de la CME, « il y a des causes bien identifiées du déficit. La psychiatrie est sous-dotée, un SMUR non financé, l’activité d’obstétrique est très déficitaire ».
Le pôle Chirurgie se verra fixer un objectif d’amélioration de ses comptes de 1,5 millions d’€ en réorganisant son activité sur le territoire avec le bloc angérien, en dynamisant la conversion ambulatoire, en réduisant ses durées moyennes de séjour.

Au sujet du CH de Saint-Jean d’Angély : « Je crains que le déficit structurel de l’hôpital angérien ne nous oblige à faire des choix draconiens entre l’équilibre des finances et l’offre de soins disponible sur le territoire. Les communautés médicales, les élus, l’ARS devront s’emparer de ce débat qu’il faut mener cette année avant que le ministère ne désigne la liste des hôpitaux requalifiés en hôpital de proximité ».


• En 2018, a eu lieu la signature de la convention Télé-AVC avec le CHU de Poitiers et tous les établissements du GHT

Concrètement, après moult difficultés liées à l’instabilité des équipes médicales, les urgentistes du territoire sont tous formés et le matériel déployé. Le Sud de la Charente-Maritime retrouve une offre cohérente et complète pour faire face aux 900 AVC/an du territoire. 
En cardiologie, l’équipe a accueilli un troisième praticien, le dr Martin. Le CH de Saintonge a structuré, en quelques mois, des parcours patients de grande qualité. Il est désormais prêt à convaincre les équipes de Royan et de Jonzac, qui ont eu par le passé des filières d’adressage différentes, d’orienter les malades intra GHT. Cela est d’autant plus nécessaire que la démographie médicale et la formation très spécialisée des jeunes cardiologues fragilisent tous les hôpitaux de proximité. Seul un projet de territoire bien conduit permettra aux hôpitaux de Saint-Jean-d’Angély, Royan, Jonzac, de renouveler leurs équipes lorsque les anciennes générations s’effaceront. 2018, c’est aussi l’intégration du CH de Jonzac au GCS de biologie.

IRM : Tous les espoirs sont permis !

Les établissements du GHT ont déposé un dossier d’IRM 3 Tesla à Saintes, destiné à la recherche clinique dans les domaines des neurosciences et de la cancérologie. Le GIE du pays royannais sollicite un second appareil 1,5 T et le CH de Jonzac une autorisation 1,5 T. « Nous espérons que sur les 11 autorisations de Charente-Maritime, les hôpitaux du GHT de Saintonge pourront mettre en service 5 IRM qui complèteront les 4 scanners déjà opérationnels ». Pour Jean-Philippe Machon, président du Conseil de Surveillance : « Le PRS 2019-2023 a permis d’ouvrir des possibilités d’implantation complémentaires d’équipement IRM dont se sont saisis immédiatement le Centre Hospitalier de Saintonge et le Centre Hospitalier de Jonzac qui permettront de résorber les inégalités d’équipement et d’accès entre le Nord et le Sud de la Charente-Maritime. Je rappelle que les élus du Groupement Hospitalier de Territoire ont largement défendu ce sujet lors de l’entretien du 12 juin 2018 avec Michel Laforcade ».


• Le « CAP 2020 » proposera une combinaison de mesures de dynamisation de l’activité

En effet, en chirurgie digestive, en urologie, en orthopédie, en oncologie, radiothérapie, cardiologie, neurologie, le CH peut poursuivre sa dynamique de croissance dès lors qu’il parvient à recruter et fidéliser des médecins. Parmi les jeunes générations, un périmètre prometteur s’installe. Docteur Forgues et Docteur Hugues en chirurgie-urologique, Docteur Pontallier en chirurgie générale, Docteur Martin en radiothérapie, Docteur Lecomte en imagerie, Docteur Berthe en Hépato-Gastro-Entérologie, Docteur Bretheau en gynécologie, Docteur Aubert en pédiatrie-néonatalogie, Docteur Chane-Ching aux urgences, Docteur Tedesco en anesthésie, et Docteur Nicolon en gériatrie.
En conclusion : « Concilier l’économique et le social, dans le contexte prégnant des plans de retour à l’équilibre, peut sembler une gageure pour le gestionnaire hospitalier. J’ai la conviction qu’il faut, plus que jamais, travailler sur les deux versants du social et de l’économique si nous voulons éviter la fracture de nos communautés hospitalières. Faciliter la mobilité géographique et professionnelle, favoriser la qualité de vie au travail, améliorer notre attractivité, permettre la conciliation vie privée et vie professionnelle, constituent les quatre axes du projet social. A titre d’illustration concrète, 2019 verra les premiers travaux de la crèche interentreprises située sur le site hospitalier » souligne Fabrice Leburgue.

