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dimanche 10 octobre 2010
Un musée de la Marine
à Bordeaux :
Après les châteaux
de Villebois Lavalette et du Prince Noir, Norbert Fradin a un nouveau projet
Il y a quelques années, le château de Villebois Lavalette, en Charente, était l’objet de toutes ses attentions. Depuis, Norbert Fradin, en véritable défenseur du patrimoine, poursuit sur sa lancée. À Lormont, il a restauré le fameux château du Prince noir qui garde l’entrée du pont d’Aquitaine.
Lundi, il tombe des cordes sur le vieux Lormont. Surprises par l’averse, les rues attristées se drapent d’un manteau automnal.
Cette monotonie s’efface quand apparaît le château du Prince Noir construit sur le promontoire, derrière un îlot de maisons. Le voici, le fier gardien du pont d’Aquitaine ! La confrontation entre une circulation intense et ce vaste domaine, que l’autoroute a coupé en deux, est troublante. L’édifice n’en garde pas moins son prestige. Il se dresse derrière le rideau de pluie, fier de sa renaissance.
Norbert Fradin, propriétaire des lieux, en est persuadé : « il règne ici une force, une sérénité qui donnent envie d’entreprendre ». De son bureau aux grandes baies vitrées, le regard est attiré par le trafic intense du pont. On dirait un tableau vivant : « 100 000 véhicules par jour ! Si je prélevais l’octroi, la mairie de Bordeaux m’envierait » plaisante-t-il.
Norbert Fradin, promoteur immobilier, se passionne pour le patrimoine qu’il enrichit de recherches personnelles. Au fil du temps, il est devenu incollable sur sa période préférée, le Moyen-Âge. Par ses acquisitions, il parvient à conjuguer restauration et histoire locale. Autrement dit, il concilie culture et valorisation des sites. Cette implication en fait un candidat idéal pour l’excellente émission “Des racines et des ailes“.
Il a craqué pour Villebois Lavalette
Norbert Fradin a grandi à Jonzac, dans un moulin situé en bordure de Seugne. Ce lieu aurait-il éveillé son goût pour l’architecture ? On l’ignore, mais depuis des années, il poursuit le même objectif : rendre aux demeures historiques abandonnées leur âme d’antan.
Loin d’être conduits au hasard, ses projets sont mûrement réfléchis. Son château “coup de cœur“ se situe à Villebois Lavalette, en Charente. Il a “craqué“ pour cette vieille “dame“ qui scrute l’horizon de son piton rocheux. L’émotion est intacte : « en 2001, j’ai appris que cette forteresse, vieille de mille ans, était en vente. Quand je l’ai aperçue, j’ai pensé qu’elle m’attendait. Je ne peux pas vous dire pourquoi. C’était en 2001 ».
Il en est devenu le gardien après les célèbres familles Lusignan et Montault de Navailles. Ces occupants, aux noms prestigieux, ne l’intimident pas. « Nous ne sommes que les maillons d’un ensemble » souligne-t-il. Certes, posséder une enceinte flanquée de sept tours n’est pas commun, mais il assume cette paternité avec modestie !
Le grand castrum ayant été construit sur une ancienne motte féodale, des campagnes de fouilles ont été organisées. Le site possédait un immense donjon, plus haut que celui de Pons. Il avait la particularité d’être résidentiel, c’est-à-dire que les étages étaient habités. L’exceptionnelle découverte de sa salle basse voûtée, longue de trente mètres, intrigue les historiens. La conception de ce bâtiment ferait de lui une sorte de chaînon manquant dans l’histoire des châteaux forts.
« Villebois est ouvert au public. C’est un endroit à découvrir. Pour les journées du patrimoine, nous avons reçu quelque mille visiteurs » remarque Norbert Fradin. Cette place, que se disputèrent Français et Anglais lors de la Guerre de Cent ans, le fascine. Le comédien Bernard Lavalette l’a habitée dans sa jeunesse. Pour le comédien, l’ancien château des Fleury est devenu un magnifique chantier archéologique : « C’est comme si j’étais à Pompéi. C’est passionnant. De ce fait, l’appréhension que j’avais a disparu ».
Sous le sceau du Prince noir
À Lormont, près de Bordeaux, Norbert Fradin a sauvé le château du Prince noir. Rappelez-vous la pauvre demeure taguée en bordure de rocade ! La réflexion des passants était unanime : pourquoi la ville de Lormont la laisse-t-elle en piteux état ?
