lundi 19 avril 2010

Xynthia :
Échauffement climatique
entre Dominique Bussereau
et l'opposition...


• Zones noires : Le préfet Masse dans la ligne de mire

Il ne faut plus se voiler la face. Les effets du réchauffement climatique entraînent des tempêtes de plus en plus violentes et rapprochées (et que dire des cendres du volcan islandais Eyjafjöll !). Selon les spécialistes, ces bouleversements devraient empirer. En février dernier, le raz-de-marée provoqué par Xynthia a submergé terres et habitations en Charente-Maritime et Vendée. Depuis, un périmètre de démolition, établi dans les zones dites « à risques mortels », a été accueilli douloureusement par les habitants concernés.
De ces questions épineuses et des conséquences de l'après-tempête, il a été largement question au Conseil Général de Charente-Maritime réuni en session...



Lundi matin à La Rochelle. Il règne une température frisquette dans l'hémicycle du Conseil Général. Située en bord de mer, la Maison du Département porte encore les stigmates de Xynthia. Pas de chauffage, ascenseurs en "attente", archives envoyées dans un établissement spécialisé après leur bain inattendu : le vaste bâtiment a souffert.

Aux Minimes, le Conseil Général de Charente-Maritime est proche de la mer

Ce matin, Dominique Bussereau est sur le pied de guerre. Il sait que l'opposition va monter au créneau, d'une part au sujet de l'impôt solidarité qu'il a finalement abandonné et, d'autre part, parce que le périmètre décidé par l'État quant aux démolitions des maisons submergées est contesté. Des manifestations se sont d'ailleurs succédé ces jours derniers et certaines banderoles sont explicites sur l'état d'esprit actuel...

• Merci Jean-Louis Borloo !

Le président prend les devants en énonçant le montant important des aides allouées aux sinistrés par l'État et le Département : « Comme chaque Français, j'ai conscience que quitter sa maison, c'est-à-dire ses souvenirs, est un déchirement. Je souhaite que cette démarche soit entourée d'un maximum d'humanité et de justice. Notre priorité est la protection des populations ».
Le premier poste de dépenses concerne les digues dont la consolidation et la surélévation permettent de sécuriser les zones habitées. 70 chantiers ont été ouverts pour un montant de 8 millions d'euros. Il reste beaucoup faire, dont Saint-Laurent de la Prée (20 M). « Nous avons 200 millions d'euros de travaux indispensables à effectuer sur dix ans » avance Dominique Bussereau, favorable à l'établissement d'un plan pluriannuel.
Au total, les conséquences financières de Xynthia sont de 26 M pour la Charente-Maritime. La facture est lourde. Face aux dépenses imprévues, Dominique Bussereau a d'abord pensé à un impôt exceptionnel de 6% qui se serait ajouté à une augmentation de 5,5%, votée en décembre dernier. Cette perspective a été abandonnée : « j'ai constaté que cette expression de solidarité n'avait pas été comprise, c'est pourquoi je ne la proposerai pas » dit-il.

Entre-temps, Jean-Louis Borloo, ministre de l'Environnement, est venu à la rescousse. Il a annoncé que le FCTVA pourrait être récupéré dès cette année (d'où un gain de 3400000 euros). À cette opportunité, s'ajoutent « trois manières de payer le solde » : des redéploiements de crédits (certains projets seront reportés, mais non annulés, nuance !), des prélèvements sur le chapitre "dépenses imprévues" et une recette plus élevée que prévu des droits de mutation.


• Le périmètre des zones noires contesté

• Un médiateur dans chaque village touché ?

Léon Gendre, conseiller général de l'Ile de Ré

Léon Gendre, maire de la Flotte en Ré, entre dans le vif du sujet. Au moment où les démolitions des habitations situées en zone noire font la une de la presse nationale, il s'interroge sur l'élaboration de cette cartographie et demande des corrections objectives aux services de l'État.
« Rien, dans les cartes qui ont été rendues publiques, n'est évoqué en ce qui concerne les mesures de protection qui pourraient se substituer à la démolition. Ni leur faisabilité, ni leur coût ne sont abordés. Les démolitions, quel qu'en soit le montant, semblent être préférées à la préservation. Sur ma commune, par exemple, je m'en tiendrai à la démolition de 8 petites maisons dont les Préfets de l'époque ont autorisé la construction de 1958 à 1978, car leur maintien fait courir un risque à leurs occupants. Pour ce qui concerne les autres habitations, je soutiens mes administrés qui considèrent, à juste titre, la démolition de leur maison non justifiée au regard des risques qu'ils encourent et en vertu des critères que vous avez décidés. En un mot, je ne prendrai pas d'arrêté d'interdiction d'occuper ces habitations, tant que la procédure que vont engager mes administrés ne sera pas arrivée à son terme ». Et d'ajouter : « N'attendez pas que le geste irréparable d'un sinistré ne vienne encore en rajouter au désespoir de la population. Nos communes de Charente-Maritime ne ressemblent en rien à La Faute sur Mer et à ses 4000 villas construites dans le plus grand désordre ». Il exhorte le préfet à se montrer compréhensif et présente une motion qui sera signée par l'ensemble des élus, toutes tendances confondues.

