dimanche 23 juin 2019

Jonzac : le jour où les extraterrestres nous ont déclaré la guerre !

Le 13 juin 1819, une pluie de météorites est tombée sur la région de Jonzac provoquant la frayeur des habitants. Une exposition, organisée par la Ville et l’Office de Tourisme, est organisée au Cloître des Carmes dans le cadre du bicentenaire. Elle a été inaugurée l’autre samedi en présence du maire Claude Belot et de spécialistes, Laurent Londeix de l’université de Bordeaux, Mathieu Sudre, responsable de Magellan Météorites et Patrice Guérin, membre de la Société astronomique de France. Le clou de la visite est bien sûr le fragment de la météorite de Jonzac recueillie à l’époque par Fleuriau de Bellevue.

Visite guidée par Mathieu Sudre
  
Revenons sur ce fameux 13 juin 1819...  

Soudainement, il s’abat sur sept communes de l’arrondissement de Jonzac une grêle de pierres qui fait suite à trois détonations. Une enquête sur ces faits extraordinaires est aussitôt diligentée par le préfet, le baron de Lachadenède. Elle est confiée à un savant rochelais, Fleuriau de Bellevue, qu’il presse d’écrire une notice "provisoire" dans le journal du Département (article publié en août).
L’intéressé se rend sur le terrain afin de rapporter des échantillons et d’y rencontrer les habitants. Lesquels sont encore sous le choc. Il juge d’ailleurs leurs réponses incomplètes malgré « ses instances réitérées ». Tels des globes de feu, à quoi rassemblaient donc ces « bolides » venus troubler la quiétude saintongeaise ?
Le rapport de Fleuriau de Bellevue fournit de nombreuses précisions. Il en fait lecture devant l’Académie Royale des Sciences le 26 juin 1820.

En voici des extraits : « Les habitants de sept communes du départ tellement de la Charente inférieure furent témoins l'an dernier d'un phénomène qui est toujours fort extraordinaire quoiqu'il se manifeste de temps à autre dans diverses contrées. Des pierres, tombées dans l'atmosphère, présentèrent de nouveaux caractères qui me parurent propre à jeter quelque jour sur les nombreux mystères de ce genre de phénomène. Le 13 juin 1819 à 5 h 45 du matin, il tomba dans l'arrondissement de Jonzac une grêle de pierres. On entendit d'abord un coup d'une force moyenne, mais très sec, ensuite un long roulement avec des craquements et comme un bruit de mousqueterie qui dura une minute ou deux et se termina par deux détonations, coup sur coup, dont la dernière fut d’une extrême violence. Un laboureur a comparé les craquements successifs au bruit que feraient plusieurs sacs de noix qu’on jetterait les uns sur les autres. Cette chute eu lieu sur les communes d’Archiac, Saint-Eugène, Moings, Saint-Martial de Vitaterne, Allas-Champagne, Brie-sous-Archiac et Saint-Ciers Champagne. L’espace sur lequel ces pierres sont disséminées forme une sorte de triangle dont le grand côté a plus de six mille toises de longueur du nord-est au sud-ouest. Le sifflement que leur chute occasionna dans l’air fut entendu de plusieurs personnes ; des ouvriers reconnurent que ces pierres les avaient mutilés. La plus grosse d’entre elles pèse six livres (12 kilos), d’autres quatre et la plupart sont petites. Les unes et les autres sont tombées à peu près également au nord comme au sud. Le lendemain, on en trouva une qui avait fait un trou dans la terre et semblait avoir brûlé l’herbe qui l’entourait. La dernière détonation retentit avec tant de force qu’elle fut entendue de Marennes, à Blaye et jusqu’à 20 lieues de distance près de Niort.
On crut à Angoulême et à Mauzé que le magasin à poudre de Saint-Jean d’Angely venait encore de sauter. Plusieurs personnes aperçurent un météore lumineux juste après la première détonation. Il était irrégulier dans son contour et avait la forme d’un rectangle allongé. Selon un paysan, c’était comme deux draps blancs mis bout à bout. Son écart était faible, mais il était entouré de fumée et le soleil, élevé depuis deux heures, en diminuait l’impression. Sa couleur était d’un blanc un peu grisâtre. Il parut d’abord dans le Nord et marchait avec une rapidité surprenante vers le Sud. Il était élevé de 50 à 60 degrés au dessus de l’horizon au moment de la première détonation et se dissipa en fumée après avoir atteint le zénith où se firent les deux dernières explosions. Deux de ces pierres ont été remises au Baron de Lachadenède, préfet du département. L’une d’elles, dont il a fait présent au cabinet d’histoire naturelle de La Rochelle, est tombée à Saint-Martial, près de Jonzac. Elle pèse quatre livres et présente à peu près la forme d’un cône surbaissé.
J’ai vu huit de ces pierres. Toutes sont de même nature et absolument distinctes quant à leur aspect et leur contexture. Elle sont semblables aux autres météorites, aérolithes ou météorolithes tombées dans d’autres pays. Elles diffèrent cependant de la plupart par des dispositions particulières qu’il est important de remarquer. Leur pesanteur spécifique est inférieure. Toutes sont en fragments avec des arêtes tantôt vives, tantôt arrondies. Certaines faces montrent des enfoncements alvéolaires. Ces pierres sont couvertes d’une croûte qui a l’apparence d’un vernis noir très luisant. Elles se composent en deux couches en quelque sorte : l’une d’un brun noirâtre mat et opaque et l’autre superficielle ne formant qu’un vernis vitreux. Leur composition présente un agglomérat cristallin de deux substances au moins, l‘une d’un beau blanc mat, l’autre d‘un gris verdâtre très foncé ».

