mercredi 24 mars 2010

Patois poitevin saintongeais : Réactions de Michel Valière et James Poirier


Michel Valière, ethnologue, répond à l'analyse faite par James Poirier au sujet du poitevin saintongeais :

« Si je peux partager certaines critiques, je me permets toutefois de souligner deux erreurs, l'une chronologique ; l'autre, si j'ose dire, de droits patrimoniaux quant au concept de poitevin-saintongeais.
James Poirier affirme tout de go que ce sont des poitevins qui ont créé dans les années 90 cette notion insatisfaisante de poitevin saintongeais. Il s'agit de rumeurs infondées. Il suffit de se reporter à la page 189 du bulletin de la Société d'études folkloriques du Centre Ouest, septembre Octobre 1971, à l'article "Graphie normalisée et Dictionnaire" (à cette date, l'UPCP avait deux ans, et les acteurs d'aujourd'hui, pour certains en culottes courtes ou non encore présents parfois dans la région et pas dans l'union d'associations qu'était à l'époque l'UPCP). C'est sous la plume d'un Saintongeais de Rochefort, grand érudit, Jacques Duguet, respecté de tous, qu'apparaît pour la première fois cette notion, sans référence à l'UPCP. Elle se jettera dans la politique des langues en 1981, dix années plus tard à partir du groupe de travail Henri Giordan (CNRS), mis en place par Jack Lang et par le Ministre de l'Education Nationale Savary, à la suite du discours de François Mitterrand de 1980, dit Discours de Lorient sur la promotion des langues régionales de France.
A l'époque, J. Duguet travaillait avec la SEFCO à la rédaction d'un dictionnaire concernant à la fois la Charente, la Charente-Maritime, les Deux-Sèvres, la Vienne et la Vendée dont il avait préconstruit la lettre A jusqu'à ABR et souhaitait, naturellement, une cohérence graphique. Je cite l'article de Duguet en page 189 : « Il a fallu créer un système de graphie normalisée applicable à l'ensemble dialectal concerné par ces travaux. Aussi est-il nécessaire de définir d'abord ce système ». Il s'ensuit un intertitre en caractère gras : "Système de graphie normalisée du Poitevin Saintongeais." Quelques lignes plus loin : La Tribune du Parlange du numéro de mars-avril 1970 du bulletin de la SEFCO a ouvert un débat capital sur la graphie du dialecte poitevin-saintongeais et p. 192 " pour peu qu'aucun doctrinarisme ne s'élève intempestivement contre lui et que chacun veuille faire le travail minime d'assimiler ses principes très simples, il fera faire d'énormes progrès à l'expression écrite du Poitevin-Saintongeais."
Ce sont des faits vérifiables dans la première bibliothèque abonnée à la SEFCO, et en tout cas, au moins à la Maison de Jeannette à Saint-Jean-d'Y, siège de la SEFCO. Remarquez qu'à cette époque, E. Nowak avait déjà 5 ans ! L. Jagueneau venait de passer son bac deux ou trois ans avant et ne se souciait guère de querelles linguistiques, avant de se lancer beaucoup plus tard, après son agrégation de lettres et une première thèse de troisième cycle sur des phénomènes de sandhi, dans la rédaction d'une thèse d'état sur le thème du poitevin saintongeais...
Une question : Pourquoi donc charger l'UPCP de cette invention ? Le problème n'est pas là. Dans les faits, c'est essentiellement le système graphique de Duguet, bousculé au début des années 1980 qui va allumer la mèche de la discorde. Le système inventé alors par le groupe de travail autour de l'atelier UPCP va semer un trouble compréhensible, jusqu'au rejet pur et simple, dans les rangs des patoisants, qu'ils soient poitevins ou saintongeais. De fil en aiguille, de grief en grief, justifiés ou non, la zizanie s'est installée durablement jusqu'au point de rupture du trait d'union installé par Duguet, repris et cultivé par d'autres. Personnellement, je n'utilise pas le système de 1980, mais celui de la SEFCO initié par Duguet, lorsque j'ai besoin de transcrire un mot ou quelque phrase rapportés du terrain ».

Merci Michel Valière pour cette mise au point qui a, bien sûr, attiré l'attention et la réponse de James Poirier :
« De quoi parlons-nous, d'influence ou de pouvoir ? De recherches éthno-linguistiques ou d'autorité sur les langues régionales ? Que les initiatives culturelles ou scientifiques conduites par des chercheurs, des associations ou des amateurs éclairés aient une influence sur l'intérêt porté aux langues régionales ou sur les locuteurs eux-mêmes, tout le monde en conviendra et cela n'est pas critiquable, bien au contraire, car cela participe aujourd'hui de la vie de ces langues. En revanche, quand la référence à ces mêmes travaux conduit à une décision formelle de l'autorité publique conduisant à supprimer le saintongeais de la liste des « Langues de France », il ne s'agit plus d'influence intellectuelle mais d'acte de pouvoir. Ce que nous contestons formellement ce n'est pas le parcours scientifique ni l'histoire, fort estimable, d'une somme de recherches savantes sur les langues d'oïl méridionales atlantiques mais c'est le poids d'une décision nationale, en l'occurrence celle de la DGLF, vécue comme l'exercice autoritaire d'un pouvoir de fait. A ce titre, l'exposé fort sympathique de M. Valière n'aborde pas la vraie question ici en débat, celle du pouvoir de faire radier de la liste des langues de France deux parlers distincts : le poitevin et le saintongeais ».

Asteur, j'hallons en rester là !!!

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