Lionel Quillet, maire de Loix, et Dominique Bussereau

Des débats animés

L'intervention poignante de Lionel Quillet, maire de Loix, ne fait que confirmer le malaise qui règne sur le terrain. « Je suis fatigué, nous sommes tous secoués » avoue cet homme qui a sauvé de la noyade sa femme et ses enfants. L'émotion est vive. « Durant vingt jours, nous avons fait face. Nous étions dans le constructif et la solidarité. Aujourd'hui, alors qu'ils ont été terriblement éprouvés, on demande à certains habitants de quitter leurs maisons à peine inondées. Il faut faire la différence entre les lieux qui sont effectivement dangereux et d'autres sites, submergés parce que les digues n'étaient pas entretenues. Pourquoi raser dans l'Île d'Aix où la digue a été consolidée par les hommes du Génie ? Travailler dans l'urgence peut entraîner des erreurs dans l'élaboration des zones. Personne n'est infaillible. Réfléchissons ensemble sereinement avant de prendre des décisions graves pour les sinistrés. L'avis de nouveaux experts serait le bienvenu »...

Des applaudissements suivent cette déclaration qui traduit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas : pourquoi imposer une cartographie dans des délais aussi rapides alors qu'une vaste concertation, avec les maires en particulier, aurait été nécessaire ?

Jean-Pierre Tallieu, président de la CDA de Royan, partage le même sentiment : « le périmètre établi a été mené sans concertation avec les élus locaux. Il doit être revu. Je souhaite la création d'une structure paritaire où chacun exprimera son opinion ».

André Bonnin, conseiller général de Rochefort, cite le cas de l'île d'Aix : « La semaine dernière, le maire a appris que douze maisons seraient détruites. Faites le rapport, la population est de 180 habitants ! C'est énorme par rapport aux zones noires de l'île de Ré : Pourquoi ? L'État se désengage de l'entretien des digues au motif que c'est aux propriétaires de se protéger. Il y a des systèmes de défense à mettre en œuvre. Je demande la nomination d'un médiateur dans chaque village touché ».

Pour Daniel Laurent, conseiller général de Pons, la question est directe et pleine de bon sens. Puisqu'il s'agit de démolir en zones "dangereuses", de nombreuses agglomérations sont concernées : « Je pense en particulier à Pons et à Saintes avec les débordements de la Seugne et de la Charente. Les maisons situées dans les quartiers inondables devront-elles être détruites ? ». La ville de Paris est dans le même cas de figure !

Michel Servit, conseiller général de Royan, abonde dans son sens : « La Maison du Département a été victime de Xynthia. À l'époque de sa construction, j'avais donné mon avis de marin en suggérant des portes étanches en sous-sol. Pure prudence. On m'a répondu que ça coûtait trop cher ». Si sa remarque avait été prise en compte, les voitures et les archives du Conseil Général auraient échappé à la vague...

En l'absence de Dominique Bussereau, appelé au téléphone par Matignon, le doyen Jean Louis Frot, conseiller général de Rochefort, a présidé la séance

• Le combat des modestes contre les puissants ?

La Gauche n'a pas de chance. L'impôt solidarité que voulait lever Dominique Bussereau était pour elle un vrai sujet de contestation. Or, samedi dernier à Saintes, le président a annoncé son abandon. Placés devant le fait accompli, Socialistes et Radicaux n'en commentent pas moins la gestion de Dominique Bussereau. Pour eux, c'est à l'État, et non pas aux contribuables, d'apporter son soutien, comme il l'avait fait après la tempête de décembre 1999.

Bernard Lalande, conseiller général de Montendre, le rappelle dans son intervention. Pour dégager des fonds, il est favorable aux reports de travaux : « Par contre, je suis opposé à ce que les aides soient supportées par un impôt supplémentaire que devraient payer les Charentais Maritimes ».

