Le comédien Philippe Caubère est un habitué du Théâtre du Château. En 2017, il a présenté en avant-première "Adieu Ferdinand", une pièce qu'il a lui-même écrite, mise en scène et interprétée. En 2022, il a proposé un spectacle en deux soirées consacrées aux "Lettres de mon Moulin" d’Alphonse Daudet. En ce mois de mars, après une longue parenthèse liée au covid, le public avait apprécié les grands classiques que sont "La diligence de Beaucaire, Le secret de Maître Cornille, La chèvre de Monsieur Seguin, L'Arlésienne, La légende de l'homme à la cervelle d'or, Le curé de Cucugnan, Le poète Mistral, La mule du Pape, Les deux auberges, Les trois messes basses, L'élixir du révérend père Gaucher, Nostalgie de casernes". Ah, ce fameux curé de Cucugnan qui est entré dans la mémoire populaire avec le projet ambitieux de confesser tout son village pour redonner foi aux habitants ! Et que dire "des trois messes basses" où notre cher curé, victime du péché de gourmandise, expédie ses trois messes de Noël pour passer plus vite à table ! Alphonse Daudet, c'est d'abord le choix des mots. Des mots qui célèbrent la Provence avec son accent chantant qui exhale les saveurs du terroir, comme ses plantes aromatiques sentent bon le Luberon. Des mots colorés en hommage aux ambiances et aux personnages. Ses Vieux ne sont-ils pas sublimes entre pendule, canaris et cerise à l'eau de vie ?
Philippe Caubère, comédien et conteur (© N. Bertin) |
Vendredi dernier, invité de Prélude au Printemps, Philippe Caubère, en merveilleux conteur, a conduit le public dans un univers constellé « d'étoiles ». Cette voie lactée poétique regroupe plusieurs textes dont "Le phare des sanguinaires, L'agonie de la Sémillante, Les vieux, Le portefeuille de Bixiou et En Camargue". Dans ce passage, le berger, amoureux de Stéphanette, décrit avec une immense tendresse le ciel qui s'offre à eux :
- « Mais la plus belle de toutes les étoiles, maîtresse, c'est la nôtre, c'est l'Etoile du berger, qui nous éclaire à l'aube quand nous sortons le troupeau, et aussi le soir quand nous le rentrons. Nous la nommons encore Maguelonne, la belle Maguelonne qui court après Pierre de Provence (Saturne) et se marie avec lui tous les sept ans ».
- « Comment berger, il y a donc des mariages d'étoiles ? » s'exclame Stéphanette.
- « Mais oui, maîtresse »...
Le berger est un sage et Philippe Caubère se joint à lui par cette description d'une extrême sensibilité : « Tenez ! juste au-dessus de nous, voilà le Chemin de Saint-Jacques (la voie lactée). Il va de France droit sur l'Espagne. C'est Saint-Jacques de Galice qui l'a tracé pour montrer sa route au brave Charlemagne lorsqu'il faisait la guerre aux Sarrasins. Plus loin, vous avez le Char des âmes (la grande Ourse) avec ses quatre essieux resplendissants. Les trois étoiles qui vont devant sont les Trois bêtes, et cette toute petite contre la troisième, c'est le Charretier. Voyez-vous tout autour cette pluie d'étoiles qui tombent ? Ce sont les âmes dont le bon Dieu ne veut pas chez lui... Un peu plus bas, voici le Râteau ou les Trois Rois (Orion). C'est ce qui nous sert d'horloge à nous autres. Rien qu'en les regardant, je sais maintenant qu'il est minuit passé. Un peu plus bas, toujours vers le midi, brille Jean de Milan, le flambeau des astres (Sirius). Sur cette étoile-là, voici ce que les bergers racontent. Il paraît qu'une nuit, Jean de Milan, avec les Trois Rois et la Poussinière (la Pléiade), furent invités à la noce d'une étoile de leurs amies. La Poussinière, plus pressée, partit, dit-on, la première et prit le chemin haut. Regardez-la, là-haut, tout au fond du ciel. Les Trois Rois coupèrent plus bas et la rattrapèrent ; mais ce paresseux de Jean de Milan, qui avait dormi trop tard, resta tout à fait derrière, et furieux, pour les arrêter, leur jeta son bâton. C'est pourquoi les Trois Rois s'appellent aussi le Bâton de Jean de Milan ».
Quelle étonnante voûte céleste ! Le spectacle s'est achevé par ce voyage qui nous a transportés dans un paysage lumineux, loin des vicissitudes. Tant il est bon de s'élever pour retrouver la paix ! Merci à Philippe Caubère, témoin secret des chemins qui serpentant à travers les oliviers en compagnie des cigales "orchestres improvisés de l'été", et de cette beauté que l'actualité, d'une accablante morosité, voudrait nous faire oublier...
En 2022 à Jonzac, Philippe Caubère a présenté deux soirées consacrées aux Lettres de mon Moulin |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire