vendredi 24 juin 2022

Grêle, cultures sinistrées en Haute-Saintonge : la détresse des agriculteurs

Jeudi après-midi, le préfet Nicolas Basselier, aux côtés d’Estelle Leprêtre, sous-préfète de Jonzac, Cédric Tranquard, président de la Chambre d'agriculture, M. Prioul de Direction Départementale des Territoires et de la Mer, et des responsables de la profession agricole (dont le BNIC), se sont rendus dans des communes de Haute-Saintonge où le violent orage de grêle de lundi dernier a ravagé 80% des récoltes, voire la totalité en certains endroits. Dans le pays, ces « scènes d'apocalypse » ont touché un couloir allant des Charentes aux Pyrénées-Atlantiques. Une rude épreuve pour les exploitants sinistrés, confrontés à de nombreuses difficultés, économiques en premier lieu.

Les vignobles ont été sévèrement touchés par l'orage de grêle de lundi dernier. Sur cette photo, une parcelle exploitée par M. Mariau à Neulles
Des vignes... sous le choc (région Mirambeau/estuaire)

Sur la Haute-Saintonge (régions de Jonzac, Archiac et Mirambeau en particulier), les dégâts sont importants tant dans les vignes que les champs de céréales, le maïs ou les plantations de kiwis, noyers. Pour l’instant, on ignore à combien s'élèvera le préjudice des pertes provoquées par la grêle, suivie par des intempéries dont des pluies diluviennes. Une somme importante, à n’en pas douter, qui place une nouvelle fois les agriculteurs dans des situations préoccupantes. 

En peu de temps, des viticulteurs ont vu le fruit de leur travail anéanti. Une récole est une succession d’étapes précises. Tailler, tirer les bois, attacher, relever : toutes ces opérations permettent d’obtenir des raisins dorés qui seront vendangés à l’automne. Lesquels entreront dans la composition du cognac, le fleuron du terroir. Les grêlons, dont certains avaient la grosseur d'un œuf de caille, ont "massacré" les grappes en formation et blessé tiges et ceps. Les champs de maïs ont été anéantis et les vergers sont en piteux état. Pour les éleveurs, se pose la question de l’herbe qu’ils donneront à leurs animaux. Si elle est couchée dans les prés, quelle sera sa qualité ? Il en est de même pour les blés et les orges : quels rendements espérer s’ils ont souffert ?

Toutes ces questions ont été abordées lors de la venue du préfet, Nicolas Basselier, à Neulles sur l’exploitation de M. Mariau, puis à Saint-Bonnet sur Gironde chez M. Brun. Partout la même désolation.

Rien n'a été épargné, pas même les céréales
Champ de maïs anéanti (Saint-Bonnet)

80% du vignoble de M. Mariau (Petite Champagne), où les grappes étaient en bonne voie, sont concernés. « La vigne est fragilisée, il faudra l’aider à cicatriser. La récolte est compromise et désormais, nous devons éviter que la maladie ne s’installe comme le mildiou » explique-t-il. A Saint Bonnet et les communes alentours, le constat est aussi dramatique. Vignes, kiwis, céréales. « Nous travaillions dans une parcelle quand l’orage est arrivé avec des bourrasques extrêmes. Le vent a soulevé le toit de la cabine dans laquelle se trouvait ma compagne. Nous n’avions jamais vu ça. Elle est encore sous le choc. Nous avons tout perdu » souligne un jeune agriculteur qui ne cache pas ses larmes. Trop, c’est trop. 

Il porte le flambeau de la nouvelle génération et le voici confronté à de multiples problèmes, dont des engagements à honorer. Mais comment le faire quand les intempéries vont le priver de ressources ? Comme beaucoup d’autres, il s’est montré actif en investissant dans du matériel de production. Arme à double tranchant. Les achats endettent les jeunes agriculteurs sur le long terme ; ils peuvent alors être asphyxiés s'ils sont confrontés à des pertes sèches de trésorerie. « Nous prenons des risques en nous installant parce que nous aimons notre travail, entendons le valoriser et souhaitons poursuivre la tradition familiale » déclare l'un d'eux, marchant dans les pas de son père et de son grand-père. Et d’ajouter « espérons qu’on ne nous appliquera pas de pénalités »… 

Le préfet aux côtés des agriculteurs (ici dans une plantation de kiwis) : « Une mission est actuellement conduite par le ministre de l’Agriculture pour évaluer les dégâts »
La question est de savoir comment les cultures vont se refaire après cette épreuve...

• Que faire face aux aléas climatiques ?

Souscrire des assurances, c’est possible, mais elles sont élevées. En conséquence, est attendue l’application de la réforme de l’assurance récolte. « Après un vote à une large majorité à l’Assemblée nationale puis au Sénat, le projet de loi portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture a été définitivement adopté par le Parlement. Cette réforme, portée par Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, et Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture, revoit en profondeur le système actuel pour mieux protéger tous les agriculteurs face aux aléas climatiques » remarque Evelyne Delaunay, suppléante du député Raphaël Gérard. Selon Bruno Le Maire, « à partir de 2023, tous les agriculteurs pourront avoir accès à une couverture universelle, fondée sur la solidarité nationale, pour couvrir les risques les plus graves. En parallèle, un accès plus simple à l’assurance privée permettra de se protéger des autres risques. C’est un travail partenarial mené avec les fédérations professionnelles de l’agriculture, les assureurs et les parlementaires qui permet d’aboutir à cette réforme historique »

On peut aussi se tourner vers le régime des calamités agricoles qui vise à assurer aux exploitations ayant subi une perte de récolte ou une perte de fonds d’origine climatique - et qui remplissent les conditions d’éligibilité - une indemnisation financée par le Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA). Sont considérées comme calamités agricoles « les dommages résultant de risques, autres que ceux considérés comme assurables, d’importance exceptionnelle dus à des variations anormales d’intensité d'un agent naturel climatique, lorsque les moyens techniques de lutte préventive ou curative employés habituellement dans l'agriculture, compte-tenu des modes de productions considérés, n'ont pu être utilisés ou se sont révélés insuffisants ou inopérants ».

L’heure est aujourd'hui à la mobilisation et la solidarité. Un état des lieux est dressé afin d’estimer et d’évaluer les préjudices tant chez les viticulteurs que les céréaliers, les éleveurs, les maraîchers, les pépiniéristes. Suivra une mise en place des procédures qui devraient permettre aux exploitations sinistrées de sortir la tête hors de l’eau. Cette mission est conduite par le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau. 

D’ici quelques semaines, on devrait en savoir davantage tant sur les dispositions prises que la manière dont les cultures vont se refaire après cette épreuve. En souhaitant que les cieux veuillent bien rester cléments…

M. Brun, président de l’Union Générale des Viticulteurs pour l'AOC Cognac, cultive une trentaine d’hectares à Saint-Bonnet

• Les canons à grêle : Ils empêchent la formation de la grêle en limitant la croissance des grêlons grâce à l'onde de choc créée par une détonation. Toutefois, ils ne font pas l’unanimité.

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