La question fait sourire celui qui a changé sa destinée : « Dans les années 1960, la construction du pont d’Aquitaine et les travaux de voirie ont entraîné le déclin du domaine, autrefois magnifique. L’association de défense et la mairie se sont battues pour que le château soit classé à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques. C’est un point important. Désormais, toutes les réalisations tiennent compte de cette inscription ».
Situé à un point stratégique, l’entrée de la Garonne, l’édifice servait de résidence d’été aux archevêques de Bordeaux. Mieux, quand Bertrand de Goth devint Pape sous le nom de Clément V en 1305, le château de Lormont fut un moment « capitale de l’Église ».
Son histoire est agitée. Reconstruit au XVIIe par François de Sourdis, le château vécut des heures difficiles avec la Révolution qui le confisqua au clergé. Vendu comme bien national, les privés s’y succédèrent dont un banquier allemand, M. Schaler. Parmi les aménagements qu’il effectua au XIXe siècle, se trouve l’aile aux tours crénelées. C’est là que sont installés les bureaux de Norbert Fradin.
« Le château n’a pas résisté à l’autoroute qui l’a dévalorisé en l’amputant. Il est ensuite passé entre différentes mains, dont une société HLM et la DDE. C’est un privé, entre 1992 et 1995, qui l’a entièrement pillé. Tout a disparu, y compris les planchers et la gloriette. Je l’ai récupérée, mais après quel périple » !
Quand il l’achète, il ne reste que les murs : « Ma première question était simple : quelle destination allais-je lui donner ? En proximité de rocade, y faire des logements n’était pas une bonne idée. J’ai donc privilégié des bureaux et fait appel à l’architecte Bernard Buhler. Le chantier a duré quatre ans. Aujourd’hui, je pense que le château, qui abrite plusieurs sociétés, a retrouvé sa place au sein de Lormont. Jean-Marie Amat y a ouvert un restaurant ».
Cette renaissance « remarquable », qui a coûté plusieurs millions d’euros, ne passe pas inaperçue. Elle attire d’ailleurs les cinéastes. Prochainement, un tournage est programmé avec le comédien Laurent Deutsch.
Un musée de la Marine à Bordeaux
L’esprit de Norbert Fradin est en éternel mouvement. « Un matin, en ne me rasant pas, je me demandais ce que deviendraient mes maquettes de bateaux » avoue-t-il. En effet, tout amateur s’interroge sur le devenir de ses collections, les héritiers n’ayant pas forcément les mêmes attirances ! « A Bacalan, je participe à la transformation du quartier des bassins à flot. J’y possède des terrains et compte mener à bien une tranche de 500 logements. Cet endroit, qui sera l’un des plus prisés de Bordeaux, me semble intéressant pour y implanter un futur musée de la Marine ».
Des plans ont donc été élaborés. Le musée, d’une superficie de 4000 m2, s’insérera dans un complexe plus vaste, avec restaurant et boutiques, de 13000 m2. « Il s’agit d’un vieux rêve. Enfant, je voulais faire l’École Navale et devenir officier de marine. J’ai pris une autre direction ».
L’avenir comblera-t-il cette frustration ? « L’objectif poursuivi est de rendre à Bordeaux son riche passé de port maritime. Aujourd’hui, la capitale de l’Aquitaine est associée aux grands vins. Or, elle a d’autres facettes non négligeables ». Son projet, à l’horizon 2013, est bien accueilli : « de nombreuses personnes m’encouragent et m’apportent leur soutien. En 1978, le déménagement de l’ancien musée, situé Place de la Bourse, a été mal vécu. Les objets ont été stockés dans des réserves qui n’étaient pas suffisamment sécurisées. Conséquence, ils ont été envoyés au Musée de la Marine de Paris. Pourrons-nous les récupérer un jour ? ».
Comment Norbert Fradin conçoit-il ce futur musée ? « Doté des nouvelles technologies, il développera une dizaine de thèmes. S’y ajoutera un atelier qu’animera l’association des maquettistes de Guyenne. Outre l’organisation de conférences et de colloques, j’imagine une salle où le visiteur sera plongé au cœur de scènes maritimes en 3 D ».