Jean-Philippe Machon, maire de Saintes
Jean-Philippe Machon, maire et président du conseil de surveillance, félicite l'implication du directeur, des médecins et des personnels : « La stratégie de notre établissement et ses missions d’animation dans la politique de santé territoriale sont désormais clarifiées. Je retiens à ce titre la consolidation de la filière neuro-vasculaire. Je me réjouis du travail accompli par l’équipe de neurologie de Saintes en complémentarité avec les équipes des services d’urgences des établissements du Groupement Hospitalier du Territoire qui ont œuvré à la mise en place du Télé-AVC pour une détection et un traitement précoces de l’AVC. Le succès confirmé de la coronarographie-angioplastie, le développement de la rythmologie interventionnelle, l’extension de l’hôpital de jour de réadaptation cardiaque du centre hospitalier de St-Jean d’Angély sont autant de projets concrétisés avec succès dans un cadre partenarial. Dans les filières médico-techniques, les projets se concrétisent, l’imagerie médicale, la biologie avec l’adhésion de Jonzac au Groupement de biologie déjà constitué par Saintes – St Jean et Royan. L’intensification des partenariats ville-hôpital, dans tous les champs de la stratégie municipale reste une priorité. Les grands projets de développement urbain et de dynamisation économique de la ville de Saintes me tiennent particulièrement à cœur car leur aboutissement fera aussi le fer de lance de la politique d’attractivité médicale du centre hospitalier. D’ores et déjà, le rapprochement avec Bordeaux induit des ramifications très concrètes pour l’établissement hospitalier dans sa politique de recrutement de jeunes professionnels médicaux. 2018, c’est pour la première fois un poste d’assistant partagé avec le Centre Hospitalier Universitaire de Bordeaux en pneumologie. C’est aussi le premier interne issu de la faculté de Bordeaux en médecine physique et réadaptation. Dans le champ de la formation et l’accueil des internes, la Ville de Saintes, au travers de la SEMIS, a mis à disposition son patrimoine locatif ».

Fabrice Leburgue salue trois « figures » de l’établissement

Le dr Bienvenu (chef de service, chef de pôle) s’est engagée avec ténacité dans l’élaboration du projet médical partagé du GHT : « elle a su, à travers cette démarche, dépasser des antagonismes historiques entre les communautés médicales et nous avons su modéliser les prises en charge et les parcours des malades sur l’ensemble du territoire ». Le dr Borde a la charge d’achever le mandat de la CME saintaise au moment où les turbulences sur le front des finances des hôpitaux du GHT deviennent majeures ».
Autres départs : l’ingénieur biomédical historique de l’hôpital, François Proust, qui a contribué au changement de dimension de l’hôpital de Saintes en participant à la dotation d’un plateau technique de haut niveau, et Jean-Luc Gensac « hors norme au service de l’organisation des soins ».

• Départ de deux grands professionnels de la santé publique

Au centre, Edwige Delheure a remercié la direction, le personnel médical et para-médical. 
Nombreux vont regretter cette femme active aux qualités humanistes
Philippe Gizolme, directeur de l’hôpital de Royan, avait pris le relais d’Alain Debetz pour piloter la transformation de la CHT en GHT. Il part, comme le dr Bienvenu, pour un autre projet de vie.

Edwige Delheure, directrice départementale de l'ARS, va également quitter la région, portée par d’autres projets en Normandie où elle rejoint son époux. Les hospitaliers de la Saintonge et de la Charente-Maritime lui rendent un hommage tout particulier. « Vous êtes parvenue à concilier votre rôle régalien et une compréhension profonde des hospitaliers. A titre tout à fait personnel, je confesse mon admiration pour votre parcours et souhaite rappeler ce que le territoire vous doit, dans les arbitrages récents à Jonzac, Saintes, Royan et Saint-Jean-d’Angély, en particulier sur les dossiers d’investissements. Madame la Directrice, nous regrettons déjà votre départ » remarque Fabrice Leburgue.

Le GHT en ordre de marche pour conduire à bien l'année 2019 !

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