L’enthousiasme, l’engagement et le volontarisme, tels sont les qualités que le recteur de l’académie de Poitiers, Martine Daoust, souhaite développer chez les jeunes. Jeudi dernier à Jonzac, elle participait au premier café sciences du lycée.
Qu’est donc venu faire le recteur de l’académie de Poitiers au casino de Jonzac ? S’adonner au jeu ? D’une certaine manière… Il s‘agit, pour Martine Daoust, d’animer le premier café sciences organisé par le proviseur du lycée, Bernard Gorrin et un groupe de professeurs. Cet exercice a tout de suite tenté cette agrégée de pharmacie en sciences du médicament, engagée dans ses fonctions avec un seul objectif : servir la cause générale.
Jeudi dernier, le thème choisi s’adresse aux deux classes de Terminale S. Ont été retenues des questions d’actualité telles que les cellules souches, les embryons, la génétique, les biotechnologies.
Science, magique et inquiétante ?
Tout d’abord, Martine Daoust dresse un constat. Les filières scientifiques ne sont plus aussi tentantes que par le passé : « dans les quinze ans qui viennent, nous manquerons de scientifiques et nous formons de moins en moins d‘ingénieurs ». Dans ces conditions, comment faire pour que les sciences fassent envie ?
Elle a, face à elle, des élèves qui incarnent l’avenir. Qu’en pensent-ils ? Le moment est venu de lancer le débat : Faut-il avoir peur de la science ?
Le dr Vilain rappelle la phrase célèbre de Rabelais, extraite de Pantagruel : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». En effet, alors que la science est censée faire progresser l’humanité par ses découvertes, les exemples de dérapage sont nombreux. Il en est ainsi du nucléaire, l’un des enjeux des Présidentielles. Devons-nous miser sur d‘autres formes d’énergies et fermer les centrales nucléaires - l’accident de Fukushima étant dans tous les esprits - ou apprécions-nous d’être indépendants ? Quant à la bombe, des incertitudes règnent sur l’usage que peuvent en faire l’Inde, le Pakistan, Israël et bientôt l’Iran, le Moyen-Orient étant devenu une poudrière.
Si la science est “magique“ par ses avancées, il plane autour d’elle un doute, une suspicion. « Ce n’est pas la technique qui fait peur, mais ce que nous en faisons » souligne Lila Echard, professeur de philosophie. Prenons le clonage, jusque-là expérimental sur les animaux et interdit, en France, sur l’être humain : jusqu’où peut-on aller dans le désir de “reproduction“ sans jouer les apprentis sorciers ?
Un échange intéressant s’engage sur les cellules souches porteuses d’un immense espoir. Le sang du cordon ombilical, par exemple, en abonde. Produisant des globules rouges, des globules blancs et des plaquettes, elles peuvent être conservées et transplantées pour traiter des maladies incurables. Selon les scientifiques, on pourrait les utiliser pour enrayer ou traiter les maladies du cœur, le diabète, l’aplasie médullaire (absence de fonction de la moelle osseuse), la maladie de Parkinson, l’Alzheimer, les grandes brûlures et même le VIH et le sida.
Dans des domaines aussi pointus que la bioéthique, le législateur a beaucoup de mal à cerner les nouvelles propositions de la science et à les confronter à la morale du pays, issue du christianisme qui a des idées très arrêtées sur l’origine de la vie et sa transmission. La querelle de l’âme n’a jamais vraiment été réglée ! Le Comité national d’éthique (qui réunit d’éminents spécialistes ainsi que des membres des différents courants philosophiques et religieux) s’estime plus rigoureux, mais il est confronté à la culture de chacun de ses membres pour formuler ce qui est éthique et ce qui ne l’est pas. Au final, dans une démocratie, le Parlement tranche forcément au gré de l’air du temps !
« On crée des psychoses »
Sur les questions de santé qui divisent les Français, il y a légion ! Claude Belot, sénateur maire de Jonzac, en sait quelque chose : « La loi reste nationale. Sénat et Assemblée nationale ne peuvent pas interdire les recherches faites par la Chine ou les USA ».
Souvent, le public trouve que les choses n’avancent pas assez vite et les représentants du peuple sont accusés de frilosité. La raison ? « Un temps est nécessaire à la réflexion collective ». Quand la situation s’accélère, les critiques fusent pareillement. On pourrait reprocher à Roselyne Bachelot d’avoir dépensé des sommes importantes dans l’achat de vaccins contre la grippe H1N1. La démarche était discutable puisque cette grippe n’a pas eu l’ampleur annoncée. Toutefois, si le gouvernement avait négligé les recommandations de l’OMS et le principe de précaution, qu’aurait-on entendu ?
Les sujets s’enchaînent. Le vaccin contre le cancer de l’utérus (chasse aux papillomavirus) suscite des inquiétudes chez les jeunes filles. Certains témoignages sont troublants, en effet. Martine Daoust se veut rassurante : « de nos jours, on entend dire que tous les vaccins rendent malades. Fort heureusement, les accidents sont rares. Grâce à eux, on ne meurt plus de la tuberculose ou de rougeole. Chacun est libre d‘agir selon ses propres convictions ».
Pour Claude Belot, « on crée des psychoses en permanence chez les gens ». Et de citer les OGM, interdits en France, mais autorisés au Brésil et aux USA, ou l’extraction des gaz de schistes. « Elle est montrée comme un objet de terreur universelle. Nous avons assisté à des débats surréalistes sur la pollution des nappes profondes ». L’un des points soulevés a particulièrement retenu l’attention : le sous-sol saintongeais contiendrait des schistes. Sera-t-il l’objet d’une future exploitation ?...
Professeur d’université, Martine Daoust a participé très activement à l’information, auprès des femmes enceintes, des dangers de la consommation d’alcool. Cet engagement a abouti, en octobre 2007, à l’apposition d’un pictogramme d’information sur toutes les bouteilles d’alcool.
Les projets de Martine Daoust : lutter contre le décrochage scolaire, accompagner les familles et les élèves vers des projets ambitieux, donner de l’espoir aux jeunes et développer l’orientation vers les filières scientifiques.
« La science est adossée à la cohérence intellectuelle et à la pertinence. Gare aux gourous qui veulent s‘emparer d’elle » conclut Martine Daoust en remerciant organisateurs et lycéens. Ce débat, loin du positivisme du XIXe siècle, souligne combien nos sociétés se sont mises à redouter l’avenir et à douter d’elles-mêmes. Dans ces conditions, comment donner du lustre à nos scientifiques et à leurs métiers ?..• Dans le domaine médical, de nombreuses questions entourent la prescription des médicaments, les derniers scandales (Médiator, etc) ayant affolé les patients.
Si les laboratoires sont parfois critiqués, on ne peut nier les avancées qu’ils permettent. « Évaluer le bénéfice et le risque fait partie des étapes de réflexions du scientifique » souligne le recteur. Et de mentionner l’aspirine. Aujourd’hui, compte-tenu des risques, la mettrait-on sur le marché ?
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