Marcel Maréchal voulait un feu d’artifice. Pour son dernier tour de scène aux Tréteaux de France, il a choisi d’incarner un « bourgeois gentilhomme » qui fait rire les salles à gorges déployées ! Vendredi dernier, il donnait représentation à Chaniers…
L’an dernier, il était l’oncle Vania d’Anton Tchekhov. Homme incompris et malheureux au cœur d’une Russie froide où les sentiments sont prisonniers des glaces hivernales. En 2010, il rayonne comme un soleil, se parant des plumes du paon dans un rôle qu’il endosse avec délectation : Monsieur Jourdain du Bourgeois gentilhomme. En écrivant cette comédie, l’ami Molière a mis en scène des vanités qui jamais ne s’altèrent, celles de hisser son postérieur là où il n’est pas admis !
Pauvre M. Jourdain, sa situation de simple bourgeois nuit grandement à sa manière d’être. S’il était gentilhomme, il atteindrait l’objet de son cœur, une marquise ! Pour y parvenir, il doit apprendre les manières en usage à la Cour. Certes, il ne manque pas d’argent, mais cette aisance ne suffit guère à satisfaire ses ambitions.
Atteint d’un vague à l’âme, il voudrait parader au milieu de la noblesse, quand d’autres se contenteraient de deniers sonnants et trébuchants. Il n’a pas mauvais cœur ; il cherche simplement à atteindre la France d’en haut, selon une expression actuelle.
Son éducation a été défaillante ? Qu’à cela ne tienne : il aura, pour améliorer son aspect et parfaire son esprit, maîtres de danse, musique, escrime et philosophie. Ces coquins, sentant le pigeon qui sommeille en lui, se disputent ses faveurs comme des chiffonniers. La concurrence a le terrible désavantage de diviser par trois ou quatre le formidable « pactole » de M. Jourdain. Ce fleuve qui, d’après les légendes grecques, charriait des paillettes d’or…
Pas de Rolex, mais une tenue de velours bleu nuit
Monsieur Jourdain apparaît, vêtu d’une tenue si voyante qu’elle déclenche les rires de sa servante. « Heureusement que le ridicule ne tue pas » semble penser la pétillante Nicole, convaincue que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute.
Pour accéder au “nirvâna” social, son maître s’entoure d’honorables personnes qui le trompent et le plument, Dorante, allure Karl Lagerfied, et la belle marquise Dorimène qui porte au doigt le plus scintillant des diamants. Un festin, découvert par sa femme qu’il avait envoyée chez sa sœur, met le feu aux poudres.
Piquée par l’aiguillon de la jalousie, elle interrompt la douce griserie qui entoure son époux en présence de ses invités. Fines mouches, les femmes sentent quand un démon de midi investit leurs maris !
En ce rôle de bon bourgeois nourri aux macarons de la prétention, Marcel Maréchal excelle. Naïf, voire crédule, il est convaincu du bien fondé de sa démarche et, pour la main de sa fille, il écartera un parti sans panache.
Les scènes qui suivent sont incroyablement drôles et les spectateurs rient aux facéties et autres rebondissements.
La fin est heureuse : Lucile finit par épouser son soupirant, Cléonte, devenu Grand Turc par un coup de baguette magique, et Nicole retrouve Covielle, le valet futé. Une supercherie nécessaire puisque Cléonte a été préalablement éconduit, n’ayant pas la grandeur d’un Monseigneur. L’idée d’un déguisement fait alors son chemin. Malgré son regard “persan” et sa condition enviée de Mamamouchi, M. Jourdain est bel et bien berné. Qu’importe, l’amour et la raison l’emportent !
Le Bourgeois gentilhomme a été joué pour la première fois au château de Chambord en octobre 1670, devant la Cour de Louis XIV. En août 2010, cette comédie classique est donnée par Marcel Maréchal et les Tréteaux de France. La pièce n‘a pas vieilli tant vanités humaines et "glorioles" traversent les époques sans prendre une ride. Marcel Maréchal incarne son personnage avec un plaisir immense, aux côtés d’une troupe qui l’entoure de belle façon. Au cours de sa carrière, il a joué sept fois Molière. Diantre !
• L'info en plus :
Le Bourgeois gentihomme, comédie-ballet de Molière, sur une mise en scène de Marcel Maréchal, avec la collaboration artistique de Michel Demiautte.
• La troupe :
Autour de Marcel Maréchal : Monsieur Jourdain ; Jacques Angéniol : maître de philosophie ; Pascal Bracquemond : maître tailleur ; Antony Cochin : Cléonte, soupirant de Lucile, déguisé en grand Turc ; Liana Fulga : marquise Dorimène ; Laetitia Godès : Lucile, fille de M. Jourdain ; Philippe Escande : Covielle ; Henri Valette : laquais ; Vincent Talon : maître de danse ; Flore Grilaud : Nicole ; Agnès Host : Mme Jourdain, Michel Deliautte : Dorante.
• Musique :
François Fayt ; dramaturgie : François Bourgeat ; décor : Thierry Good ; costumes : Bruno Fatalot ; lumières : Jean-Luc Chanonat ; chorégraphie : Patricia Delon ; régie générale : Henry Valette.
• Lors de la première présentation, Molière (M. Jourdain) était habillé de couleurs vives, paré de dentelles d’argent et de plumes multicolores, face à Hubert, travesti dans celui de Madame Jourdain ; Mlle de Brie était Dorimène ; Armande Béjart jouait Lucile, tandis que le musicien Lully était le muphti au cours de la cérémonie turque.
Le Bourgeois Gentilhomme est la dernière pièce que présente Marcel Maréchal à la direction des Tréteaux de France. L'an prochain, Francis Huster devrait lui succéder.
Reportage/Photos Nicole Bertin
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