Comme vous pouvez en juger, la feuille de route de Norbert Fradin est ambitieuse. « La France possède un patrimoine incroyable. Faute de moyens, ni l’État, ni les collectivités locales ne peuvent s’en occuper, c’est pourquoi les privés ont pris le relais. J’en fais partie. À partir du moment où les lieux s’imposent à moi, je ne précipite rien. Pour ne pas faire n’importe quoi, il faut savoir prendre du recul et s’entourer des personnes compétentes, DRAC, architectes. Nous ne sommes que les dépositaires de ces témoignages du passé qui nous survivront ». Les paroles sages d’un homme qui apporte sa pierre aux édifices !
L'info en plus
• D’où vient le nom de Prince noir ?
Au moment de la Guerre de Cent ans, la présence anglaise était importante au château de Lormont fréquenté par Henri III, fils de Jean Sans Terre ou Édouard de Woodstock, prince de Galles, dit le Prince noir en raison de sa pugnacité (prince d’Aquitaine de 1363 à 1370, il fit prisonnier le Roi de France et Duguesclin). Son fils, Richard II, serait né à Lormont. Devenu roi d’Angleterre à l’âge de douze ans, ce dernier a inspiré l’une des œuvres de William Shakespeare.
• Vive la gloriette !
À gauche de la photo, ce dessus de puits monumental a causé bien des soucis à Norbert Fradin. Un ancien propriétaire l’avait vendu à un antiquaire. Médusés, les voisins assistèrent, impuissants, à sa démolition.
Les amis du Vieux Lormont tentèrent une action en justice. En vain. Cet élément architectural imposant fut retrouvé à Houdan, près de Versailles, chez un spécialiste des matériaux anciens.
Un client américain s’était porté acquéreur, mais il n’avait pas obtenu l’autorisation de sortie du territoire. Il avait alors commandé une réplique. « Après âpre discussion, j’ai racheté ce témoignage du patrimoine de Lormont. Quand la gloriette, comme on l’appelle ici, a retrouvé sa place, le maire et les habitants étaient satisfaits » se souvient Norbert Fradin.
Il s’intéresse également au château de Villandraut, cette étonnante forteresse que fit construire le pape Clément V (encore lui !) près de Langon en Gironde. Villandraut constitue, avec le proche château de Roquetaillade, un exemple de l’architecture castrale des années 1300 en Guyenne.
• Commencés en 1961, les travaux du Pont d’Aquitaine ont duré six ans. L’ouvrage a été inauguré officiellement le 6 mai 1967, sous la présidence du ministre des Travaux Publics, François Xavier Ortoli.
Le restaurant de Jean-Marie Amat
Norbert Fradin a convaincu le célèbre chef Jean-Marie Amat de s’installer au château du Prince noir. Superbement agencé, ce restaurant, qui valorise la cuisine gastronomique du Sud-Ouest, est à découvrir.
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3 commentaires:
"Le Prince Noir, fils d'Edouard, ainsi nommé à cause de la couleur de son armure, ravage le Poitou..."
L'histoire de France, Repéres pratiques Nathan, édité en 1991, page 38.
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Norbert FRADIN, un prince blanc à LORMONT.
"À Lormont, près de Bordeaux, Norbert Fradin a sauvé le château du Prince noir."
Situé à un point stratégique, l’entrée de la Garonne, l’édifice accueille, outre un prestigieux restaurant,les bureaux de son propriétaire. Sur cette photo on le voit penché sur sa table de travail. Chevelure blanche qui domine un regard acéré et bienveillant. A cet instant, pense t'il à ce musée de la Marine qu'il souhaite installer dans le quartier de Bacalan, juste de l'autre côté de l'eau ? Cette bâtisse épousera t'elle l'architecture de ces citadelles qu'un peut être ancètre ou "Maître à penser" construisait avant lui, du temps de Louis XIV ? Connaissez vous cette devise : "TOUJOURS, PARTOUT, REALSER" Assurément on pourrait la lui octroyer. N'est il pas un VAUBAN des temps modernes, reconstruisant le passé comme cet auguste architecte, maître de Marine qui, soucieux de la vie des soldats, imaginait de telles fortifications ?
Le souvenir du Prince Noir pourrait il laisser place au défenseur actuel de notre patrimoine atlantique et son chateau devenir celui du Prince Blanc ?
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