Ces détails montrent le nombre important de pierres tombées ce jour-là dans la nature (5 kg environ). La roche dont elles sont constituées s’appelle « eucrite », proche des basaltes lunaires et probablement constituée des mêmes matériaux que certains des astéroïdes qui circulent aujourd’hui entre Mars et Jupiter.

Le public intéressé par la météorite de Jonzac !
Trois passionnés : MM. Roth, Gaillard et Mariau
L'allocution de Claude Belot
Destination cosmos ! Félicitations à Madeleine Perrin et Delphine Levêque qui ont préparé cette exposition
L’exposition organisée à Jonzac est dédiée à cet événement. Elle comporte de nombreuses vitrines où sont présentés des échantillons. Des tableaux apportent des explications sur la naissance de la Terre, le système solaire, le cosmos, la conquête spatiale, la Lune, Mars. Liste non exhaustive ! On y apprend qu’une météorite est tombée en 2011 dans l’Essonne sur la maison de Mme Comète ! L’anecdote fait sourire l’assistance. « En 1813 à Jonzac, les extraterrestres nous ont déclaré la guerre et la DCA n’a pas pu leur résister » plaisante Claude Belot.

N’hésitez pas à découvrir cette expo ouverte jusqu’au 28 juin de 15 h à 18 h au cloître des Carmes. Entrée libre.
Vendredi 28 à la tombée de la nuit au Plongeoir, ne manquez pas le ciné concert spatial !

A noter sur vos tablettes
Laurent Londeix et Mathieu Sudre
Echanges entre spécialistes
Expertise de roches apportées par des particuliers
• Mme Mathieu, dont les aïeux ont été contemporains de l’événement, admet que sa famille n’a rien oublié : « on se raconte les faits de génération en génération. Vraiment, ils pensaient que c’était la fin du monde. Ils ont entendu des bruits très violents qui ressemblaient à plusieurs batteries de canons. Ils ignoraient de quoi il s’agissait. Par la suite, ils ont constaté que des pierres étaient tombées autour de chez eux. Ils en ont ramassé. Mon père les a conservées, il les appelait les pierres de lune et disait : c’est précieux, elles viennent des fins fonds de l’univers. Ceci dit, il s’en servait pour caler ses barriques ! ».

• Participation du Muséum d’Histoire Naturelle de Paris, de l’université de Bordeaux, du Muséum d’Histoire Naturelle de la Rochelle, de l’Observatoire Midi-Pyrénées de Toulouse, la Société Astronomique de France, l’association Astronomique sensorielle, de l’Espace Mendès France de Poitiers, de l’Observatoire de Clain, de Magellan Météorites et Vigie Ciel Bordeaux.

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