Il est relayé par David Baudon, conseiller général de la Jarrie. Après avoir critiqué la politique nationale qui fait exploser « les déficits des collectivités territoriales », il constate que le budget du Conseil général souffre d'asphyxie. Lointaine serait l'époque de l'âge d'or ! « Il n'y a plus d'excédents depuis 2007 alors que votre majorité ne cesse d'augmenter la fiscalité chaque année ». Il apprécie que l'impôt exceptionnel ait été écarté par « une prise de conscience » et reste perplexe quant au gel de la fiscalité départementale en 2011. « L'année des Cantonales, est-ce un hasard ? » glisse-t-il.

David Baudon et Denis Leroy


Le ton de Denis Leroy, conseiller général de La Rochelle, est plus goguenard. Après s'être réjoui que Dominique Bussereau ne siège pas à Poitiers, ce qui lui permet de rester tout entier dans le cœur des conseillers généraux, il pique la première banderille. « Quelle semaine vous nous avez fait vivre avec votre augmentation d'impôt ! ». Et de s'interroger sur l'attitude du Gouvernement quant aux zones sinistrées. « Devons-nous la résumer à : je suis venu, j'ai vu, j'ai évalué et vous n'avez qu'à payer. Des impôts, les Français en sont gavés ». L'élu rochelais estime que « l'heure est aux digues, le bitume, on verra plus tard ! Le Gouvernement doit tenir ses promesses. Un programme établi sur dix ans avait été validé en 99 et onze ans après, une constatation s'impose. La feuille a dû se perdre. En ce qui concerne la définition des zones, on ne peut pas avoir deux poids et deux mesures et certains maires veulent démissionner. Il ne fallait pas confondre vitesse et précipitation. Un mouvement est en train de se créer : les modestes contre les puissants. Les images que nous voyons actuellement à la télé risquent d'avoir un effet dévastateur sur la prochaine saison touristique ».

La riposte de Dominique Bussereau ne se fait pas attendre : « Je n'ai pas l'habitude de travailler dans la précipitation, ni de manière bouillonne. Vous dites que l'État n'a rien fait, mais quand l'addition sera faite, vous verrez ! Quant à l'impôt, nous n'avons pas la même approche sur le sujet que le Parti socialiste ».

• La protection des zones littorales étendue à l'ensemble des départements


Henri Masse se trouve dans une phase difficile : celle de la reconstruction. Interpellé par les maires, pris à partie par les sinistrés de Xynthia, le représentant de l'État est entre deux chaises. Le terrain et Paris. Il connaît la situation, les drames familiaux, la souffrance de la population, la fatigue des élus municipaux : « Cette tempête a provoqué un phénomène sans précédent et les populations doivent être protégées. Le danger est avéré en certaines zones ». Cette opération concerne désormais tous les départements côtiers car les événements de mer, qui découlent des changements climatiques, peuvent surgir n'importe où.

En Charente-Maritime, les zones ont été déterminées avec la collaboration d'experts et les services des ministères concernés. Des couleurs ont été définies, noir quand les maisons doivent être détruites ; jaune quand le risque, permanent, peut être maîtrisé. Devant le tollé qu'a soulevé la cartographie proposée la semaine dernière, des expertises complémentaires auront lieu. Chacun essaie de défendre l'endroit où il vit : il n'en reste pas moins que derrière une digue, se trouve un effet de cuvette... « Je comprends vos réactions » déclare le préfet. Désormais, et le Gouvernement l'a dit mardi dernier, le dispositif est activé et les habitations seront "achetées" à leur valeur d'avant tempête. Bien sûr, l'heure est grave, c'est pourquoi des cellules de relogement et d'accompagnement psychologique sont opérationnelles.
Pour expliquer le choix dur de l'État en pareille circonstance, Henri Masse ajoute que la submersion aurait été plus grande si la marée avait eu un gros coefficient (équinoxe). La vague, déjà haute de 8 mètres (avec une surcote de 1,60 m) aurait atteint des sommets... « 23 000 hectares de terres agricoles ont été inondés. Tous les plans de prévention seront révisés. Je partage votre émotion, mais le risque est permanent » conclut-il.

En face, de nombreux conseillers généraux hochent la tête. Visiblement, ils ne partagent pas la position du préfet. En contact avec les habitants, ils savent que cette tempête va laisser des marques indélébiles. Et la bataille ne fait que commencer...

Un peu d'apaisement au restaurant du Conseil Général, après cette ouverture de session tendue. Le conseiller général de Mirambeau, Bernard Louis Joseph, et le député Jean Claude Beaulieu ont invité les maires du canton de Mirambeau à déjeuner.


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