Pour sa rentrée, Ghislaine Pineau avait invité un artiste qu’elle apprécie particulièrement, le grand Mikhaïl Rudy. Grand par son talent bien sûr, mais aussi par son âme qu’il dévoile dans le livre "le roman d’un pianiste"…
Depuis plusieurs années, Ghislaine Pineau, à l’origine de l’association culturelle “Val de Seugne”, écrivait une parenthèse de silence. Parfois, le cours de l’existence a besoin d’une pause, pour se ressourcer et faire face aux événements. Dans la région, cette situation a ému ses nombreux amis et le retour de Ghislaine était attendu avec impatience. Leur vœu a été exaucé.
En 2010, elle a choisi d’organiser deux concerts en l’église de Fontaines d‘Ozillac (Charente Maritime). En dehors de sa beauté architecturale, il règne en cet édifice religieux une ambiance propre à la méditation et l’harmonie musicale.
Pour son retour, l’organisatrice souhaitait un artiste attachant. Un nom lui est venu à l’esprit, celui de Mikhaïl Rudy qui avait déjà suscité l’enthousiasme, il y a une dizaine d’années.
Connu mondialement, ce pianiste d’origine russe possède en lui une énergie créatrice qu’il est difficile de ne pas ressentir. Il rayonne, comme si la tristesse de son enfance - sa famille a été déportée par le régime soviétique en Ouzbékistan – l’avait conduit dans une autre dimension pour atténuer les stigmates laissés en son cœur par l’incompréhension. « La musique est entrée dans ma vie presque par hasard » dit-il. Un hasard qu’on pourrait qualifier de “surnaturel”, sans cette volonté farouche d’exister qui se devine derrière un regard azuré.
Survivre à l’adversité, Mikhaïl Rudy le prouve. Sa souffrance n’a pas été vaine. Par le partage, il incarne non seulement le talent ; il est aussi le gardien des mânes, celles qui le protègent et guident son destin.
Imaginez sa première expérience avec la musique « dans un souterrain en ruine », une adolescence « dans le quartier chaud d’une ville ouvrière du sud de l’Ukraine entouré de bandes rivales qui se battent au couteau et sa résistance aux agents du KGB à Moscou », puis le bout du tunnel avec le Conservatoire Tchaïkovski à Moscou, son succès au Concours Marguerite Long à Paris et l’asile politique demandé à la France… Son combat est une réalité.
Les personnes présentes au concert organisé mardi soir à Fontaines d’Ozillac avaient devant elles un être d’exception. Un prince lointain qui joue sans partition. Tombé sous le charme, les yeux fermés avec lui, le public a vogué au gré des rythmes contrastés que le musicien leur a offerts, sous le regard bienveillant et éternel de Sainte-Claire.
Scriabine, Moussorgski et Chopin étaient inscrits au programme de ce rendez-vous romantique. La salle retenait son souffle, fascinée par cet artiste sans répit, soucieux d’une perfection empreinte de générosité et d‘une profonde humanité.
Au moment des rappels, il a souri, la main sur le cœur, comme si son esprit était revenu sur terre. Quelques minutes auparavant, il semblait flotter dans les arcanes du temps… Instant sublime. Emportée par cette magie artistique, la salle s’est levée et elle a applaudi longuement.
Y a-t-il un mystère Rudy ?
Sans doute ! Lors du verre de l’amitié organisé dans la salle municipale après le récital, il lève un pan du voile. Pour lui, tous les lieux sont uniques. Petite église de Saintonge, vaste scène dans une capitale : « j’aime la diversité, quel que soit l’endroit, au bout du monde, en Australie ou à Fontaines d’Ozillac. Différents, tous les publics me touchent. La musique est émotion. Je suis un intermédiaire entre la musique et le public. Quand je joue, une force m’envahit » avoue-t-il. En homme soucieux de son art, sensible au sens esthétique, il craint le grain de sable qui viendrait altérer cette alchimie.
Singulière, son histoire a façonné sa personnalité. En perpétuel mouvement, il concrétise de nombreux projets. Outre ses récitals, il a réalisé avec Robin Renucci le spectacle "le pianiste", tiré du livre de Wladyslaw Szpilman, salué unanimement par la critique. Une nouvelle production de "The pianist" sera présentée au festival de Hong Kong, après Singapour. Cette année, à Paris, il joue à la Cité de Musique « Tableaux d’une exposition » de Moussorgski, avec projection simultanée des esquisses de Kandinsky. Sans oublier son duo « Double dream » avec le pianiste de jazz, Misha Alperin.
Sur le chemin de l’existence, Mikhaïl Rudy poursuit son “œuvre” qui dépose, en sa main, les pierres précieuses de la vie. L’entendre à Fontaines d’Ozillac était un privilège. Un grand merci à Ghislaine Pineau et à son association.
• Mikhaïl Rudy a fait ses débuts en Europe à l’occasion des 90 ans de Marc Chagall, peintre dont il a été proche dans ses dernières années. Ses quêtes spirituelles dans les monastères orthodoxes ou dans l’Himalaya, ses réflexions artistiques, ou encore ses rencontres avec les plus grandes personnalités (Rostropovitch, Noureev, Karajan, Messiaen, Chagall) sont relatées dans son livre « le roman d’un pianiste, l’impatience de vivre » paru aux éditions du Rocher.
• Josette, une admiratrice, et Mikhaïl Rudy : Le pianisite a écrit l’histoire de sa vie. Né en Russie, il a demandé l’asile politique à la France.
Reportage/photos Nicole Bertin
Nouveau récital à Fontaines d’Ozillac
Prochain rendez vous mardi 17 août à 21 h :
Récital de violoncelle et guitare classique avec Emmanuel Rossfelder et François Salque.
Au programme : Albeniz, De Falla, Saint Saens, Paganini. Prix des places 20 €. Tél. 05 46 70 67 20.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire